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Perceval et la quête de l'identité

Depuis toujours, les légendes arthuriennes nous bercent sans jamais se démoder. Année après année, les aventures du roi Arthur et de ses chevaliers continuent de captiver surtout quand elles se révèlent d'astucieuses et audacieuses relectures.
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Depuis toujours, les légendes arthuriennes nous bercent sans jamais se démoder. Année après année, les aventures du roi Arthur et de ses chevaliers continuent de captiver surtout quand elles se révèlent d'astucieuses et audacieuses relectures comme ce Perceval de Pandolfo et Risbjerg.

La délivrance par l'identité

On le sait, le fameux Graal, cette coupe qui a recueilli le sang du Christ et qui a nourri les fantasmes les plus fous du père du célèbre archéologue Indiana Jones, est au cœur de la vie de Perceval le Gallois. Tout comme Henry Jones, il devint son obsession après qu'il l'eût brièvement aperçu lors de son séjour chez le Roi pêcheur. Et même si ce sera Galaad, le fils de Lancelot, qui aura l'honneur de le retrouver, c'est le nom de Perceval qui lui sera éternellement associé.

Malgré cette quête, on le connait peu. On sait qu'il est d'origine noble, qu'il est le dernier d'une famille de vaillants chevaliers morts au combat, qu'il a été élevé dans un manoir isolé au milieu d'une forêt perdue, par une mère qui a gardé le silence sur son prénom, son histoire familiale et qui a tout fait pour l'empêcher de devenir chevalier. Mais incapable de résister à l'appel de la chevalerie, il finira par prendre le chemin de la cour du roi Arthur, étape initiale de sa future quête.

Ces quelques bribes de vie sont toutefois loin de nous permettre de bien saisir sa personnalité. Qui est en vérité ce jeune chevalier? C'est à cette tâche que se sont attelés Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg dans cette intéressante, mais très libre adaptation du texte de Chrétien de Troyes.

Mais attention - il n'est pas question ici de combats extraordinaires, d'exploits plus grands que nature ou d'ennemis cruels dont la seule mention des noms fait frémir. Au contraire, à la grandiose épopée de la recherche du Graal, les auteurs préfèrent une autre quête plus intimiste, plus personnelle, plus identitaire.

Les auteurs nous proposent un jeune Perceval naïf, idéaliste, égoïste et maladroit, ignorant son nom et son patrimoine familial, qui s'embarque dans une aventure chevaleresque, pour laquelle il n'est pas prêt, où la découverte du Graal devient accessoire.

Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg tissent un récit intimiste qui leur permettent d'humaniser ce chevalier légendaire et de lui faire quitter le panthéon des mythes pour rejoindre le monde des vivants. Leur Perceval devient attachant et ses innombrables erreurs tout au long de sa quête sont dès lors des armes pour créer ce lien d'identification essentiel entre lui et nous.

Une relecture fascinante et éclairante qui ouvre la porte à des belles perspectives d'avenir et qui donne une profondeur à un personnage qui le méritait amplement.

La délivrance par la mort

13 mai 1565. La petite île de Malte, fief des Hospitaliers, est sur le point de subir les assauts des invincibles armées de Soliman le Magnifique, de son général Mustafa Pacha et de l'amiral Piyale Pacha. Enivrées par leurs succès à Rhodes, sur la côte nord de l'Afrique, au Moyen-Orient et dans les Balkans, les dirigeants ottomans veulent maintenant frapper l'île méditerranéenne, porte de l'Europe.

Le grand maître de l'ordre, Jean Parisot de la Valette, doit organiser la défense de l'île. Malheureusement, l'infériorité de la force insulaire (5 300 contre 319 000) laisse peu d'espoir sur l'issue des combats. Le sort de Malte repose peut-être entre les mains de Mattias Tannhauser, ancien janissaire du sultan devenu depuis trafiquant d'armes et d'opium, athée, bien qu'il soit chrétien, élevé par des musulmans, qui connaît parfaitement les deux camps, mais qui se fout royalement du conflit. Sa rencontre avec la comtesse de la Pennautier, et les tentatives de l'Inquisition pour l'éliminer, lui et les chevaliers de Malte dont la richesse irrite les autorités papales, le convaincront de participer à cette bataille qui contre toute attente deviendra une des plus grandes victoires de la chrétienté sur l'Islam.

Adaptation dessinée du roman de Tim Willocks, ce premier tome de Tannhauser signé par un duo de choc Benjamin Legrand et Luc Jacomon est une belle réussite. Si le Perceval de Pandolfo et Risbjerg présentait un héros encore naïf mais enthousiaste, Tannhauser, au contraire, a tout de l'antihéros désabusé, dont le cynisme est une arme pour lui permettre de fonctionner dans un monde qu'il rejette. Tout comme le jeune Gallois, le vieux baroudeur est à la recherche de son identité, une identité qu'il a perdue dans sa jeunesse lorsque sa maison fut détruite par des brigands, sa famille exterminée, sa mère violée et qu'il fut sauvé par Abbas Bin Murad, capitaine des Sari Bayrak, « les plus anciens et les plus valeureux gardes du sultan, » chargés de nettoyer les territoires des soldats irréguliers, moitiés voleurs, moitiés écorcheurs qui infestaient les terres du sultanat.

Si l'intrigue est dense et comporte beaucoup d'informations historiques, nous ne sommes pourtant pas dans une bédé historique un peu rasoir. Au contraire avec ses subtils retours en arrière, Legard intègre, et ce, sans jamais sacrifier l'action et la fluidité du récit, les éléments nécessaires à la compréhension du contexte. Admirablement appuyé par le dessin grandiose de Jacomon très à l'aise dans un style loin de son célèbre Tueur, Legrand dissémine au fil des pages les ingrédients qui nous permettent de mieux comprendre l'histoire et les motivations des différents protagonistes.

Le résultat est une bande dessinée d'aventure historique, solide, bien écrite, dure et passionnante qui captive de la première à la dernière page. J'ai déjà hâte à la suite.

Pandolfo, Risbjerg, Perceval, Le Lombard.

Legrand, Jacomon, selon le roman de Tim Willocks, Tannhauser, tome 1, la religion, Casterman.

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