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Philip Le Roy: Les aventuriers du Coran perdu

Spécialiste du thriller, Philip Le Roy se lance dans un dynamique suspense ésotérique.
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Le 22 juillet dernier, l'Agence France-Presse rapportait une nouvelle majeure pour l'archéologie religieuse: la découverte de quelques pages d'un Coran datant de la fin du VIe siècle ou du début du siècle suivant. Grâce au carbone 14, les chercheurs ont pu établir à plus de 95% - 95,4% plus précisément - qu'elles ont été écrites entre 568 et 645, soit durant la vie du prophète. Un événement qui commence déjà à alimenter l'imaginaire collectif et celui des conspirationnistes.

Le Coran de la discorde

Le hasard fait quand même bien les choses. Alors que les médias faisaient grand bruit de ces vestiges, nos librairies recevaient le tout dernier Philip Le Roy, La porte du Messie, sympathique roman sous forme de jeu de piste qui met en scène les versions primitives du Coran et l'influence que les textes fondateurs du christianisme ont eu sur le livre saint de l'islam.

Aux funérailles de ses parents, morts dans un accident de voiture, Simon Lange, diplômé en théologie, apprend qu'il a été adopté. Alors que les documents que son père lui a laissé à Jérusalem et qui lui expliquent son passé disparaissent mystérieusement, Simon devient la cible de tueurs impitoyables. Pourquoi? Et si les recherches de son père adoptif sur les premières versions du Coran en étaient la cause? Et si les enseignements du prophète révélaient des vérités insoupçonnées qui pourraient ébranler la foi des 1,6 milliard de musulmans et détruire le précaire équilibre religieux de la planète.

Spécialiste du thriller, Philip Le Roy se lance dans un dynamique suspense ésotérique qui, loin d'être dans la lignée d'Umberto Eco, se compare toutefois avantageusement à ceux de Raymond Khoury ou Dan Brown.

L'auteur manie avec la précision et l'assurance d'un chirurgien l'art du rythme, de la phrase choc et du feuilleton, pimentant ses courts chapitres de rebondissements haletants, de coup de théâtre tonitruants et de révélations aussi soudaines qu'inattendues. Et même si le déroulement paraît quelques fois tiré par les cheveux et que le roman soit truffé d'incongruités et d'invraisemblances - le héros maîtrise un peu trop les techniques de combat pour être un simple étudiant en théologie et échappe trop souvent à des forces policières pourtant reconnues pour leur efficacité -, Le Roy nous séduit dès la première ligne et contourne très rapidement la méfiance naturelle de celui-qui-connaît-la-musique-et-à-qui-on-ne-la-fait-pas.

Et tout comme les meilleurs auteurs du genre, Le Roy intègre une documentation solide et fascinante - la rédaction des premières versions du Coran et le rôle des Nazaréens, une des premières hérésies du christianisme - qui donne le vernis de crédibilité et de plausibilité nécessaires pour semer le doute raisonnable, celui qui alimente et fait vibrer la fibre conspirationniste qui sommeille en nous et dont nous nions si souvent l'existence.

Et c'est ce plaisir coupable mais assumé depuis longtemps qui m'a fait oublier et accepter certaines de ses maladresses et cette kyrielle d'événements cousus de fil blanc. Tout comme un bon «riff» et une mélodie carrée, sans subtilité mais entraînante, d'AC/DC, Le Roy propose un roman qui manque peut-être de nuances, mais qui est efficace et qui frappe en diable.

Là où un Daniel Marois aurait été sévère - rappelons-nous sa critique du Codex 632, le Secret de Christophe Colomb -, moi, j'y retrouve mes plaisirs adolescents, quand je reconnaissais les réconfortantes premières notes de Highway to Hell d'AC/DC, ou que je plongeais avec délectation dans un Bob Morane. Un roman réconfortant.

Les sombres dessins du Collège invisible

Puisqu'on parle des plaisirs qui alimentent notre corde sensible de conspirationniste, on ne peut ignorer le complot des complots: l'assassinat de John F. Kennedy. Il en fait couler de l'encre, ce complot. Et encore une fois, il revient dans l'actualité avec la série Wonderball de Pecau, Duval et Wilson, dont le deuxième tome, Le fantôme , vient d'arriver dans la métropole.

Mais attention! Il n'est pas ici question de refaire l'assassinat de Kennedy, mais plutôt de proposer une nouvelle explication aussi excitante que jouissive. Et si JFK avait été un de ces alphas, tueurs froids, méthodiques, sans peur, instables et sujets à des excès de folie meurtrière, formés par le «collège invisible», une organisation secrète qui tire les ficelles politiques et économiques de la planète? Et s'il avait décidé durant son mandat présidentiel de dénoncer et de mettre fin aux sombres tractations de ces maîtres de l'occulte?

Beaucoup de «si», me direz-vous. Peut-être, mais ça n'empêche pas l'inspecteur «Wonderball» Spadaccini, de plus en plus instable et poursuivi par une partie importante des corps policiers américains, de plonger tête première dans cette hypothèse et de tenter par tous les moyens de la prouver.

J'ai déjà écrit tout le bien que je pensais de cette série. Les scénaristes maîtrisent de mieux en mieux leur univer, développent l'histoire intelligemment en évitant les mauvais arrimages entre les événements. Et si les scénaristes démontrent toute l'étendue de leur talent, que dire de Wilson, qui retrouve le souffle graphique qu'il avait dans ses dernières collaborations à La Jeunesse de Blueberry, quand il réussissait à s'affranchir de l'ombre imposante de Giraud.

Bref un plaisir scénaristique, un plaisir graphique et un plaisir «complotique», ça ne se refuse pas, même si le mot «complotique» n'existe pas.

En terminant une très bonne nouvelle, le 4e numéro de l'excellente revue Planches est disponible. Encore une fois, Sandra Vilder et Émilie Dagenais proposent un numéro plein de surprises, de découvertes et de coups de cœur à l'image de la richesse, de l'originalité et de la maturité de notre bédé. Un achat incontournable.

• Philip Le Roy, La porte du Messie, Éditions du Cherche-midi.

• Duval, Pécau, Wilson, Wonderball, Tome 2 - Le fantôme, Delcourt.

Planche, numéro 4.

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