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Après la guérison, quelles sont les séquelles de l'anorexie?

Les séquelles d'une maladie sont les lésions ou les troubles fonctionnelles persistants après la guérison.
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Les séquelles d'une maladie sont les lésions ou les troubles fonctionnelles persistant après la guérison. Voici une liste non exhaustive des atteintes physiques lorsqu'il y a anorexie mentale (si vous souhaitez plus de détails, vous trouverez partout ailleurs sur Internet la réponse à vos questions, ou auprès d'un médecin, évidemment) :

- Atteintes cardiovasculaires

- Aménorrhée

- Infertilité

- Manifestations hématologiques

- Perturbations neurologiques

- Troubles métaboliques

- Perte de cheveux

- Problèmes rénaux

- Troubles digestifs

- Ostéoporose

- Atteinte de la peau

- Troubles du sommeil

On peut voir que le corps est mis à mal dans la globalité de son fonctionnement, donc les conséquences peuvent être multiples et complexes. Beaucoup de séquelles peuvent être réversibles à la guérison, d'autres peuvent malheureusement rester. Et cela dépendra de beaucoup de facteurs : l'âge d'entrée dans la maladie, la sévérité du trouble, le fonctionnement individuel de l'organisme qui est propre à chacun, la durée de la maladie...

«Je m'attache beaucoup à donner de l'espoir aux malades. Mais les séquelles, je trouve qu'il faut en parler aussi.»

Ex-anorexique rétablie de 15 ans de troubles, je m'attache beaucoup à donner de l'espoir aux malades. Mais les séquelles, je trouve qu'il faut en parler aussi. Quand on est malade on sait qu'elles existent. Qu'on regrettera peut-être un jour. Malgré tout, c'est la maladie qui prend le dessus et on n'a pas toujours conscience de tous les risques encourus. Ce billet a pour but d'évoquer les séquelles éventuelles, mais de montrer aussi que la guérison totale est possible.

Personnellement je n'ai pas beaucoup de séquelles. J'avais un rein qui ne fonctionnait plus mais c'est rentré dans l'ordre. Mes dents sont fragilisées. J'ai des problèmes gynécologiques qui perturbent ma vie de femme. Je suis en aménorrhée depuis mon entrée dans l'anorexie à l'âge de 17 ans. Neuf ans après mon hospitalisation d'un an en hôpital psychiatrique (pour le coup un vrai trauma) et malgré un IMC correct mes règles ne sont jamais vraiment revenues. C'est le cas de beaucoup qui gardent un cycle irrégulier. Pour l'anecdote, les médecins qui m'ont proposé un contrat de poids sur la fin m'ont déclaré une fois le contrat rempli qu'on attendait le retour de mes règles... et j'ai dû batailler pour sortir quand même ! Faire dépendre la guérison de ce seul critère est aberrant quand on sait que cela ne dépend pas que du poids...

J'ai lancé une discussion sur Internet au sujet des séquelles. Carole évoque ses problèmes dentaires. Pour Coralie, c'est la thyroïde. Jeanne l'ostéoporose. Pareil pour Graziella. Delphine parle de son cœur qui «devient petit». Beaucoup décrivent ainsi ce qu'on catégorise «symptômes» des éléments vécus encore après la guérison. La question, finalement, serait : «qu'est-ce que la guérison»?

«Plus la maladie s'installe et jalonne le parcours de vie, plus les conséquences se multiplient avec le risque grandissant de séquelles.»

Pour être un peu plus dans le concret, nous pouvons vous donner l'exemple d'une femme qui a été diagnostiquée à 11 ans, elle est officiellement guérie depuis ses 23 ans. Elle a eu le «parcours classique» avec hospitalisations forcées et voulues, des alternances de périodes de restriction avec des périodes de crise de boulimie. Aujourd'hui, elle a 27 ans, et n'a aucune séquelle. Une autre femme qui a été diagnostiquée à 34 ans à la suite de son premier accouchement, qui a eu un parcours «en dents de scie» avec période de rémission et rechute et d'importantes variations de poids. Aujourd'hui guérie, elle a un traitement pour ostéoporose qu'elle prendra à vie : son squelette est celui d'une femme de 65 ans alors qu'elle en a 44. Une autre femme de 36 ans, actuellement en trajectoire de soin, donc pas encore dans la guérison, mais avec une évolution certaine de ses mécanismes, et diagnostiquée lorsqu'elle avait 20 ans. Ses médecins lui avaient dit qu'elle était ménopausée et qu'elle ne pourrait jamais avoir d'enfants. Elle a accouché il y a 6 mois de son premier enfant.

Donc, tout est possible! Mais plus la maladie s'installe et jalonne le parcours de vie, plus les conséquences se multiplient avec le risque grandissant de séquelles.

Même si vous pensez pouvoir vous en sortir seul, que vous pensez qu'il y a pire ailleurs, que ce n'est pas si grave, que vous ne faites pas suffisamment d'effort, que c'est parce que vous n'êtes pas assez motivé... ou n'importe qu'elle autre flagellation que vous vous imposez, ne restez pas seul! Ces maladies présentent une complexité extrême, au point de mettre franchement en échec la médecine.

