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10 signes que vous êtes faits l'un pour l'autre

M'appuyant sur les principaux travaux psychanalytiques, je propose dix items indiquant que vous avez peut-être trouvé une personne avec laquelle construire une relation sinon idéale, au moins vivante et créative.
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Pour être aimé, aujourd'hui, l'autre doit crever l'écran de la psyché, surprendre, peut-être s'imposer, grand, beau, fort, complet, solide, «parfait» en tout point mais surtout éminemment «conforme» -maître mot du business affectif- à l'idéal personnel. Pour exister et perdurer, il lui faut incarner notre extension narcissique sinon son négatif, un objet magique, contraphobique diront certains, capable de combler chacun de nos manques, de réparer nos blessures les plus secrètes, de transformer les vides en plein... de quoi?

Dans la société de l'hyperconsommation, nous finissons tous par «consommer de l'autre», par tout exiger de lui, dans l'immédiateté; comme pour n'importe quel produit, on change, on l'échange s'il ne convient pas, s'il cède et se rompt sous les assauts délétères de nos innombrables critères de sélection, et comment pourrait-il ne pas s'y briser?

Il y en aura toujours un autre; il y en aura des tas, des hommes et des femmes prêts-à-aimer, à essayer, à porter et à supporter le temps que la séduction passe, que le mystère se dissipe -en aurait-on fait si vite le tour?- que l'on se lasse. La formule promue par Meetic ou Tinder achoppe mais la quête impulsive et éperdue ne s'arrête pas, l'idéal est tenace, la crainte de demeurer seul plus grande encore que celle de se retrouver un jour face à soi.

Pour autant, n'est-il pas possible que parmi tous ces tests, ces balbutiements, ces discordes et désillusions, se tiennent face à nous bien plus qu'un consommable? Et s'il s'agissait de la promesse d'une belle histoire qui mériterait d'être pleinement vécue?

M'appuyant sur les principaux travaux psychanalytiques, je propose dix items indiquant que vous avez peut-être trouvé une personne avec laquelle construire une relation sinon idéale, au moins vivante et créative, ou qui mérite à tout le moins que vous ne succombiez trop vite à la suprême injonction de chercher mieux, plus grand et plus beau, ailleurs.

1) Il est facile de dialoguer

On ne communique pas de la même façon avec chacune des personnes qui traversent notre existence. Durant l'enfance, on accède au langage en surmontant la perte par le biais des mots (Kristeva). On apprend à nommer d'abord ce qui nous fait défaut, tout ce qui peut nous laisser, s'en aller (Dolto). Nos interrelations adultes portent à jamais l'empreinte de ce processus de symbolisation et plus on se sent contenu, porté par la psyché de l'autre, plus on peut lui parler librement, associer affects et idées, mobiliser les contenus psychiques les plus constitutifs de notre histoire et de notre personnalité: se raconter pour se rencontrer vraiment. Le langage est le ferment primordial de toute relation amoureuse; sans son appui, il sera impossible de surmonter les différents deuils insécables d'une vie humaine.

2) Ensemble, vous redevenez des enfants

La régression est un mécanisme psychique complexe, dans certains cas pathologiques, mais essentielle au sujet névrotico-normal. Dans un couple fonctionnel, les partenaires peuvent parfois se comporter comme des enfants. A travers la régression s'exprime un fantasme de complétude, l'autre nous «comble» pleinement, nous ne faisons plus qu'un avec lui, nous nous unifions, nous nous réunifions à ses côtés. La communication d'inconscient à inconscient qui se joue dans la régression représente un écho à la «préoccupation maternelle primaire» (Winnicott), et à travers cette expérience d'une forme primitive de la communication mère-enfant (Mc Dougall), on prend soin de l'autre comme on le découvre. La régression permet une réorganisation des identifications: on rejoue le passé ou son fantasme pour le démystifier et le réinventer ensemble, l'autre perd peu à peu de son étrangeté; on peut le lier à soi dans une histoire commune.

