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Et les légendes deviennent des mythes...

Certains événements lointains qui ne devraient pas être oubliés finissent par l'être et deviennent peu à peu des légendes. Certaines d'entre elles, si elles sont réappropriées par les populations, deviennent des mythes. Certains d'entre eux, riches en significations, seront redéfinis par des créateurs talentueux et resteront actuels et vivants dans la mémoire populaire.
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Certains événements lointains qui ne devraient pas être oubliés finissent par l'être et deviennent peu à peu des légendes. Certaines d'entre elles, si elles sont réappropriées par les populations, deviennent des mythes. Certains d'entre eux, riches en significations, seront redéfinis par des créateurs talentueux et resteront actuels et vivants dans la mémoire populaire.

Dracula est un de ses mythes. Au fil des siècles, il est même devenu un archétype du mal. Pourtant on connaît peu l'histoire de Dracula, pas celle de Vlad l'empaleur qui a été mille fois racontée, mais plutôt celle du roman qui a mythifié ce prince valaque. C'est justement les sources du Dracula de Bram Stoker qu'explorent Dobbs et Stéphane Perger dans Les poupées de sang, le deuxième tome de la série Scotland Yard.

Londres 1889, l'inspecteur Gregson, une ancienne vedette montante de la célèbre police britannique se retrouve, à la suite d'une bavure et d'une langue trop pendue, sur une voie de garage, dans un service qui ressemble étrangement aux fameuses affaires non classées du FBI. À la façon d'un Fox Mulder victorien, Gregson doit enquêter sur les cas les plus sordides de Scotland Yard dont celui d'un certain Robert Michael Renfield, tueur en série et psychopathe notoire qui adore boire le sang de ses victimes, en cavale dans la capitale anglaise. Et si le clin d'œil fait plaisir à tous ceux qui ont lu le roman de Stoker, l'enquête de l'inspecteur est tout aussi réjouissante pour les amateurs de polars dessinés.

Comme les feuilletonistes de jadis, Dobbs parsème son histoire de nombreux punchs qui nous tiennent en haleine. Mais le scénariste va plus loin en disséminant, tout au long de ses 48 pages, des références au fameux roman de Stoker au plus grand plaisir de ses aficionados. La toile que tisse Dobbs est admirablement servie par le graphisme de Stéphane Perger. Avec son dessin semi-réaliste, ses plans au parfum de l'impressionnisme allemand, ses couleurs imprécises et délavées et sa mise en page dynamique, Perger accentue l'angoisse étouffante d'un Londres apeuré. Les scènes entre Redfield enfant et ses tantes tutrices sont particulièrement représentatives de l'efficacité de la plume de Berger.

Si la conclusion est étonnante, elle ouvre aussi la porte à une réinterprétation fascinante du mythe. Et si effectivement le Dracula de Stoker était né des exploits de ce psychopathe dépravé qui affirmait que le sang était la vie. Voilà une proposition aussi riche que fascinante.

Les monstres marins font aussi partie de notre patrimoine fantastique mondial. Tous les pays du monde revendiquent la présence de ces monstres préhistoriques qui pataugent dans des lacs plus obscurs les uns que les autres et dans des territoires aussi inquiétants que désolés. Si on pense automatiquement à l'Écosse quand vient le temps de parler de ces monstres marins, le Québec n'est pas en reste et plusieurs monstres marins ont aussi établi leur domicile sur nos terres.

Et c'est la présence d'un monstre sur le territoire québécois qui est au cœur de La bête du lac- les mangeurs d'âmes en France- de François Lapierre et Patrick Boutin-Gagné. Si dans le premier tome, les auteurs avaient abordé de façon intelligente et respectueuse cette histoire de monstre marin qui terrorise la population du Lac-à-l'ombre, un bled perdu en plein forêt au cœur du Québec du XIXe siècle. Dans le nouvel opus La porte, qui vient tout juste de paraître, le duo nous surprend totalement et nous guide vers de nouveaux territoires surprenants.

Une fois la bête disparue, loin de voir revenir la paix, les habitants de ce petit village au milieu de nulle part, voient soudainement l'arrivée de féroces gobelins, de lutins agressifs et de spectres prisonniers du lac. Et si la bête au lieu d'être un ennemi sanguinaire était au contraire le gardien d'une prison où est emprisonné un mal indescriptible ? La réponse et le salut se trouvent peut-être dans cette étrange alliance entre un guerrier irlandais (au profil vaguement «wolverinien» ), alcoolique et ombrageux, un curé chétif, un vieil amérindien, une sirène et les habitants du Lac-à-l'Ombre.

François Lapierre qui nous avait déjà surpris avec la maturité et l'intelligence de son Sagah-nah revient ici avec une histoire qui lui sied à merveille. A la façon d'un Fred Pellerin, Lapierre manie avec dextérité et plaisir un univers où le merveilleux s'immisce dans un Québec qui quitte timidement, mais inexorablement le monde des légendes et des superstitions et s'engage sur la voie du rationalisme réaliste. Grâce au graphisme sympathique et réjouissant du très « loiselien » Patrick Boutin-Gagné - on y discerne des relents de Peter Pan et de la Quête de l'oiseau du temps-, l'imaginaire débridé de Lapierre atteint de nouveaux sommets et s'impose parmi les meilleurs du genre. À vrai dire la recette prend tellement bien qu'on en redemande et que tout comme le boit-sans-soif irlandais, on espère avoir une nouvelle rasade très bientôt pour assouvir la soif qu'ils viennent de créer.

Dobbs et Stéphane Perger, Scotland Yard, tome 2, Poupées de sang,soleil, 48 pages

François Lapierre, Patrick Boutin-Gagné, La bête du lac, tome 2 La porte, Glénat Québec, 48 pages

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Avril 2018

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