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La malédiction qui s'abattit sur Gotham: Chtulhu dans la mire de Batman

Ça fait longtemps que je n'avais pas parlé de ce bon vieux HP Lovecraft. Et même si cette pierre d'assise de la littérature fantastique américaine nous a quittés depuis 1937, ses écrits fascinent toujours autant les créateurs.
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Ça fait longtemps que je n'avais pas parlé de ce bon vieux HP Lovecraft. Et même si cette pierre d'assise de la littérature fantastique américaine nous a quittés depuis 1937, ses écrits fascinent toujours autant les créateurs. Curieusement si les films ont été plus ou moins réussis - pour un fabuleux Evil Dead, combien d'adaptations et d'hommages médiocres? - le 9e art, lui, a toujours bien servi ses récits terrifiants. Les deux prochaines bédés en font encore une fois la preuve.

L'odeur «gothamienne» du mal

Bien que Bob Kane n'ait jamais officiellement reconnu une influence «lovecraftienne» à son univers, il faut être aveugle, ou de mauvaise foi, pour ne pas reconnaitre les liens évidents entre les délires de l'écrivain de Providence et la planète Batman. Bien sûr, l'asile d'Arkham, où sont logés les criminels les plus tarés de Gotham, inspiré d'une des villes mythiques de HP, nous vient instinctivement en tête. Mais outre cette sombre institution psychiatrique, Gotham elle-même est empreinte de l'influence démoniaque des Grands Anciens. Dans Swanp Thing Alan Moore révélait que la ville avait été construite sur un marais où reposait Bill Willingham dans Shadowpact, une créature maléfique endormie depuis 40 000 ans qui l'empoisonnait, elle et ses habitants.

Cette théorie audacieuse qui explique le caractère toxique de la mégalopole est le point de départ de La malédiction qui s'abattit sur Gotham, un hommage - publié entre 2000 et 2001 dans la collection Elseworlds de DC - réjouissant de Mike Mignola à Batman et à Lovecraft, une des influences importantes du grand bédéiste.

Gotham City, deuxième décennie du XXe siècle. Alors qu'un chalutier ramène Bruce Wayne de sa dernière expédition de sauvetage dans le grand Nord, Gotham est aux prises avec un indicible mal qui tourmente la ville, semant partout dans ses rues, peur, violence et chaos. Avec l'aide d'Oliver Queen, le célèbre Arrow, Bruce Wayne, devra affronter un sorcier, prêtre d'une secte immémoriale d'adorateurs reptiliens, et empêcher le retour d'entités cosmiques aussi malfaisantes que belliqueuses.

Gotham est fascinante, peut-être même plus que les exploits du chevalier noir. Rarement a-t-on vu une bande dessinée où la ville devient aussi importante et cette incursion de Batman dans l'univers «lovecraftien» en est une preuve probante. Loin de n'être qu'un décor sans vie, Gotham devient ici le véritable personnage de cette Malédiction, un lieu qui sied à merveille à l'oppression et à l'inquiétude qui se dégagent des textes de l'écrivain.

Bien sûr les défauts habituels de Mignola ne sont pas absents du récit. Le scénario est quelques fois aléatoire et la continuité dramatique échevelée, comme si le bédéiste devenait le jouet de son intrigue. Mais l'ambiance qu'il propose est si fascinante, sa relecture de Batman si intéressante et son interprétation de la jeunesse de Thomas Wayne, responsable avec le père de Oliver Queen de la naissance de Gotham, si captivante que les tics et les faiblesses du grand bédéiste sont rapidement oubliés. Au contraire le côté baroque de Mignola et de Troy Nixey qui se fond à merveille dans l'univers «mignolesque» amplifie l'ambiance «lovecraftienne» et rend cette indicible menace encore plus inquiétante.

Un exercice de style réussi qui démontre encore une fois toute la richesse de l'univers «batmanien» qui ne cesse de se réinventer, d'emprunter de nouvelles formes et de devenir un fabuleux véhicule pour les créateurs les plus talentueux.

Les mathématiques de l'enfer

Si Mignola a réussi avec brio à intégrer Batman dans un univers «lovecraftien» à moins que ce ne soit le contraire, Mathieu Sapin et Patrick Pion, eux, on décidé de l'actualiser.

Le défi n'est pas aussi facile qu'il ne le parait à première vue. Certes revisiter ses intrigues, les intégrer dans le monde moderne peut se faire sans problème. Mais garder la même ambiance de peur, la même construction et le même lyrisme suranné sans perdre son essence ou tomber dans la parodie ou le pastiche peut s'avérer un véritable casse-gueule. Ce qui, heureusement pour le lecteur, n'est pas arrivé avec Les rêves dans la maison de la sorcière.

Nouvelle relativement obscure de Lovecraft, publiée en juin 1933 dans Weird Tales et en français en 1954 dans le recueil Dans l'abime du temps, La maison de la sorcière fut plutôt mal reçue à sa sortie, certains critiques la considérant même comme un de ses deux plus mauvais textes.

Paradoxalement le choix de cette nouvelle mineure est peut-être le coup de génie des auteurs. Avec cette histoire méconnue, les bédéistes trouvent un terrain idéal pour présenter la rencontre entre leur univers et celui de Lovecraft. Avec intelligence les auteurs investissent les obsessions de Lovecraft, s'amusent avec sa fascination pour les mathématiques et la physique, respectent les caractéristiques qui ont fait son style tout en les transgressant subtilement. Ce qui n'aurait pas été possible avec ses textes plus connus qui ont marqué l'imaginaire collectif comme La couleur tombée du ciel.

Avec le résultat que Sapin et Pion réinterprètent son univers pour en faire quelque chose à la fois proche et éloigné du texte original, baigné de la même angoisse sourde, de la même terreur inexplicable qui transpirent de chacune des intrigues du maître des horreur, tout en se distanciant du modèle Tales from the Crypt, devenu presque LA référence quand vient le temps de parler d'adaptation de ses récits en bande dessinée.

Une belle rencontre.

Mike Mignola, Richard Page, Troy Nixey, Batman: la malédiction qui s'abattit sur Gotham, Urban Comics.

Lovecraft, Mathieu Sapin, Patrick Pion, Les rêves dans la maison de la sorcière, Rue de Sèvres.

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