Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Discrète disparition

L'archipel de la Nouvelle-Zélande est isolé géographiquement, les plus proches voisins sont à 1000 ou 1500 kilomètres. Pas étonnant que sa faune comporte des singularités. On y trouve par exemple de nombreuses espèces d'oiseaux qui ne volent pas. Nous connaissons tous les pingouins et les kiwis. Peut-être connaissez-vous le Kakapo, un perroquet terrestre géant (Strigops habroptilus) ou les grands Moas disparus.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

L'archipel de la Nouvelle-Zélande est isolé géographiquement, les plus proches voisins sont à 1000 ou 1500 kilomètres. Pas étonnant que sa faune comporte des singularités. On y trouve par exemple de nombreuses espèces d'oiseaux qui ne volent pas. Nous connaissons tous les pingouins et les kiwis. Peut-être connaissez-vous le Kakapo, un perroquet terrestre géant (Strigops habroptilus) ou les grands Moas disparus. Sur ces îles se trouvent de nombreuses autres espèces d'oiseaux sans vol (ou presque), y compris un groupe discret de petits oiseaux, ressemblant à notre Troglodyte : les Xéniques. Ce sont de minuscules oiseaux de 7-10 cm. Leur famille est endémique de la Nouvelle-Zélande et des six espèces connues, seules deux existent encore...

Il n'y avait pas de mammifères prédateurs sur ces îles et les oiseaux y ont évolué en s'adaptant pour la vie au sol, perdant souvent la faculté de voler et prenant des niches écologiques occupées ailleurs par des mammifères. Tout allait bien pour eux jusqu'à l'arrivée des Polynésiens il y a environ 800 ans. Les Maoris avaient apporté le kioré ou rat polynésien (Rattus exulans), considéré comme mets de choix et source de fourrure pour des vêtements traditionnels. Le kioré était un co-migrateur des Polynésiens et a donc une valeur culturelle pour ces grands navigateurs du Pacifique. Mais voilà, comme tous les rats, le kioré est omnivore et les oeufs et oisillons font partie de sa diète. Sur des îles où de nombreuses espèces d'oiseaux ne volent pas, l'omelette allait devenir un plat populaire chez ces "rongeurs".

L'histoire particulière du Xénique de Stephens est aussi brève que l'oiseau est petit... et elle s'est abruptement terminée. Disons que si l'oiseau ne volait pas, l'espèce, elle, s'est vite envolée... disparue. Aux oubliettes Xenicus lyalli !

L'oiseau se trouvait probablement sur les grandes îles de l'archipel avant l'arrivée des Maoris puis les rats colonisateurs l'ont fait disparaître. Il semble que notre oiseau avait trouvé un dernier refuge, loin des rats, sur la petite île de Stephens. Les colons, Européens cette fois, décideront d'y installer un phare à la fin du 19e siècle. Une bonne partie de la forêt a alors été coupé, le phare construit, puis David Lyall, son gardien, s'y est installé avec un compagnon inconnu des Xéniques : Tibbles, un chat...

Le gardien était un amateur d'oiseaux et son chat lui apportait régulièrement des cadavres d'un petit oiseau inconnu. Ces dépouilles allaient devenir des spécimens d'histoire naturelle et voyager jusqu'en Grande-Bretagne. Fournir aux institutions des spécimens servant à décrire la biodiversité était un commerce courant à l'époque. Tous les douze spécimens du Xénique de Stephens alors connus de l'ornithologiste Rothschild (qui a décrit la nouvelle espèce en 1894) provenaient de cette île et avaient été rapporté à la maison du gardien du phare... par son chat!

Petits oiseaux sans vol, petite île, petit prédateur... la conclusion était inévitable! Une culbute dans l'oubli, en un fatal coup de griffe, l'oiseau n'est plus. Éteint. Discrète disparition. Tibbles le chat a donc été le découvreur et l'exterminateur de la nouvelle espèce d'oiseau! Malgré des recherches approfondies sur l'île on ne retrouva plus jamais le Xénique de Stephens, disparu avant même de nous apparaître.

L'anecdote ci-haut est bien documentée, mais ne dit évidemment pas tout. L'histoire des disparitions de nombreuses espèces de la Nouvelle-Zélande ne se résume pas aux rats polynésiens ou au seul minet Tibbles. Il semble par exemple que l'on trouva d'autres spécimens du Xénique un peu plus tard jusqu'en 1899. Il semble aussi qu'il y avait en fait plus d'un chat (une colonie "sauvage" se trouvait sur l'île) et que (eh! oui!) d'autres espèces que notre Xénique aient été exterminé par ces prédateurs.

Quel rapport avec la biodiversité urbaine?

Comme le rat polynésien, le chat domestique a une place de choix dans notre culture. Nous n'en faisons pas de brochette ni de chaussette. Nous sommes trop éclairés pour ça, n'est-ce pas? Pourtant il semble bien que nous ne portions pas davantage attention à l'impact sur la biodiversité de notre animal fétiche que ne le faisaient les Maoris avec leur rat.

Dans notre contexte urbain actuel les services qu'offre le chat, dévermination et support affectif, comportent un coût que nous préférons ne pas voir: les oiseaux.

Le livre est consultable et téléchargeable ici: Extinct Birds

Pour en savoir plus sur les oiseaux de la Nouvelle-Zélande

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.