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Pour qui siffle le Transperceneige?

Alors qu'on pensait son épopée terminée, le train, de plus en plus déglingué, repend du service pour amener ses passagers vers sa destination ultime.
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Deux mythes, deux légendes, deux classiques de la bande dessinée:Le Transperceneige et Jeremiah. Deux œuvres qui ont marqué le monde de la bande dessinée et de la science-fiction post-apocalyptique et dont les nouveaux opus viennent d'arriver à Montréal. Bienvenue dans la fin du monde!

Le dernier train pour la liberté.

«Parcourant la blanche immensité

d'un hiver éternel et glacé

d'un bout à l'autre de la planète

roule un train qui jamais ne s'arrête.

C'est le Transperceneige aux mille et un wagons.

C'est le dernier bastion d'la civilisation.»

C'est par cette comptine que s'ouvrait en 1982 le fameux Transperceneige, une bédé qui a marqué l'imaginaire de plus d'une génération de lecteurs. Alors qu'on pensait son épopée terminée, le train, de plus en plus déglingué, repend du service pour amener ses passagers vers sa destination ultime. Un voyage qui ne sera pas de tout repos, ni pour le cheval de fer essoufflé, ni pour ses passagers. Mais, comme un vieux lion qui trouve l'énergie pour un dernier rugissement, le Transperceneige n'a pas encore rendu les armes.

Et comme dernier rugissement on ne pouvait pas demander mieux. Grâce au dessin très émotif de Rochette et au scénario exceptionnel d'Oliver Bocquet (La Colère de Fantômas, La Princesse des glaces), le vieux train tire sa révérence avec panache. Un dernier salut à la hauteur de son entrée fracassante sur la planète bédé il y a plus de 30 ans.

Il faut dire que Bocquet s'amuse comme un petit fou avec cette conclusion. Avec un malin plaisir, il déconstruit l'univers mis en place par ses prédécesseurs, réécrivant son passé, son présent et son futur et le présentant sous un nouveau regard: celui d'un scénariste qui connaît par cœur les codes du Transperceneige et de la science-fiction post-apocalyptique, qui les a assimilé et qui les détourne pour nous amener sur de nouveaux territoires fabuleusement évocateurs.

Avec Bocquet, le mythe résonne des échos de la science fiction de la «contre-culture», avec son regard pessimiste, fataliste, résolument noir mais porteur d'un espoir de rédemption. Moins axé sur la confrontation de classe que les tomes précédents et l'adaptation cinématographique de Bong Joon-ho, Terminus s'interroge sur l'acceptabilité sociale de l'inacceptable. Avec la minutie d'un orfèvre, le scénariste tisse la toile d'une fresque politique où l'inquiétante étrangeté, ce malaise né d'une rupture dans la rationalité rassurante de la vie quotidienne que Freud désignait comme l'Unheimliche, valse avec les mirages séduisants du transhumanisme et de l'eugénisme. Un terrain parfait pour aborder des questions aux résonances trop actuelles.

Rochette, quant à lui, se réinvente complètement. Loin de son trait «alex tothien» du premier tome et de son graphisme léché des deuxième et troisième tomes, Rochette propose un dessin nerveux, cru, presque primal, qui colle à merveille à ce monde déshumanisé contrôlé par des Joseph Mengele modernes obnubilés par la création d'une nouvelle humanité, parfaite et immortelle.

Une superbe réussite qui en plus de nous rappeler le grand talent de Rochette confirme qu'Olivier Bocquet fait partie des meilleurs de sa profession.

Welcome to the jungle

Quand on pense au western post-apocalyptique, on pense à Jeremiah. Depuis 1979, ce fils de fermier traîne ses bottes, avec son compagnon Kurdy Malloy, dans des États-Unis dévastés à la suite d'une guerre civile et raciale. Un filon qui ne semble pas s'épuiser puisque que Jungle City, sa 34e aventure, vient d'être lancée. Trente-quatre albums à explorer cette société du chaos, théâtre des dérives et des grandeurs de l'humanité survivante.

Cette fois-ci, c'est Jungle City qui accueille le célèbre tandem. Comme d'habitude Jeremiah ne cherche pas les problèmes, juste une chambre d'hôtel et un bain. Hélas la ville est sous la coupe d'un nabab qui fait la pluie et le beau temps et qui a une vision très personnelle de son développement. Et comme Jeremiah attire les ennuis comme un aimant, il se retrouve rapidement à son corps défendant au cœur d'un affrontement avec le potentat local.

J'aime beaucoup Jeremiah. Il s'agit d'une de mes séries préférées, que je continue de lire avec plaisir. Mais sur 34 albums, il faut reconnaître que certains tiennent beaucoup moins la route. C'est le cas de ce nouvel opus, qui ne passera pas à l'histoire même si sa conclusion est digne de ses meilleurs albums.

Comme d'habitude, le trait d'Hermann est exceptionnel, tout en fougue, en mouvement et en efficacité.

Malheureusement, ce n'est pas le cas de l'intrigue, qui est beaucoup moins inspirée que ce à quoi il nous a habitué. Même Jeremiah semble s'y désintéresser, alors que Kurdy brille par sa quasi-absence. Les deux héros fatigués non plus l'énergie pour survivre dans un monde aussi violent et impitoyable. Jeremiah ressemble plus au John Wayne vieillissant qui n'aspire qu'à la tranquillité de The Shootist qu'à cet antihéros impétueux qui a su s'imposer rapidement dans le monde de la grande aventure bédé.

Alors que le père de Bernard Prince nous a toujours guidés sur des sentiers surprenants et imprévisibles, il présente ici une intrigue convenue dont le déroulement est prévisible dès les premières pages.

Il y a plusieurs décennies, Hermann affirmait en entrevue avoir abandonné Comanche parce que ses personnages n'avaient plus leur place dans un Ouest qui se civilisait. Se pourrait-il que Jeremiah soit arrivé, lui aussi, à la croisée des chemins? Jeremiah a-t-il encore sa place dans une société aux allures de Mad Max certes, mais qui se civilise peu à peu? Seul Hermann connaît la réponse.

• Bocquet, Rochette, Terminus - Transperceneige, tome 4, Casterman.

• Hermann, Jeremiah - tome 34 - Jungle City, Dupuis.

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Mai 2017

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