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Magasin général: le bonheur de Loisel et de Tripp

À l'occasion de la sortie de, ultime chapitre de ce roman graphique, nous avons rencontré Jean Louis Tripp et Régis Loisel, les deux créateurs de cette bande dessinée hors-norme. Rencontre avec les plus Québécois des bédéistes français.
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Magasin général est célébré partout dans la francophonie. La fabuleuse fable qui se passe dans le Québec rural des années 20- est une œuvre réjouissante, truculente, aux réminiscences de Marcel Pagnol, de Giovannino Guareschi - le créateur de l'ineffable Don Camillo - et de Fred Pellerin, autant plébiscitée par la critique que par le public comme en font foi ses 3 nominations pour le prochain festival d'Angoulême et sa deuxième réimpression. À l'occasion de la sortie de Notre-Dame-des-lacs, ultime chapitre de ce roman graphique, nous avons rencontré Jean Louis Tripp et Régis Loisel, les deux créateurs de cette bande dessinée hors-norme. Rencontre avec les plus Québécois des bédéistes français.

« C'est amusant que vous nous associez à Fred Pellerin, lance Jean-Louis Tripp, parce que des membres de l'équipe de Babine nous ont affirmé s'être inspirés de notre bédé pour concevoir Saint-Elie-de-Caxton » rajoute le créateur qui toutefois se réclame plus du réalisateur Frank Capra que du célèbre conteur. « À l'origine nous avions envie de raconter une histoire à la Frank Capra, c'est-à-dire le bonheur des petits gens, une fable positive où on retrouvait des moments dramatiques mais qui se terminait bien » ajoute Régis Loisel.

C'est peut-être ce coté résolument positif, ces cases qui sentent bon le petit bonheur, dans un monde trop rapide, trop déshumanisé, trop individualiste, qui a tant plu au public d'ici et d'ailleurs? « C'est vrai qu'on a l'impression que le monde est devenu fou, que nous ne contrôlons plus rien et que nous sommes aspirés dans un grand maelstrom. Je pense que les gens sont fatigués, moi y compris, et qu'ils ont besoin de respirer un peu, de ralentir, de se reposer » explique Tripp sous le regard approbateur de Loisel qui s'empresse de le couper. « Nous revenons d'une tournée en France et les lecteurs nous ont confirmés que Magasin Général c'était une bulle d'oxygène, une bouffée de tendresse, de plaisir, de douceur, sans violence. »

Mais il ne faut pas croire que la recherche de ce bonheur tranquille est prétexte à présenter une histoire un brin cucu-la- praline, au contraire Magasin général c'est aussi un conte - « une fable pas un conte précise Loisel » - féministe qui traite d'émancipation féminine tout en douceur, sans confrontation violente, et qui débouche sur une véritable révolution qui chamboule rapidement - peut-être même trop rapidement - et à jamais ce petit village perdu dans les bois « Je ne sais pas si c'est trop rapide. Regardez ce qui s'est passé avec la chute du Mur de Berlin. Je crois qu'il y a des dynamiques qui peuvent aller très vite à certains moments. La situation était mûre à Notre-Dame-des-lacs et il ne manquait qu'un élément déclencheur pour que tout s'enflamme » explique Tripp. Et des éléments déclencheurs il y a en plusieurs » Il y a eu l'arrivée de Serge Brouillet, la mort de l'ancien curé, l'arrivée du nouveau curé, le décès du propriétaire du magasin général et la décision de Marie Ducharme de garder le magasin» énumère Loisel.

Ce grand barda s'accélère dans l'album photo qui clôt le 9e tome et qui raconte en quelques clichés l'histoire du village après Magasin général. Un procédé fabuleux qui capte avec émotion la transformation du village et qui nous permet un dernier salut à des personnages que nous avons tant aimé. « L'appareil photo qui venait de Montréal est un élément de la modernité. D'ailleurs la modernité vient de Montréal. Quand Jacinthe et Marie reviennent de la ville elles ramènent aussi avec elles un gramophone et la liberté sexuelle. Ces éléments sont complétés par l'arrivée de la mode, de la voiture, des trottoirs et de l'électricité, bref tous des éléments constituant la société moderne d'aujourd'hui. Et on a envie de leur dire de faire attention parce que toutes les dérives sont aussi à l'intérieur de cette modernité. Le vers est dans le fruit pour ainsi dire » met en garde Tripp.

Véritable délice pour les yeux, autant du coté du graphisme, que des couleurs (merci à Francois Lapierre pour les incroyables couleurs) ou des expressions québécoises (grâce à la précieuse contribution de Jimmy Beaulieu), Magasin général est une superbe fable à la mesure de notre démesure géographique et de nos expressions colorées. « Vous avez une parlure qui est extraordinaire et qui est un plus pour les Français » explique Loisel. « Les Français sont habitués à entendre l'accent québécois mais pas à le lire. Toutefois à la différence d'un film, ils peuvent relire les expressions et s'aider avec les images pour mieux les comprendre. Du coup ils adorent pouvoir lire l'accent » renchérit Tripp qui de concert avec Loisel conclut l'entrevue avec l'énumération de quelques-unes de ses expressions québécoises préférées dont la fameuse « il est amenché pour veiller tard. »

« C'est ça qui est ça » serais-je tenté de rajouter.

Regis Loisel, Jean-Louis Tripp. Magasin général, Notre-Dame-des-Lacs, Casterman

Merci à Marc De Roussan pour le coup de main.

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