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«Far Out»: dans une galaxie très loin de chez nous

est certes une réjouissante bédé d'aventures.
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Le monde des robots est en plein bouleversement. Confinés aux éternels rôles de faire-valoir, les robots sont sur le point de s'affranchir et de devenir de véritables stars. C'est le pari audacieux proposé par Gautier Langevin et Olivier Carpentier avec Far Out, une fabuleuse bande dessinée robotique sans humains. Rencontre avec deux auteurs qui ébranlent nos certitudes sur la psyché des robots.

Far Out est certes une réjouissante bédé d'aventures à mi-chemin entre le western «leonien» - on y retrouve même un clin d'œil au duel final de Et pour quelques dollars de plus du cinéaste italien Sergio Leone - et la science-fiction avec à l'occasion une pointe de Lovecraft. Mais elle est aussi et surtout l'œuvre d'un tandem en parfaite symbiose qui s'amuse ferme. «Je ne sais pas si je serais capable de faire de la bédé avec quelqu'un d'autre», lance tout de go le scénariste et fondateur des éditions Lounak Gautier Langevin. «Ça prend beaucoup de temps et d'énergie pour faire une bande dessinée. Quand les collaborateurs ne sont pas sur la même longueur d'onde, ça peut facilement devenir impossible.»

Heureusement pour le fondateur de Lounak ce n'est pas le cas, puisque Olivier Carpentier partage ses références. «On a le même bagage culturel, on a vu les mêmes films, joué aux mêmes jeux vidéos, lu les mêmes livres, on est sur la même longueur d'onde», ajoute Langevin sous l'œil approbateur de son complice. «Dans le deuxième tome j'ai dû lui demander une ou deux fois seulement ce qu'il voulait. Dès la première lecture du synopsis et du découpage technique tout était clair pour moi je savais ce qu'il voulait et je savais aussi où je pouvais prendre des libertés » renchérit le dessinateur. Cette culture commune permet non seulement à Carpentier de bien traduire les aventures de ces étranges robots à la dégaine «clint eastwoodienne», mais aussi d'illustrer parfaitement les nombreux clins d'œil proposés par le scénariste. «Ils ne sont pas inscrits dans le scénario. Il n'écrit pas par exemple clin d'œil à Akira, à Astro, à The Thing ou à Leone. Mais avec sa description et le connaissant, je sais exactement ce qu'il veut. Ils se font naturellement», précise-t-il.

Cette complicité vieille d'une décennie permet à Langevin d'écrire une histoire composée du matériau dont on forge les aventures de légende dans un décor parfait pour un dessinateur aussi expressif que Carpentier et croyez-moi créer des robots expressifs n'est pas une tâche facile. Case après case, il s'éclate dans cet environnement désertique brûlant, étouffant, menaçant, plein de poussières et de sueurs comme l'était celui de Sergio Leone dans Le bon, la brute et le truand et de Giraud dans La mine de l'Allemand perdu et Le spectre aux balles d'or, sans doute les deux meilleurs albums de Blueberry, une série qui l'a d'ailleurs beaucoup marqué. «J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler sur cet album, peut-être même plus que pour le premier», souligne le dessinateur. Mais il faut quand même préciser qu'il a pu travailler à temps plein sur cet album, ce qui n'était pas le cas pour le précédent. « Il y a une différence énorme entre dessiner 10 heures par jour et 2 ou 3 heures par soir après une journée de boulot. Pour ce deuxième tome, j'y travaillais toute la journée, je n'avais pas à revenir constamment en arrière pour me replonger dans le graphisme des personnages. J'ai pu ainsi pousser beaucoup plus loin mon dessin et mon approche, c'est pourquoi mes dessins sont mieux maîtrisés que dans l'album précédent.

Mais il n'y a pas que lui qui s'est découvert une nouvelle maturité, Gautier Langevin lui aussi montre dans ce deuxième opus une maîtrise notable de son univers et de ses personnages. Tranquillement planche après planche comme un Petit Poucet cybernétique, le scénariste sème les cailloux qui vont nous permettre de mieux comprendre l'histoire de cette planète désertique où vivent des robots habillés en cowboys. «Ils ont organisé leur monde à partir d'extraits de westerns - d'où le clin d'œil au célèbre duel de Leone - qu'ils ont trouvés et qu'ils diffusent dans de grandes célébrations qui rappellent des messes. Pour eux, ces bobines de films sont des messages des dieux. Ils ont donc adopté les costumes, les habitudes et le langage qu'ils voyaient dans les films», explique Carpentier. Et curieusement un des ses robots adopte une tenue féminine, fait surprenant dans un monde qui devrait être en principe asexué. «Nous sommes partis du principe que si les robots copiaient notre société à partir des films qu'ils regardaient, il était normal que certains adoptent des vêtements d'hommes et d'autres de femmes et qu'ils reproduisent l'hétéro normalité que l'on retrouve dans les films», explique le scénariste.

La table est donc mise pour chambouler l'univers des robots hérité des Asimov et autres poids lourds de la science-fiction que presque tous les auteurs respectent religieusement depuis. Mais quand on y pense, est-ce vraiment si important que cela de respecter la tradition? Même Asimov, j'en suis certain, aurait eu du plaisir à voir Langevin et Carpentier déconstruire le mythe des robots froids, implacables et logiques et leur donner une part d'humanité. N'est-ce pas ce qui avait déjà été fait avec BB8, R2D2, C3P0, Johnny 5 de Short Circuit, Robert le robot et le célèbre robot de Lost in Space.

On a déjà hâte au prochain tome.

Gautier Langevin, Olivier Carpentier, Far Out, 2 tomes, Studio Lounak.

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