3) Il vous ressemble (mais pour un temps seulement)

Au commencement de toute relation, l'autre demeure un étranger. Le psychisme humain préférant ce qui lui est familier à ce qu'il méconnait, dans un premier temps, il différencie par un mécanisme de clivage (Klein) ce qui lui ressemble, les traits où il parvient à s'identifier de ceux qui marqueront une différence. Ce processus sera facilité par la projection de nos contenus affectifs, contribuant à nous rendre l'inconnu plus familier encore, étrangement ressemblant; ce qui arrive dans le «coup de foudre» lorsque cette dynamique identificatoire et projective opère pleinement et que l'on a l'impression de rencontrer «trait pour trait» un être désigné pour soi. Pour autant, cette dynamique doit céder peu-à-peu la place à une union fondée non sur la tentation de la fusion narcissique (Eiger) mais sur une juste appréciation de l'autre dans sa singularité, comme de l'histoire commune érigée sur les différentes étapes de la vie à deux, les souvenirs heureux, les épreuves franchies ensembles. À l'unicité de l'idylle doit succéder son vestige: la complicité.

4) Vous riez souvent et partagez le même sens de l'humour

Pour Freud, le rire est une des plus hautes réalisations humaines. À la fois symptôme, défense et expression de joie, le rire offre aux pulsions sexuelles et agressives refoulées une satisfaction (Diatkine). Le plaisir sexuel et le plaisir de rire ont de nombreuses affiliations inconscientes. L'humour, quant à lui, préserve le sujet d'affects parfois douloureux, difficile à exprimer ou à penser autrement que par cette modalité du langage. Le couple, par le biais de l'humour, peut lever un grand nombre d'inhibitions inconscientes, déjouer la censure du Surmoi (Bergeret). Certains psychanalystes ont également interprété le rire comme une retrouvaille avec l'objet primaire (la mère) et une conjuration de l'angoisse de séparation.

5) Vous avez une sexualité épanouie

En consultation, je suis toujours étonné de noter combien les patients et les patientes s'accommodent d'une sexualité insatisfaisante, parfois même totalement absente. Même lorsqu'initialement ils consultent précisément pour des difficultés de cet ordre, ils s'en défendent prestement. «Ce n'est pas grave, ce n'est pas le plus important», s'avère une dénégation fréquente. Le corps-à-corps, le rapport de peau à peau avec l'autre métaphorise avant tout un rapport de psyché à psyché qui emploie dans son économie un très grand nombre de processus psychiques fondamentaux. Leur mise à mal doit être interrogée. Faire l'amour revient à accepter la castration, à supporter le partenaire dans son altérité, dans sa différence. La régression érotique et la réalisation de fantasmagories sexuelles fécondes et créatives suppose de pouvoir l'investir psychiquement, de «s'abandonner» en toute confiance.

6) Vous supportez sa famille, il supporte la vôtre

On ne l'écrira jamais assez, un couple représente d'abord la rencontre entre deux histoires familiales dont les partenaires sont malgré eux les dépositaires. Les amoureux bâtissent une vie à deux comme une création commune, certes originale, mais avec un matériel affectif et fantasmatique hérité de leur environnement familial, voire transgénérationnel. Chacun doit pouvoir s'extraire hors des rapports d'appartenance de la famille du conjoint pour définir avec l'être aimé ceux qui leur seront propres, pour que de leur couple advienne un jour une famille à part entière libérée du poids de l'histoire filiale, n'en répétant pas les vissicitudes. Malgré cette autonomie, relative à cause du pacte inconscient tissé entre les deux familles, quand il ne s'agit pas d'une famille toxique ou dysfonctionnelle, accepter la famille de son conjoint figure également qu'on accepte une importante partie de lui. J'emploie le terme «supporter» car on peut éprouver une ambivalence, conjugaison nuancée de haine et d'amour à l'égard de ce groupe qui n'exclut ni la tendresse, ou le plaisir d'être ensemble, ni la possibilité d'éprouver des griefs ou des rancœurs à son égard, mais n'éprouver que l'un ou que l'autre doit alerter sur le refoulement pulsionnel et le risque de répétition symptomatique de certaines problématiques filiales. On ne reproduit pas ce qui est pensé, compris, parlé.

