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«Fugit Irreparabile Tempus»: élémentaire mon cher Cordurier

1887 marque la naissance de l'archétype des détectives: Sherlock Holmes. Plus de cent ans après cette arrivée fracassante dans le monde de la littérature, le plus célèbre résident de Baker Street continue d'effrayer les criminels les plus rusés...
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1887 marque la naissance de l'archétype des détectives: Sherlock Holmes. Plus de cent ans après cette arrivée fracassante dans le monde de la littérature, le plus célèbre résident de Baker Street continue d'effrayer les criminels les plus rusés et de prodiguer à Scotland Yard ses implacables, mais pertinentes observations. Mais qu'est-ce qui fait donc encore courir Sherlock? Surement pas son créateur Sir Arthur Conan Doyle mort depuis si longtemps.

Sherlock save the Queen

Londres 1889, un cadavre flotte sur la Tamise. Amené sur les lieux, le Dr Anton Kronberg, bactériologiste, une science qui se développe depuis quelques années, soupçonne un cas de choléra. Si l'autopsie confirme le diagnostic, elle révèle aussi que le noyé était en voie de guérison. Troublant! Pourquoi alors a-t-il fait un séjour dans la Tamise? Et si ce cadavre cachait quelque chose de plus abominable? Et si ce cadavre était en fait la victime d'expérimentations médicales visant à transformer certaines bactéries en armes offensives? Un cas sur mesure pour Sherlock Holmes toujours à la recherche de défis à la mesure de ses capacités intellectuelles.

Qualifié par le Sherlock Holmes Magazine d'une des meilleures enquêtes du mythique personnage, Le diable de la Tamise a aussi été très bien reçu par les amateurs. Et on comprend pourquoi. Ce roman a tout pour plaire! De la première à la dernière page, la microbiologiste Annelie Wendeberg met en place les éléments nécessaires pour nous faire passer un excellent moment; un climat de mystère, des personnages aux zones troubles, les images violentes du Londres victorien populaire, un complot qui touche les hautes sphères du gouvernement et qui sait de la royauté elle-même, le développement de la police scientifique, la lutte pour la reconnaissance des droits des femmes et Sherlock Holmes, sa suffisance, son assurance, son arrogance et sa condescendance.

Grâce à son écriture cinématographique, à son sens du suspense et à ses images qui titillent l'imaginaire de tout amateur de ce Londres fantasmé de la fin du XIXe siècle où la richesse côtoie la misère, où les progrès scientifiques, techniques et médicaux ouvrent la voie à un monde meilleur, où les dérives du capitalisme sauvage bouffent les trois quarts de la population et où les promesses en des lendemains qui chantent ou qui déchantent nourrissent l'espoir d'une population prête à exploser, l'auteur nous tient en haleine et ce, dès ses premiers mots.

Hélas, si le roman commence sur des chapeaux de roues, si l'auteur réussit à imposer un rythme enlevant pour la majeure partie de son intrigue, je suis sorti un brin insatisfait de cette expérience. Outre la fin totalement ratée qui donne l'impression qu'elle ne savait plus comment conclure son récit et que son enquête n'était en fait qu'un prétexte pour mettre en scène une peu crédible amourette entre Holmes et Kronberg, qui cache un sombre secret, il y a un je-ne-sais-quoi de gênant dans ses personnages un peu vides, pantins désincarnés, mais parfaits pour un excellent divertissement d'aventures historico-médico-légales.

Bref un gros gâteau bien sucré qui surprend agréablement à la première bouchée, mais qui se révèle vite sans nuances, sans subtilités et sans surprises à la suivante.

Un parfum de Penny Dreadful

Si Annelie Wendenberg évoque timidement un complot issue de la fine fleur de la société victorienne et peut-être même de la royauté, Sherlock Holmes et les voyageurs du temps, lui, ne s'en cache même pas. Le complot est l'œuvre non seulement de l'aristocratie, mais de la reine elle-même, du moins de son double, une horrible caricature de Victoria venue du futur. Quant à la véritable Alexandrina Victoria, elle croupit, tel L'Homme au masque de fer, dans une des prisons les plus isolées et les plus humides d'Angleterre, celle où se retrouvent les pires ennemis de l'État. Une sinistre conspiration ourdie par ces monstres de l'avenir pour prendre le contrôle éternellement de l'Angleterre et changer l'Histoire. Heureusement pour le Royaume-Uni, l'Occident et nous, Sherlock Holmes veille au grain et s'active avec ses alliés pour mettre en échec cette menace venue de demain.

Après un silence de deux ans, le Sherlock de Sylvain Cordurié et Laci revient enfin pour conclure ce cycle des Voyageurs du temps. À mi-chemin entre les récits des Penny Dreadful et les comic books américains, le Sherlock Holmes du duo continue de confronter le plus grand des détectives connus, après Batman, à des univers surnaturels, incontrôlables, étranges, peuplés d'ennemis aussi dangereux, qu'inhumains et maléfiques, au grand dam des traditionalistes qui préfèrent les univers logiques, réalistes, crédibles. Après les Grands Anciens de Lovecraft et les vampires voilà maintenant que le détective doit lutter contre les dangers des paradoxes et des voyages temporels. Un théâtre idéal pour présenter une aventure dans la lignée des deux derniers volets cinématographiques des X-Men et de Time after Time, fabuleux film de Nick Meyer où Jack L'éventreur volait la machine à explorer le temps de H.G. Wells

Cordurié, appuyé par le dessin puissant de Laci, propose un Sherlock Holmes dynamique, athlétique, moins condescendant et cérébral que sa représentation habituelle, un Sherlock Holmes aventurier prêt à risquer sa vie, un Sherlock Holmes à la Bram Stoker, si ce dernier l'avait placé dans son Dracula, teinté du pessimiste soupçonneux du grand H.G Wells.

Rien de nouveau sous le soleil me direz-vous et vous avez raison. Rien de nouveau, seulement une lecture réjouissante du héros de Conan Doyle, à des années-lumière de celle de la BBC, avec Benedict Cumberbach, mais amusante en diable mon cher Watson!

Annelie Wendenberg, Le diable de la tamise, Presses de la Cité.

Sylvain Cordurié, Laci, Sherlock Holmes et les voyageurs du temps, 2 tomes, Soleil.

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