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Delaf et Dubuc: éloge du nombrilisme adolescent

Peut-être parce que les Nombrils s'éloignent de ces adolescents stéréotypés si souvent présentés dans les productions culturelles vaguement moralisatrices.
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Véritable «succes story» sur la planète bédé francophone ( 170 000 copies du nouvel album ont été tirées), les Nombrils n'en finissent plus de nous surprendre et de nous séduire. À l'occasion de la sortie du 7e opus, Un bonheur presque parfait, nous avons rencontré les créateurs Delaf et Dubuc. Conversation autour d'une bédé phénomène.

«Nous sommes toujours étonnés du succès des Nombrils», lance Maryse Dubuc. Succès! Le mot est faible pour cette série qui depuis sa création a vendu autour de 1,7 million d'exemplaires. «D'autant plus qu'à l'origine nous craignions de choquer plusieurs lecteurs qui auraient pu ne pas apprécier nos moqueries sur les ados . Mais curieusement les adolescents et les adultes se sont retrouvés dans ces histoires», ajoute-t-elle.

Peut-être parce que les Nombrils s'éloignent de ces adolescents stéréotypés si souvent présentés dans les productions culturelles vaguement moralisatrices. «Nous ne tentons pas de faire un portrait de l'adolescence. Nous avons conçu les Nombrils comme la série que nous aurions aimé lire à notre adolescence, avec des personnages qui évoluent, de vraies émotions et de l'authenticité», plaide le dessinateur Marc Delafontaine. «Nous ne tentons pas de passer des messages. Oui nous abordons des questionnements moraux, et éthiques, mais nous ne disons jamais au lecteur quoi penser. Nous nous fions à son intelligence. Quand j'étais adolescente, je détestais que les adultes me disent quoi penser alors je ne le ferai pas à mon tour», renchérit-elle. «Et puis vous savez ce que vivent nos personnages ce sont des sujets universels, par exemple dans le nouvel album on parle de la quête identitaire, de la difficulté de prendre des décisions et des choix de vie», rajoute la créatrice qui a aussi écrit plusieurs romans jeunesse.

«Je ne pense pas que les adolescents d'aujourd'hui soient très différents de ce que nous étions. Je me rappelle qu'à la mienne le culte de l'apparence était là, peut-être moins important qu'aujourd'hui, mais il était présent. Il ne fallait pas être trop marginal, il fallait ressembler à la gang», acquiesce Delaf. «Quand tu es ado, tu veux à la fois te distinguer de la société et être dans le groupe. Tu es constamment en équilibre sur une corde raide. Non je pense que de tout temps les ados ont les mêmes comportements et les mêmes préoccupations», soutient-elle. «Ce sont peut-être les réseaux sociaux qui intensifient le phénomène? »

Généralement associée à son irrésistible humour, la création des deux Québécois est pourtant beaucoup plus. Refusant la facilité, les auteurs évitent la redondance réchauffée, une recette qui pourrait être payante, pour explorer d'un album à l'autre différent style narratif dont le difficile style choral - «un vrai casse-tête», s'exclame Dubuc - présent dans les deux derniers albums. De gags hilarants, mais classiques des premiers temps, les Nombrils s'ouvrent au fil des opus au drame, au suspense, à la tragédie tout en gardant le même humour caustique et en s'enrichissant, comme dans un jeu de piste, d'indices sur le passé des héroïnes.

Et même si l'expression jeu de piste surprend un peu les auteurs, il reste qu'ils aiment, depuis le début de l'aventure, parsemer leurs histoires d'éléments annonçant l'évolution des personnages. «Comme nous avons commencé avec des gags, nous avons dû rapidement établir deux ou trois traits humoristiques marqués. Et peu à peu nous avons rajouté, comme des couches, des indications qui expliquaient les comportements des personnages. Les albums précédents nous servent maintenant de matériau pour développer plus les personnages», s'enthousiasme Dubuc.

Une volonté qui toutefois ne faisait pas partie du plan des bédéistes lors des premières publications dans Safarir en 2005. «Très rapidement nous nous sommes rendus compte que nous ne pouvions pas continuer longtemps à exploiter le schéma des deux méchantes qui tapent sur la pauvre victime», reconnait Delaf qui du même souffle souligne que cette constatation à permis à la série d'emprunter une nouvelle direction. «Dès ce moment, nous avons mis sur papier les trucs que nous voulions qu'elles vivent. Par exemple dans Un bonheur presque parfait, Vicky franchit un cap important, son 16e anniversaire. Eh bien c'était prévu depuis le tome trois. Nous connaissons à peu près la fin de la série, mais nous ne savons pas encore quels chemins elles vont emprunter pour y arriver.»

Mais d'ici à ce que les trois héroïnes sortent de l'adolescence - «nous avons prévu une dizaine d'albums des Nombrils», confie Delaf - il reste encore plusieurs filons à exploiter, d'innombrables histoires d'amour à explorer, des tonnes de souvenirs d'adolescence à revisiter et pourquoi pas de nostalgiques retrouvailles, une fois les trois adolescentes devenues adultes, à envisager. Une possibilité que les bédéistes ne rejettent pas puisque ils travaillent présentement avec François Avard sur une adaptation animée des Nombrils avant les Nombrils.

Mais avant de découvrir cette fameuse rencontre, il faut lire ce passionnant nouveau Nombrils, que l'on prononce ou non le l final. «Quand je vais en France je ne prononce toujours pas le l», insiste avec un immense éclat de rire Dubuc.

Delaf, Dubuc, Les Nombrils tome 7, un bonheur presque parfait,Dupuis.

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Mais qu'est-ce qui fait courir Jean-Dominic Leduc? Non seulement sa maison d'éditions mém9ire publie d'excellentes monographies sur la bande dessinée québécoise, mais en plus il s'occupe aussi d'une revue d'analyse de la bande dessinée. Son deuxième numéro de Sentinelle vient justement d'arriver sur les tablettes de nos libraires. Au sommaire d'excellents textes dont un fabuleux de Michel Viau sur la BD franco-belge au Québec et une belle rencontre avec Siris signée Marc Tessier. Un numéro plein de textes passionnants.

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