7) Vous aimez les défauts qui vous horripilaient au départ

J'évoquais les premiers temps de la relation et la complétude narcissique. Lorsque l'on commence à apprécier les petites manies de l'autre, ses symptômes, c'est le signe que la fusion des débuts fait place à l'acceptation de la singularité du conjoint, sans faux-self ni rejet. L'autre ne doit pas représenter un fétiche capable de combler tous nos manques, de panser nos blessures dans une relation dite «anaclitique» (Eiger) mais une personnalité «suffisamment bonne» (Winnicott), ni idéale ni conforme à votre représentation psychique, simplement un humain aux côtés duquel vous vous imaginez cheminer, plus encore vous construire à deux, grandir ensemble.

8) Il vous manque lorsqu'il s'en va, mais pas trop tout de même

Cela peut sembler paradoxal mais manquer avec trop de ferveur de son conjoint lorsqu'il disparaît de votre panorama n'est pas signe d'une relation solide. Lorsque l'on se sent suffisamment aimé et porté par l'autre, lorsqu'il est suffisamment lié à soi, que l'on a introjecté ses qualités, sa présence, on peut supporter qu'il s'éloigne quelques temps, résister à l'inévitable expérience de la séparation, sans verser dans l'abandonnisme (Rimbault). Mieux, cultiver le manque est synonyme de cultiver le désir (Lacan). Il ne faut pas confondre la passion, la fixation amoureuse et l'obsession.

9) Vous pouvez vous disputer

«Un couple qui ne se dispute pas est un couple où l'un des deux a renoncé» selon un vieil adage. Passer son existence au côté d'un être choisi représente un véritable défi lancé au narcissisme de chacun. Il conviendra de s'accorder sur toutes les décisions présentes et futures, de partager le même espace sans s'asphyxier, de franchir les deuils et les douloureuses épreuves qui ne manqueront pas, sans heurts insurmontables ni rupture. De même que la relation doit pouvoir survivre à la séparation, il est impératif que chacun se sente assez aimé, entouré et en confiance pour retrouver son compagnon ou sa compagne aux termes des discordes qui surgiront immanquablement dans les années passées ensemble. Attention toutefois, c'est une chose que de s'opposer sur un choix, une décision importante à prendre, de se quereller, de parler vivement, mû par les affects d'angoisses surgissant lorsque l'on sent son territoire psychique menacé par l'autre: c'en est une autre que d'accepter de systématiquement porter l'agressivité de son partenaire, sa violence ne signifiant alors que son hémorragie narcissique: les violences physiques et verbales ne sont jamais tolérables.

10) Quelques faux-amis

Certains critères sont très souvent allégués par les patients pour justifier de la santé de leur couple sans qu'ils soient réellement pertinents: l'achat d'une maison (construire et investir le matériel à défaut de pouvoir se construire psychologiquement et investir l'autre), faire des enfants (l'enfant se voit hélas instrumentalisé comme un agent cicatriciel dans de nombreux couples, le fameux «enfant phallus» venant combler le manque et non parachever une harmonie familiale), l'exercice du même métier, voire de la capacité à travailler ensemble (le travail pouvant servir justement à dissimuler l'impossibilité d'établir un véritable lien affectif, régi par d'autres règles que celles, opératoires, de la productivité)...

Quelques mots pour conclure

L'idéal n'existe pas; il n'est tout au plus qu'un point d'horizon vers lequel on peut essayer de tendre, un brasier pour animer, durant un temps, la psyché (Pontalis). La condition pour toute relation amoureuse est d'abord de se sentir bien avec soi-même, de pouvoir cohabiter avec son inconscient et de surmonter les blessures de son histoire personnelle avant d'envisager de réussir le pari de cohabiter avec un autre et d'écrire ensemble une vie à deux.

De superbes photos de couples exprimant leur amour au quotidien

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