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Lucky Luke: la chevauchée fantastique d'Achdé

Lucky Luke: la chevauchée fantastique d'Achdé
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Depuis plus d'une décennie Achdé illustre les aventures de Lucky Luke. Un pari qui aurait pu être suicidaire pour ce dessinateur qui à l'époque commençait à s'imposer sur le marché franco-belge. Pourtant onze après Le cuisinier français - qu'il avait dessiné avec Morris - le Lyonnais continue sa longue chevauchée avec le « poor lonesome cowboy. ». À l'occasion de la sortie des Tontons Dalton nous avons rencontré le bédéiste. Discussion autour des reprises, de l'appropriation de l'univers « morrisien » et de l'inutilité de Jack et de William Dalton.

Si à l'époque l'annonce de la reprise du célèbre vacher inquiétait plus d'un amateur de bédé et avait des parfums de sacrilège pour certains traditionalistes du 9e art, il faut bien maintenant reconnaître qu'Achdé a réussi le périlleux exercice de la reprise. « C'est toujours difficile de reprendre le personnage d'un autre, alors imaginez quand il est aussi connu que Lucky Luke! C'est tout un défi parce qu'on doit plaire autant aux anciens lecteurs qu'aux nouveaux. Au début je devenais un peu schizophrène, je me demandais ce que Morris aurait fait dans telle situation, dans telle case, etc. Ça m'inquiétait d'autant plus que j'avais pris le parti de la continuité graphique, de ne pas révolutionner la série comme l'avaient fait par exemple les dessinateurs de Spirou. Mais maintenant ça va mieux, je suis beaucoup plus à l'aise avec l'univers de Lucky Luke » explique le dessinateur qui sans bouleverser l'homme qui tire plus vite que son ombre se permet quand même des plans différents de ceux utilisés par le créateur original. « Je ne sais pas si Morris ne les aurait pas utilisés. Il a toujours été en adéquation avec son époque. Quand il dessinait Lucky Luke c'était le cinéma qui imposait les modèles de narration et de découpage, aujourd'hui ce sont les séries télés. Alors je m'adapte. Je pense que Morris aurait aussi adopté cette nouvelle façon de raconter une histoire. »

Si le dessinateur a dû apprendre à s'approprier l'univers de Morris il en est de même pour l'humoriste Laurent Gerra qui a signé les scénarios de 4 des six albums du cowboy, dont le tout dernier qui ressemble plus au Lucky Luke de Goscinny qu'à un ersatz d'Astérix comme l'était La Belle Province. « On parle souvent des difficultés de la reprise graphique, mais la scénaristique est tout aussi difficile. Pour ce nouvel album, nous avons beaucoup discuté et je lui ai suggéré des trucs qui ont contribué à éviter les erreurs des précédents albums. Nous voulions retrouver la fraîcheur scénaristique de la grande période de Goscinny où on arrivait à pasticher sans prendre le lecteur pour un imbécile et où on retrouvait plusieurs niveaux de lecture qui plaisaient autant au lecteur de 10 ans, qu'au lecteur chevronné de 50 ans et qu'au nostalgique de 70 ans qui en avait lu dans sa jeunesse. »

Ce qui ne veut pas dire qu'Achdé néglige le travail de Morris. Au contraire le dessinateur voue une admiration pour le créateur de Lucky Luke et déplore qu'on occulte son rôle dans le succès de la série, une situation que vit aussi Uderzo. « C'est vrai qu'on néglige souvent le travail de Morris et d'Uderzo. Pourtant ce qui fait le succès d'une série c'est avant tout un juste équilibre entre le scénario et le dessin. C'est ce qu'on retrouve dans Lucky Luke et dans Astérix, un génie du scénario comme Goscinny et un artiste du dessin comme Morris ou Uderzo. Ces deux-là sont de véritables maîtres. On ne peut pas les oublier. »

Si Laurent Gerra a accouché d'un Lucky Luke « goscinniyen » à sa quatrième tentative, ce ne fut pas le cas de Tonino Benacquista et de Daniel Pennac, deux monuments littéraires qui dès leur première tentative Pinkerton ont traduit à merveille, au dire du dessinateur, l'esprit du grand scénariste, ce qui ne fût pas le cas pour le suivant. « Sur Cavalier Seul ce sont les romanciers et non plus les amateurs de bédés qui ont pris le dessus. Ils ont travaillé sur un thème particulier et audacieux, mais moins réussi et très loin de l'univers de Morris. Ils ont séparé les Daltons. Or les Daltons ne sont amusants que s'ils sont ensemble, seuls ils ne sont pas drôles»

Mais qu'ils soient ensemble ou séparés, il reste que ni Morris, ni Goscinny, ni leurs successeurs n'ont su donner une véritable personnalité à Jack et à William. Une situation qui perdure. « Effectivement ils ne servent pas à grand-chose. Je dis souvent qu'ils servent à faire la taille ajoute en rigolant Achdé. Quand on les a séparés dans Cavalier Seul, les scénaristes s'emmêlaient les pinceaux. Même Morris se gourait avec eux, dans Ma Dalton il se trompe trois fois. Non sérieusement ils n'ont pas vraiment d'utilité et ça serait intéressant qu'ils vivent un jour quelque chose d'extraordinaire » promet plus ou moins sérieusement le dessinateur qui incidemment cherche un dessinateur québécois pour travailler sur sa série Les Canayens.

Le message est lancé, on ne sait jamais, un de nos lecteurs aura peut-être sa chance.

Achdé, Gerra, Pessis, Les aventures de Lucky Luke, les tontons Dalton, Lucky comics;

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