Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Entrevue avec un Anglo-Québécois qui milite pour l'indépendance du Québec

J'ai rencontré le fondateur du site web et de la page Facebook. Ils sont administrés par un Québécois bilingue en faveur de l'indépendance du Québec.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Le mouvement souverainiste du Québec est souvent perçu par plusieurs comme étant un projet exclusivement pour les francophones. Le faible taux d'appui des anglophones et des allophones au projet d'indépendance montre cette réalité. Mais malgré tout, il existe plusieurs anglophones qui appuient et même militent pour un Québec indépendant.

Afin de mieux les comprendre, j'ai rencontré le fondateur du site web et de la page Facebook Why Quebec Needs Independence. Ils sont administrés par un Anglo-Québécois (mais lui préfère être présenté comme un Québécois bilingue) qui publie régulièrement des articles en anglais en faveur de l'indépendance du Québec. Je lui ai posé plusieurs questions. Voici ses réponses.

Pouvez-vous me parler un peu de vous et de votre cheminement qui vous a amené à supporter l'indépendance du Québec?

Je suis un analyste programmeur de 46 ans et j'habite dans la rive-sud de Montréal. Mes parents sont Francos-Ontariens, mais la majorité de ma famille éloignée habite en Ontario et ne savent communiquer qu'en anglais. [...] Moi je suis né au Québec, donc oui, je parle français.

J'ai été élevé dans un quartier anglophone. Il y avait des anglophones, des personnes d'origine italienne, une famille allemande, et une autre tchèque. La langue de communication était l'anglais. Avec la télévision, la musique et les livres en anglais, c'est très facile d'être élevé en anglais au Québec.

Lorsque j'étais jeune, j'étais fortement opposé à l'indépendance du Québec. C'est vers l'âge de 18 ans que j'ai remis en doute mes convictions sur le sujet lorsque j'ai commencé à lire des livres sur l'histoire du Québec. Malheureusement, j'ai habité en Europe la plupart des années 1990 et je me suis senti coupable de ne pas avoir été au Québec au moment du référendum.

Avec l'arrivée des médias sociaux, j'ai commencé à débattre avec les autres internautes. «Cette personne-là à tord et je dois la corriger»: oui je suis ce genre de personne, mais moins qu'auparavant. Il y a beaucoup de Québec bashing en général, et particulièrement envers le mouvement souverainiste, venant des anglophones. Si un individu ne parle pas français, il ou elle ne pourra jamais lire les arguments du camp souverainiste. Je me suis dit que j'avais un rôle à jouer à ce niveau-là.

Une forte majorité de Québécois anglophones s'opposent au projet d'indépendance. Pourquoi, selon vous?

Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur le fait que le Québec est un territoire conquis par la force et que les relations entre anglophones et francophones n'ont jamais été sur un pied d'égalité. Beaucoup de gens considèrent que ce qui arrivé dans le passé n'a pas d'importance aujourd'hui... mais ils se trompent. L'Histoire forme le contexte dans lequel nous vivons aujourd'hui. Les attitudes paternaliste et condescendante envers les francophones que l'on retrouve encore aujourd'hui dans le National Post ou The Gazette sont une manifestation de la culture anglo-canadienne formée pendant l'Histoire.

À mon avis, nous pouvons vraisemblablement considérer que les Québécois anglophones sont des Canadiens qui habitent sur un territoire majoritairement francophone, mais conquis. Oui, ils sont Québécois dans le sens géographique du terme, mais ils s'identifient très faiblement à son côté francophone. Dans leur psyché, nombreux s'imaginent vivre dans une province canadienne comme les autres, à la différence qu'elle contient une large minorité agaçante conquise il y a longtemps.

C'est surtout pour cette raison que je considère que le Québec devrait devenir indépendant. Cela établirait une relation d'égalité entre les anglophones du Canada et les francophones du Québec. Les deux peuples ont des valeurs, des idéaux et des ambitions différentes. Chacun pourra décider ce qu'il y a de mieux pour lui, sans être empêché par l'autre. Les inégalités politiques et économiques entre les deux peuples existeront toujours en habitant entre les même frontières. Je crois que le mieux pour les deux serait de décider eux-même ce qu'il y a de mieux pour eux, tout en ayant de fortes relations diplomatiques avec l'autre pays.

Donc, pourquoi les anglophones s'opposent généralement fortement au projet d'indépendance du Québec? Je crois que c'est pour des raisons culturelles. Une histoire souvent de domination, de privilèges, de regarder les francophones vers le bas, de les voir comme une simple minorité ethnique. Cette culture de pensée est transmise entre générations et chez les immigrants qui s'intègrent aux anglophones. Elle est très difficile à changer.

C'est une situation toxique pour le Québec et je la trouve insupportable. Je considère qu'il est important pour le Québec que sa différence soit reconnue par le monde entier, comme pour tant d'autres nations, car sinon elle finira par disparaître à l'intérieur du Canada.

Comment pourrait-on convaincre les Québécois anglophones de soutenir l'indépendance du Québec et de vouloir faire partie d'un nouveau pays?

Je ne crois pas que c'est possible de convaincre une majorité d'entre eux, particulièrement ceux qui reçoivent leurs informations de CJAD, The Gazette ou encore, dans une moindre mesure, The Suburban. Ceux-là se perçoivent comme une minorité martyrisée par le Québec et ce serait invraisemblable de les convaincre en grand nombre.

Je crois que nous pourrions malgré tout convaincre une partie des Québécois anglophones en proposant un Québec plus juste, plus démocratique et plus vert que ce que celui dont nous avons à l'intérieur du Canada, et expliquer comment l'indépendance faciliterait ces changements.

Personnellement, la libération politique du peuple francophone est une raison suffisante pour me convaincre. Mais pour la majorité des anglophones, et même des immigrants et des autochtones, nous devrions décrire en détail le pays que nous voulons construire et les inclure davantage dans notre projet et notre société en général.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Mario Dumont, Lucien Bouchard, Jacques Parizeau

Référendum de 1995

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.