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«Café Zombo»: le cadeau bien corsé de Régis Loisel

Le 15 décembre 1966 nous quittait Walt Disney. 50 ans après son décès, le génial créateur continue d'être une source intarissable d'inspiration, comme le prouve la merveilleuse relecture de Mickey par Régis Loisel.
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Le 15 décembre 1966 nous quittait Walt Disney. 50 ans après son décès, le génial créateur, que la rumeur affirmait cryogénisé, continue d'être une source intarissable d'inspiration, comme le prouve la merveilleuse relecture de Mickey par Régis Loisel.

Un Tom Joad aux grandes oreilles

On l'attendait avec impatience ce fameux Loisel. Lors de la sortie du dernier tome de Magasin général, le talentueux bédéiste m'en avait parlé avec la passion et l'excitation du gamin qui, semaine après semaine, parcourait fébrilement les pages de son Journal de Mickey.

Le plaisir communicatif qu'il avait à ce moment laissait entrevoir un événement bédésque autant séduisant que réjouissant. À la conclusion de Café Zombo, il faut bien reconnaître que son enthousiasme n'était pas une vaine promesse : le plaisir tant attendu est bel et bien présent case après case.

C'est évident, le créateur s'amuse comme un petit fou dans cette histoire où Mickey doit lutter contre Rock Füller, un promoteur foncier de la pire espèce - de ceux qui pourraient devenir conseillers du nouveau président américain - qui exproprie à vil prix et sous la menace de ses hommes de main dirigés par le terrifiant Pat Hibulaire tout un quartier en pleine déstructuration sociale. Füller veut y construire un terrain de golf pour les richards de la ville. Malheureusement pour le nabab de la construction, Mickey, Horace, Pluto, Minnie, Clarabelle et Dingo, bien que malgré lui, organisent la résistance.

Hommage à Disney, à Tex Avery, à Pat Sullivan, aux autres grands maîtres du dessin animé américains et aux pionniers des comédies cinématographiques du temps du muet - Harold Lloyd, Buster Keaton, Laurel et Hardy, les Keystone Cops et Charlot -, cette nouvelle aventure de Mickey est tout simplement superbe et hilarante. Loisel propose un délirant voyage dans l'univers «disneyen» de l'époque de Steamboat Willie, alors qu'il n'était pas aussi achevé esthétiquement qu'aujourd'hui et que Mickey était plus impulsif, plus maladroit, plus imprévisible, plus revanchard que le héros sage et raisonnable qu'il est devenu depuis.

Comme un caméléon Loisel se fond à merveille dans l'esprit d'un Mickey influencé par l'humour «slapstick » du cinéma muet sans perdre pour autant sa propre personnalité. Non seulement son trait dynamique, presque baveux, s'adapte parfaitement au graphisme des premières années d'existence de la souris, mais le déroulement de son scénario respecte les grandes caractéristiques narratives de l'oncle Walt, le tout pimenté d'une représentation de l'Amérique de la grande dépression qui n'est pas sans rappeler le Londres désœuvré de son fameux Peter Pan.

Un moment de pur plaisir.

Le retour de Noé

Si Mickey n'a pas l'habitude de se laisser réinventer par de grands bédéistes, ce n'est pas le cas de Spirou qui, depuis 10 ans, plonge régulièrement dans cette fontaine de jouvence grâce à la série le Spirou de...

Après les deux dernier hommages; celui de Makyo, Toldac et Téhem et celui de Benoît Ferroumont qui ramenaient Spirou et Fantasio dans leur quotidienneté, la nouvelle mouture, elle, lorgne du côté de la poésie écologiste qui a teinté plusieurs albums de Franquin et de Fournier.

Après avoir claqué la porte du Moustique, à la suite d'un refus de publication d'un reportage sur la Palombie jugé par la rédactrice en chef trop tendancieux envers un des gros annonceurs de la revue, Spirou décide de prendre sa retraite et de se consacrer à la peinture. En visite chez un marchand de matériel de peinture, le petit groom remarque une affiche d'un cirque mettant en vedette le fameux dompteur Noé, propriétaire des turbulents chimpanzés de Bravo les Brothers. Malheureusement pour Spirou l'aventure n'est jamais très loin et ce, même s'il est à la retraite. L'arrivée d'une jeune adolescente montréalaise, merci à Maryse Dubuc pour les références québécoises loin des stéréotypes habituels, fille légitime de Noé, mais qu'il ne connaît pas et le grand cœur de Spirou qui décide de l'héberger entraîne notre groom dans une nouvelle aventure.

La lumière de Bornéo est sans doute une des plus belles incarnations de ces Spirou de... Graphiquement bien sûr puisque Frank Pé comme à son habitude -relisez ses incroyables Zoo- illustre magnifiquement une histoire qui semble avoir été écrit pour lui et pour lui permettre de s'éclater et d'exploiter avec brio toutes les grandes forces de son trait si séduisant.

Zidrou, quant à lui, est à l'aise dans ce scénario qui renoue avec la poésie environnementale et animalière de Franquin qui a marqué des albums comme Le nid des Marsupilami et un nombre incalculable de gags de Gaston. Véritable ode à la nature et pamphlet contre la présence destructrice de l'humain à la recherche du profit à tout prix, Zidrou écrit le véhicule parfait pour un Frank Pé en grande forme.

Et même si on dénote quelques faiblesses scénaristiques, l'histoire qui se déroule en parallèle et qui met en vedette des champignons mutants et le comte de Champignac n'apporte rien et ne semble pas à sa place, il reste que ce Spirou aux teintes de réalisme - Spirou porte des lunettes pour lire alors que Fantasio est atteint de calvitie - est passionnant. Loin de trahir le personnage, il nous permet, au contraire, de renouer avec un aspect poétique de Franquin et de Fournier que nous avions peut-être oublié au fil du temps qui passe.

Régis Loisel,Café Zombo,Glénat.

Frank Pé, Zidrou, Le Spirou de... La lumière de Bornéo,Dupuis.

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