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Escobar: la dernière évasion

Face à une personnalité aussi insaisissable, un créateur ne peut qu'y voir qu'un sujet inspirant. C'est exactement ce qu'ont ressenti Guido Piccoli et Guiseppe Palumbo dans ce surprenant, qui raconte avec nuance les derniers moments de la vie d'El Patron.
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De Robin des bois à Jacques Mesrine, en passant par Pancho Villa, Bonnie Parker ou Jules Bonnot, le hors-la-loi qui lutte, que ce soit vrai ou pour justifier ses actes, contre un pouvoir despotique, insensible ou corrompu s'est vu auréolé, au fil du temps, de l'image romantique, mais réductrice du combattant libre qui s'oppose aux puissants de ce monde. Pourtant, derrière cette représentation désincarnée, presque manichéenne, se trouvent des êtres complexes, beaucoup moins simplistes et unidimensionnels que ce que le mythe a retenu.

La fuite romantique.

Même si Pablo Emilio Escobar Gavira, le roi de la cocaïne, est mort depuis le 3 décembre 1993, sa légende continue d'alimenter les pires cauchemars des autorités américaines. Si John Dillinger fut longtemps le stéréotype de l'ennemi public numéro 1 pour le FBI de Hoover, Pablo Escobar, lui, le fut pour toutes les forces antidrogues des démocraties occidentales.

Séducteur, drôle, vif d'esprit, héros de classes pauvres de Colombie et bienfaiteur - il fit construire des hôpitaux, des églises et des écoles - pour les uns, sociopathe violent et cynique pour les autres, Escobar avait tout pour soulever les passions et alimenter cette rumeur populaire qui allait faire de lui à la fois un Robin des Bois colombien. Un monstre sanguinaire qui grâce à ses exportations massives de poudre blanche vers les États-Unis - il contrôlait 80% du marché américain de la cocaïne au moment de sa gloire - empoisonnait la vie de milliers d'Américains.

Face à une personnalité aussi insaisissable, un créateur ne peut qu'y voir qu'un sujet inspirant, riche en significations et en symboles, le matériel pour une immense tragédie. C'est exactement ce qu'ont ressenti Guido Piccoli et Guiseppe Palumbo dans ce surprenant Escobar, qui raconte avec nuance les derniers moments de la vie d'El Patron.

L'exercice biographique est très difficile au cinéma et en bandes dessinées. À force de vouloir raconter la vie d'un individu, les auteurs se perdent souvent dans des raccourcis qui métamorphosent les protagonistes en témoins passifs de leur propre histoire. Immanquablement, ces productions se transforment en collages plus ou moins réussis d'événements importants et d'anecdotes sans véritable contextualisation, sans fil qui les attache entre eux. Une chance pour nous, certains, comme Piccoli et Palumbo, choisissent de se consacrer à une seule période et d'y parsemer quelques essentiels retours dans le temps.

Grand connaisseur de Pablo Escobar ― à qui il a déjà consacré un livre ―, et de la guerre des narcos qui a ravagé la Colombie dans les années 90, Piccoli nous propose un trafiquant, qui, bien que violent et mégalomane, est conscient de son image de bandit bien-aimé, investi de la sympathique arrogance de celui qui se bat pour la liberté, la justice et le bonheur des siens.

Sans jamais sombrer dans l'admiration béate ou dans la démonisation facile, Piccoli s'intéresse à ce narcotrafiquant hors du commun, habité de lumière et d'obscurité, homme d'honneur, fidèle à sa fratrie, impitoyable envers ses ennemis, traqué par les Américains prêts à tous pour le faire tomber, même si cela signifie une association avec des groupes paramilitaires, d'autres cartels et le déclenchement d'une guerre ouverte qui sème la terreur dans les rues de Medellín.

Le résultat est une bande dessinée, magnifiquement illustrée, à la hauteur de ce criminel plus grand que nature.

Le résultat est une bande dessinée, magnifiquement illustrée, à la hauteur de ce criminel plus grand que nature. À la façon du Vito Corleone de Mario Puzzo. La personnalité imposante, mais sympathique et le destin tragique d'Escobar, digne des plus grandes épopées du genre, ne peuvent que nous toucher et nous révolter, malgré tout le tort qu'il a pu causer durant sa carrière.

Une bande dessinée de grande qualité qui a su saisir parfaitement nos relations contradictoires avec ces criminels légendaires.

Je suis venu te dire que je m'en vais.

Monument de la littérature, Francois Villon, dont on a dit que sa poésie commençait où se finissait la féodalité, fut aussi un de ces bandits mythiques. Avec ses coquillards, ces mercenaires démobilisés après la trêve de 1444, qui mit fin temporairement à la guerre de Cent Ans, incapable de se réinsérer à la vie civile, il parcourt les routes de France, vivant de rapines et de méfaits, un théâtre qui nourrira sa poésie et sa légende.

Adapté du roman éponyme de Jean Teulé, Je, Francois Villon est une fabuleuse incursion dans l'univers du poète mythique au son de ses plus beaux vers. Sous la plume du maître ès clair-obscur Luigi Critone, l'épopée du poète prend une dimension quasi mystique, presque féérique, altérée par les brumes imprécises du temps et des souvenirs, quand la réalité fusionne avec la légende.

Tout comme l'Escobar de Piccoli et Palumbo Je, Francois Villon est un portrait sans complaisance d'un poète déchiré entre ses désirs de liberté, sa culpabilité et son besoin de rédemption et d'une époque sclérosée, contrôlée par la médiocrité intellectuelle d'un clergé et d'une aristocratie incultes méfiants envers tout ce qui heurte leurs conceptions de la normalité ou ce qu'ils ne comprennent pas.

Une trilogie de grande qualité et un véritable plaisir pour les yeux et pour la langue.

« Prince Jésus qui a puissance sur tous, Fais que l'enfer n'ait sur nous aucun pouvoir :

N'ayons rien à faire ou à solder avec lui.

Hommes, ici pas de plaisanterie,

Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre. »

Francois Villon, la ballade des pendus.

Guido Piccoli, Guiseppe Palumbo, Escobar, el Patron, Dargaud.

Jean Teulé Luigi Critone. Je, François Villon, 3 tomes, Delcourt.

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