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Undertaker: Le croque-mort et le psychopathe

L'Ouest n'est pas qu'un point cardinal, l'Ouest, c'est aussi l'espace lointain, l'Amérique bien sûr et peut être aussi le... Japon.
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L'Ouest, endroit mythique par excellence, où tout est possible et tout est permis. Dernière frontière de l'imaginaire humain, l'Ouest, c'est l'ailleurs, l'inconnu, la possibilité de réinventer sa vie et de devenir ce qu'on désire. L'Ouest, c'est l'espoir, l'espoir d'une vie moins médiocre, moins sclérosée, moins figée dans les codes, les non-dits et les diktats de la société. L'Ouest n'est pas qu'un point cardinal, l'Ouest, c'est aussi l'espace lointain, l'Amérique bien sûr et peut être aussi le... Japon.

À la découverte du Far Est

Curieusement, on ne sait pas pourquoi, l'histoire du Japon est relativement absente de l'imaginaire de la bande dessinée franco-belge. Il existe bien sûr des séries comme Le Vent des Dieux, Kogaratsu et quelques autres tentatives, mais le lointain Orient ne semble pas avoir séduit les Européens autant que le Far West américain. Et on se demande bien pourquoi puisque le Japon des shoguns offre des possibilités de riches intrigues passionnantes, comme l'ont très bien compris les cinéastes et les romanciers qu'on pense au Shogun de James Clavell, librement inspiré de Williams Adams, premier Anglais à avoir accosté au Japon, et de l'ascension du daimyo Tokugawa au Shogunat.

Mais le roman de Clavell date de 1975, une véritable éternité et l'incroyable épopée de Williams Adams, mérite d'être ressortie du placard où elle repose depuis si longtemps. C'est ce qu'a fait le talentueux duo Mariolle et Gienzianella qui vient de publier Williams Adams, samouraï chez Casterman, une surprenante bédé qui nous plonge dans le Japon divisé du début du XVIIe siècle sur le point de sombrer dans une guerre civile.

Williams Adams, pilote du Liefde, un navire commercial qui appartient à la Rotterdamse Compagnie, et son équipage malades s'échouent, après une éprouvante traversée, sur les côtes japonaises. Détesté autant par les Jésuite,s qui n'apprécient guère avoir un protestant dans l'archipel que par les régents de l'Empire du Soleil Levant - l'Empereur vient de mourir - , Adams est sauvé par le général Tokugawa qui voit en lui une arme fondamentale pour son accession vers le shogunat.

Premier tome d'un diptyque, Aux confins du monde met en place l'environnement dans lequel va évoluer celui qui deviendra le premier samurai occidental du Japon. Mais pour l'instant loin d'être ce guerrier de légende, Adams est un Européen qui a beaucoup de difficultés à vivre dans une société aux usages inconnus et à la langue incompréhensible, qui se méfie de lui comme de la peste, un jouet, entre les mains des Jésuites, des régents et des ambitions démesurées de Tokugama, qui doit marcher sur un mince fil de fer au grand plaisir des religieux qui rêvent de le voir tomber et crucifier,- le sort réservé aux pirates- et ainsi rayer la présence anglaise et protestante de leur terrain d'évangélisation.

Plus qu'une épopée, plus qu'une bande dessinée historique, Williams Adams, samouraï raconte avant tout, comme le Silence de Martin Scorcesse, la découverte de l'autre, d'une société et d'une culture beaucoup plus raffinée que celles d'où proviennent ces Européens bouffis de leur arrogance d'Occidentaux supérieurs, suffisants de leurs certitudes égocentriques.

Une situation incertaine pour le marin traduit de belle façon par le scénario solide de Mariolle et par le dessin classique, efficace et puissant de Genzianella. Plus qu'une épopée, plus qu'une bande dessinée historique, Williams Adams, samouraï raconte avant tout, comme le Silence de Martin Scorcesse, la découverte de l'autre, d'une société et d'une culture beaucoup plus raffinée que celles d'où proviennent ces Européens bouffis de leur arrogance d'Occidentaux supérieurs, suffisants de leurs certitudes égocentriques.

Un beau moment de lecture, même s'il avait été intéressant pour une fois d'adopter le point de vue nippon de l'histoire.

Le retour du croque-mort

On l'attendait avec impatience ce troisième tome d'Undertaker. Depuis sa création, les aventures de Lance Strikland ancien tireur d'élite de l'Union devenu, pour échapper à la justice, croque-mort ambulant fait l'unanimité autant chez les critiques que chez les bédéphiles. Salué comme la meilleure série western depuis Blueberry, Undertaker n'a pas encore déçu, même si le deuxième m'avait laissé sur ma faim, et ce troisième tome ne dérogera pas à cette belle unanimité.

Dans L'Ogre de Sutter camp, notre croque-mort préféré, Rose Prairie et la pugnace Madame Lin acceptent, moyennant rétribution, d'aider le colonel à la retraite Charley Warwick à retrouver l'ignoble Jeronimus Quint, médecin du tristement célèbre camp de prisonniers de Sutter Camp, véritable Josef Mengele sudiste, avec qui le colonel et le croque-mort ont un compte à régler. Pour Strikland, les retrouvailles avec le toubib de l'enfer risquent de lui ramener en mémoire des souvenirs qu'il s'efforce depuis la fin de la guerre d'oublier.

Encore une fois, comme il l'avait fait pour les pirates avec son Long John Silver, Dorison se moule à merveille dans les codes stéréotypés du western pour en repousser les frontières. Le scénariste nous guide dans des sentiers qui d'emblée semblent familiers, mais qui au fil des pages surprennent et nous amène vers des chemins que nous n'avions pas envisagés. Avec le résultat qu'Undertaker et sa galerie de personnages truculents propose: un Ouest sauvage et personnel, presque opératique, aux parfums de Leone, de Blueberry et de Comanche.

Et tout comme dans sa célèbre suite de l'île au trésor, roman de R.L. Stevenson, Dorison peut compter sur un complice, véritable John Ford du dessin, Ralph Meyer, pour traduire parfaitement la richesse de son intrigue. Son trait assuré, tout en rythme et en efficacité ajoute une dimension héroïque aux personnages complexes du scénariste et transforme les imposants paysages de l'Ouest légendaire en un univers grandiose à la hauteur des ambitions et des destins du trio devenu pour l'occasion un quatuor.

Ce qui en bout de piste est plutôt positif, n'est-ce pas?

Mariolle, Genzianella, William Adams, samouraï, tome 1 Aux confins du monde, Casterman.

Dorison, Meyer, Undertaker tome 3, L'ogre de Sutter Camp, Dargaud.

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Mai 2017

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