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Watterson, Wrightson: le retour des classiques

Même si je ne suis pas toujours d'accord avec le «c'était mieux dans le temps», je dois reconnaître que certaines de ces œuvres passées sont supérieures à une partie de la production actuelle.
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Bon je l'avoue, je suis un nostalgique. Un de ses horribles nostalgiques - toutefois timoré - décriés par le journaliste Simon Reynolds dans son excellent, mais verbeux Rétromania. Mais attention, même si je ne suis pas toujours d'accord avec le « c'était mieux dans le temps », je dois reconnaître que certaines de ces œuvres passées sont supérieures à une partie de la production actuelle et restent souvent même plus pertinentes que certaines nouvelles parutions.

La petite boutique de l'horreur

En matière de bandes dessinées terrifiantes, Tales from the Crypt, Eerie et Creepy ont à peu près tout inventé. Et même si le genre est toujours aussi florissant de nos jours, rares sont les bédés qui ont la force de ces petits bijoux du 9e art. Véritable tour de force - raconter de telles histoires en quatre pages tient du génie - ces bandes dessinées ont permis à plusieurs jeunes bédéistes de montrer leur immense talent à la face de la planète bédé. C'est le cas de Bernie Wrightson - qui incidemment a appris à dessiner en lisant dans sa jeunesse les Tales from the Crypt - dont les éditions Delirium viennent de publier une anthologie de ses meilleurs travaux pour Eerie et Creepy.

Il y a quelque chose de très jouissif dans la lecture de cette superbe compilation. Jouissif bien sûr parce que nous redécouvrons l'immense talent de ce bédéiste de génie, mais aussi parce qu'au fil des pages nous voyons son style s'affiner, acquérir de la maturité et se mettre au service des histoires qu'il raconte - que ce soit la noirceur classique et puritaine d'un Edgar Allan Poe ou l'inquiétante paranoïa de Lovecraft - tout en restant fondamentalement du Wrightson.

Dessinateur d'une redoutable efficacité, Wrightson présente un monde aussi inquiétant que séduisant. Dès les premières pages, le bédéiste tisse une toile d'angoisse dont nous ne pouvons nous en tirer, comme les pauvres victimes de Jennifer l'horrible handicapée qui sème la mort autour d'elle. Son trait élégant explore un univers terrifiant où sous le vernis de la bienveillante normalité se côtoient des criminels dangereux, des psychopathes vicieux et de monstrueux démons. Mais si Wrighson nous protège avec son trait rassurant ce n'est que pour mieux détourner notre attention, nous donner l'illusion d'une fausse sécurité et nous entraîner à l'intérieur d'un véritable miroir aux alouettes où la simple banalité peut devenir une indicible menace oppressante.

Véritable leçon de bande dessinée, ces petites histoires sont des modèles d'intelligence graphique et scénaristique qui peuvent en apprendre énormément à plusieurs bédéistes débutants ou aguerris.

La philosophie du strip

Une leçon de bande dessinée c'est aussi ce que nous sert Bill Watterson dans cet excellent Calvin et Hobbes, collector que les éditions Hors Collection viennent de publier. Collector c'est Calvin and Hobbes expliqué par son créateur. À partir de certaines de ses planches les plus significatives, le bédéiste légendaire nous guide dans son processus créatif, commentant les contextes et les influences de certaines de ses histoires les plus importantes.

Le résultat est une magnifique exploration d'un univers qui n'a pas pris une ride depuis son dernier tour de piste le 31 décembre 1995 et qui continue de s'imposer comme une des œuvres les plus importantes et les plus influentes de l'histoire mondiale du 9e art. Pas pire pour une série qui n'a vécu qu'une décennie.

S'il est réjouissant de redécouvrir les courtes histoires de Wrightson que dire des strips hilarants de Watterson qui grâce à ses commentaires éclairants revêtent une nouvelle signification que nous ne soupçonnions peut-être pas lors de la lecture originale. Que ce soit la présence des gigantesques dinosaures- Watterson est un grand amateur de paléontologie - ou de la terrible petite voisine Susie, c'est tout son monde que l'auteur explique avec une sincérité désarmante.

Mais au-delà de ses commentaires éclairants sur sa création - ses observations sur la façon dont il y a intégré la mort est un bon exemple - ce nouvel opus du récipiendaire 2014 du grand prix d'Angoulême démontre tout son talent, une facette que nous pouvions peut-être moins remarquer dans ses parutions quotidiennes. Réunis dans un album, ces strips montrent une richesse graphique et scénaristique. Que ce soit dans une parodie du polar, du soap, du quotidien ou de la science-fiction, le bédéiste excelle, se fond avec brio dans les règles des genres exploités tout en gardant sa plume, ses forces et son sens incroyable de l'observation humoristique. Collector est une œuvre riche, fascinante, intelligente qui nous fait regretter le silence de ces deux sympathiques copains qui ont su si bien nous faire rire.

Et si à la conclusion de l'album on ne peut que regretter cette absence, Collector nous permet de célébrer à nouveau un artiste talentueux, qui a su insuffler du génie dans le difficile exercice qu'est le strip. Et ne serait-ce que pour ce dernier point, Collector est un album à se procurer, le Watterson à avoir dans sa bibliothèque.

Bernie Wrightson, Eerie et Creepy présentent Bernie Wrightson, Delirium.

Bill Watterson, Calvin et Hobbes collector, Hors Collection.

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