L'anorexie mentale, c'est un «dysfonctionnement» psychique. C'est le mental anorexique qui va engendrer les comportements pathologiques. Les signes du mental, vous les connaissez tous : ritualisation, rigidité des attitudes, contrôle, perfectionnisme, appauvrissement de la vie relationnelle, de la vie affective et de la vie sexuelle, retentissement sur la vie professionnelle et scolaire... Plus d'informations.

Certains mécanismes psychiques ou comportements peuvent perdurer après la guérison. Mais ils ne constituent plus une souffrance. On arrive ici à la question du normal et du pathologique. Qu'est-ce qui est «sain» et qu'est ce qui est «symptôme»?

Aude, psychologue à SOS Anor, s'interroge :

Basée sur une pratique psychothérapeutique spécifique et une expérience dans l'accompagnement des personnes qui souffrent de troubles alimentaires, je considère le mental anorexique comme une sorte d'armure que la personne met en place au cours de ses expériences de vie, comme nous le faisons tous. Est-ce légitime de parler de pathologie ici? Pas forcément. Mais lorsqu'il y a anorexie mentale, il peut y avoir détresse, souffrance, blocage, cristallisation, dans le développement personnel; et surtout, le corps est en danger. La question du changement d'armure se pose alors. Mais comment modifier quelque chose qui nous a protégé, et permis de vivre, voire survivre, jusqu'à maintenant? Comment et pourquoi retirer cette armure de protection, alors qu'on ne sait pas de quoi sera fait demain? Ça ne viendrait pas à l'idée d'un soldat d'aller sur un champ de bataille ou un terrain miné sans protection. La question ne serait pas tant d'enlever l'armure, mais d'observer son obsolescence dans sa rigidité. C'est à chaque personne d'évaluer en conscience l'évidence d'un changement à initier. Il est primordial, pour un thérapeute, de respecter et d'accepter le choix de la personne dans sa volonté de changement. Qui suis-je moi pour dire à quelqu'un qu'elle doit vivre autrement?! Qu'elle doit baisser les armes et le bouclier. Je ne sais pas de quoi l'avenir sera fait dans la vie de cette personne! Et je ne sais pas ce que j'aurais mis en place si j'avais vécu sa vie... Alors pourquoi l'enlever? Et quel est le risque? Doit-elle encore maintenir ce positionnement existentiel? Est-il toujours efficace? Est-il encore protecteur? A-t-elle encore besoin de se protéger ?...

S'il y a volonté de changement, comment procéder? Par l'accès à une ouverture du champ de conscience de son être au monde : comment exister en lien avec les autres et auprès des choses? Par l'actualisation des processus internes, l'ouverture bienveillante et accueillante à soi, le fonctionnement psychique sera de fait modifié, assoupli, aménagé, renforcé... Il y aura autant de mouvements différents qu'il existe d'individus. Pour un thérapeute, l'important est d'individualiser, de découvrir avec l'autre son univers, comme deux explorateurs qui arrivent en terre inconnu. Le psy doit abandonner ses bouquins et sa théorie pour aller à la rencontre de l'autre : pas de jugements. Et la personne aussi : exit la culpabilité, ça ne sert pas à grand-chose! Ensuite on co-construit à l'aide d'outils pratiques : hypnose, rêve éveillé, pleine conscience, méditation, protocoles cognitifs et comportementaux... Le tout bien évidemment intégré à une prise en soin pluridisciplinaire alliant les efforts conjoints de nutritionniste, psychomotricienne, réflexologue, psychologue, psychiatre, généraliste...

Aude croit et dit être témoin chaque jour de la guérison complète après une anorexie mentale! Les séquelles psychiques peuvent se situer dans des reliquats de «symptômes» connus de tous (perfectionnisme, contrôle...), comprenant votre histoire personnelle; ils restent présents parce que cela fait partie de vos expériences de vie, mais ils ne constituent plus un frein à votre développement personnel, n'étant plus envahissant, annihilant. Dit autrement, un trait de personnalité utilisé en excès est ce que l'on appelle un symptôme. C'est l'intensité, la fréquence de l'utilisation de ce trait qui va indiquer le normal ou le pathologique, que l'on pourra nommer parce qu'il y aura souffrance. Lorsqu'il y a guérison, les traits de personnalité en question ne dépassent plus les seuils pathologiques d'intensité, donc il n'y a plus souffrance. C'est ça, la guérison!

Je crois personnellement que nous pouvons débattre longtemps de ce qu'on entend par «guérison». Les mots de Ganaël sont peut-être ceux qu'il convient de retenir :

Guérir, c'est déjà en sortir vivante, non? Et pouvoir avoir une vie normale avec enfant, etc. Le reste, les séquelles, plus ou moins tardives, quelle importance? S'en sortir est déjà une belle victoire!

Sabrina Palumbo, en collaboration avec Aude Réhault

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Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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