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Fédéral-Provincial: comprendre le comportement électoral des Québécois

Il arrive souvent, aussi, que des électeurs caquistes votent libéral au fédéral. Pourtant, ces deux partis sont complètement opposés sur les spectres politique et économique. Qu'est-ce qui explique ce comportement électoral contradictoire?
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Depuis quelques mois, François Legault cherche à devenir la voix du défenseur de l'identité québécoise. Il souhaite ainsi obtenir des appuis de péquistes afin de remplacer la formation souverainiste à la prochaine élection. On s'en souvient, cette stratégie a déjà porté fruit lorsque le PQ d'André Boisclair, qui cherchait alors à cacher ces enjeux sous le tapis, s'est fait battre électoralement par l'ADQ qui avait misé sur un programme à saveur nationaliste.

À l'inverse, les Québécois d'aujourd'hui sont en admiration envers Justin Trudeau, et hier envers le NPD, alors qu'ils sont pourtant les partis les plus favorables au multiculturalisme sur la scène politique fédérale.

Il arrive souvent, aussi, que des électeurs caquistes votent libéral au fédéral. Pourtant, ces deux partis sont complètement opposés sur les spectres politique et économique. Qu'est-ce qui explique ce comportement électoral contradictoire?

Véronique Hivon expliquait à Radio-Canada en début de course que c'est parce qu'ils ont soif de nouveauté en politique. Selon son analyse, les électeurs sont devenus tellement cyniques envers la classe politique qu'ils sont prêts à appuyer différentes visions, parfois même contradictoires, afin de briser le cycle duquel ils sont victimes.

Cette analyse explique certainement les choix de certains électeurs, provenant particulièrement des plus désespérés. J'ajouterais aussi que les Québécois en sont venus, au cours de l'histoire canadienne, à percevoir différemment le rôle des deux paliers de gouvernements sur les enjeux auxquels ils ont un pouvoir partagé.

On le sait, le gouvernement fédéral n'entreprend pratiquement aucune mesure depuis des décennies pour permettre à la langue française de s'épanouir dans l'ensemble du pays. Il ne se porte peu ou pas à la défense de la fragile identité québécoise lorsqu'elle est attaquée institutionnellement, médiatiquement ou socialement.

«Désormais, les Québécois francophones ne s'en remettent qu'aux partis provinciaux - notamment le PQ et la CAQ - pour agir en tant que défenseurs de la nation.»

La seule période dans l'histoire, à quelques petites exceptions près, où le Canada s'est prêté main-forte à la défense et promotion du français fut dans les années 1970 et 1980 lorsque de la croissance du mouvement souverainiste menaçait l'unité du pays.

Par exemple, la Cour suprême du Canada a fait le choix de tolérer partiellement la loi 101 dans l'espoir de contenir la colère des Québécois. En outre, la réforme des langues officielles permettait de montrer un semblant d'appartenance et de reconnaissance de la nation québécoise dans l'ensemble canadien.

Mais depuis la décroissance du mouvement souverainiste et plus généralement du nationalisme québécois, le gouvernement canadien a cessé de se porter à la défense de l'identité québécoise. À quoi bon? L'unité du pays n'est plus menacée et les Québécois ne tiennent plus tant que ça à leur langue de toute manière.

Ainsi, avec le temps, nous en sommes venus à accepter, voire normaliser l'absence de mesures venant d'Ottawa visant à promouvoir la langue française d'un océan à l'autre ou à se préoccuper de notre fragile identité. Nous avons inconsciemment intériorisé le multiculturalisme canadien qui nie notre propre statut de société distincte. Et cette réalité s'est traduite dans notre comportement électoral au cours des dernières élections fédérales.

À chaque élection, les partis fédéraux ne prennent plus la peine de prendre des engagements sérieux pour la langue française. Ils la considèrent plutôt comme une source de coûts additionnels bureaucratiques inutiles. Ils continuent à se porter à la défense d'autres minorités culturelles, mais ont cessé de défendre la nôtre. Ils restent silencieux devant le Québec bashing que l'on voit partout dans les médias du ROC (rest of Canada). Et nous ne nous posons même plus de question.

Désormais, les Québécois francophones ne s'en remettent qu'aux partis provinciaux - notamment le PQ et la CAQ - pour agir en tant que défenseurs de la nation.

Au cours des dernières années, Mario Dumont, François Legault et Pauline Marois ont lutté sur les enjeux identitaires - notamment l'immigration, la laïcité et les lois linguistiques, pour réussir à obtenir la balance du pouvoir face au PLQ. Les partis fédéraux n'ont plus à le faire pour récolter l'appui des Québécois.

Il y a bien sûr eu le débat sur le niqab à la dernière élection fédérale et qui a fait beaucoup de bruit dans les médias. Certains considèrent que la chute du NPD s'explique par son appui au niqab. Pourtant, les électeurs se sont tournés vers le PLC qui est encore plus multiculturaliste, et non pas vers le Bloc Québécois ou le PCC qui s'y opposaient. La raison plus probable de la chute du NPD au Québec s'explique plutôt par stratégie électorale: la colère envers le gouvernement Harper culminée avec la croissance du PLC dans le reste du Canada qui devenait la seule alternative possible pour battre les conservateurs. Le débat sur le niqab n'a donc pas grandement influencé les choix électoraux.

On lit plusieurs chroniqueurs débattre sur les meilleures stratégies électorales pour rassembler la majorité historique derrière une seule formation politique. Certains commentateurs, tels que Mathieu Bock-Côté et Joseph Facal favorisent une approche plus nationaliste en rappelant l'épisode Boisclair qui avait permis à l'ADQ de se faufiler en tant qu'opposition officielle grâce à son programme nationaliste. D'autres personnalités, comme Alexandre Cloutier, considèrent que l'appui des Québécois au NPD et au PLC au cours des dernières années, et l'amour qu'ils témoignent envers Justin Trudeau selon tous les sondages, témoignent que les Québécois préfèrent davantage l'ouverture, ou le laissez-faire, sur les questions identitaires qu'une approche plus coercitive.

Électoralement - et non pas idéologiquement - parlant, je partage l'avis de Mathieu Bock-Côté et Joseph Facal selon laquelle l'approche nationaliste est plus porteuse rassembler les francophones, mais seulement lors des élections provinciales. Au fédéral, les Québécois ont accepté le déni de leur identité.

Et je considère que de bien distinguer le comportement électoral des Québécois aux élections provinciales et fédérales est nécessaire pour toute analyse électorale, et qui est souvent ignoré.

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