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«Bob Morane - Renaissance»: l'ombre de Lazare

À l'occasion de la sortie du premier tome de, nous avons discuté avec Luc Brunschwig, l'un des deux scénaristes de cette résurrection surprenante.
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Après Han Solo, James Bond, Corto Maltese et bientôt Rick Deckard, l'antihéros de Blade Runner, c'est maintenant au tour du célèbre Bob Morane, idole de plus d'une génération d'adolescents, dont moi-même, de reprendre du service. À l'occasion de la sortie du premier tome de Bob Morane - Renaissance, nous avons discuté avec Luc Brunschwig, l'un des deux scénaristes de cette résurrection surprenante. Discussion autour du nouveau Lazare.

On le croyait disparu, notre Bob Morane, refoulé en compagnie de Doc Savage, John Carter et Allan Quatermain dans les limbes des héros d'une époque révolue. D'autant plus que Le Lombard n'avait pas publié depuis 2012 de nouvelles adaptations dessinées du héros d'Henri Vernes. Si la série avait connu ses heures de gloire sous la puissante plume de William Vance, il faut bien avouer qu'elle sombrait dans la médiocrité depuis que Felicisimo Coria l'avait reprise en 1980, et ce, autant du coté du graphisme que du scénario ou des ventes: deux ou trois mille exemplaires vendus des dernières parutions, selon mes sources.

«Quand on m'a fait la proposition de reprendre le personnage, j'étais un peu sceptique, et j'ai demandé du temps pour y penser. Ce n'est pas un personnage que je connaissais beaucoup. J'avais lu quelques-unes de ses aventures, mais je ne lui vouais pas un culte. En fait, c'est en réalisant que Bob Morane répondait aux deux raisons pour lesquelles je faisais de la bande dessinée, comprendre le monde qui m'entoure et distraire, que j'ai accepté. Reprendre Morane pouvait être un défi intéressant, en autant que l'éditeur me permettait de le dépoussiérer, de lui faire parcourir le monde moderne, de le confronter aux situations actuelles, comme l'avait fait Vernes à sa création», explique au bout du fil le scénariste. Bref, la série avait besoin d'un véritable électrochoc.

Et quel électrochoc! Exit l'athlétique Morane, ex-flying commander de la RAF, héros de la bataille d'Angleterre, droit comme un chêne, toujours sûr de lui. Bye bye les pays imaginaires aux noms aussi pittoresques qu'évocateurs à la Jarawak, Tumbaga, Serado et autres Zacadalgo.

Le nouveau Morane, qui parcourt notre planète, est devenu lieutenant à la 13e brigade parachutiste de Rennes. Un militaire hésitant, moins en contrôle de ses réactions et des événements, pion malgré lui d'un jeu d'échecs qui le dépasse totalement, secoué dans ses propres convictions par un monde qu'il ne comprend pas et par des institutions qui le trahissent; un Morane fondamentalement bon qui croit à la noblesse des institutions gouvernementales et caritatives, mais qui est loin d'être naïf. «C'est un personnage à la Frank Capra. Il n'est pas inconscient du monde dans lequel il vit, il a juste l'ambition d'apporter du positif à l'intérieur d'un environnement sombre.»

La construction de ce Morane nouvelle version permet aux scénaristes de s'amuser avec son passé, le réinventant tout en respectant la tradition, intégrant au fil des pages, comme de réjouissants petits clins d'œil pour ses fans de toujours, des personnages marquants de son univers. De Bill Balantine, à Tanya Orloff, en passant par Miss Ylang-Ylang et l'Ombre jaune, grandiloquent génie du mal s'il en est un, les protagonistes du petit monde imaginé par Henri Vernes se croisent en attente des premières véritables confrontations, un procédé qui n'est pas sans rappeler la série télé Gotham. «Le Bob Morane que présentait Vernes était déjà un aventurier. Nous, on propose un aventurier en devenir qui, comme son univers, se construit peu à peu.»

Ce qui explique pourquoi son inséparable compagnon de toujours, Bill Ballatine, qui n'est pas encore son ami, ne l'accompagne pas dans ses pérégrinations. Un monde qui devrait se développer tout au long des 7 prochains albums et nous présenter à la fin du cycle un Morane plus assuré et peut-être plus proche de l'original. «Il y a quand même des différences. Il n'a pas l'assurance presque aveugle de celui de Vernes. Il va continuer à se poser des questions sur les solutions qu'il préconise et qu'il doit adopter à la suite de certaines décisions moins heureuses.»

Si la relecture a été bien reçue des amateurs de bandes dessinées et des fans - «on a eu une bonne réception entre autres de plusieurs fans, mais nous avons quand même reçu quelques réactions violentes de la part de fans hardcore qui auraient voulu que Coria disparaisse et que la série soit reprise par une équipe qui n'aurait rien changé au Bob Morane qu'ils aimaient» - celle du créateur a été plus sévère.

«Au début, il était très enthousiaste. On a eu son soutien quasiment jusqu'à la fin. Mais à la dernière minute, il nous a dit que ça ne lui plaisait pas. Il ne reconnaissait pas ses personnages, il trouvait par exemple Miss Ylang-Ylang trop jeune, pas assez pin-up. On en a fait un personnage un peu garçonne, férue d'arts martiaux, avec un fort caractère, alors qu'il aurait aimé quelqu'un de plus suave, de plus vénéneux, disons. Mais on comprend très bien sa réaction: nous sommes en train de réinterpréter les images qui sont dans sa tête depuis 60 ans. Ça peut être déstabilisant surtout quand vous avez, comme lui, 97 ans, que vous avez connu la gloire avec un personnage et que vous voyez deux petits jeunes qui bouleversent cette image, même si nous sommes respectueux, logiques et cohérents avec le personnage.»

Gageons que, le succès aidant, Vernes révisera son jugement. De mon coté, en 60 pages, Brunschwig, Ducoudray et Armand m'ont fait oublier le trop long et catastrophique intermède Coria. Ce qui est déjà un exploit.

• Brunschwig, Ducoudray, Armand, Bob Morane - Renaissance, tome 1 : Les terres rares, Le Lombard.

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Mai 2017

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