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Du Chiendent au Bretzelburg

Nous pouvons enfin découvrir les trésors du Chiendent, collectif de bédéistes québécois talentueux longtemps enfoui dans notre oubli collectif.
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À force de ne couvrir que les nouveautés bédés, on finit par oublier les œuvres et les créateurs qui ont propulsé le 9e art vers de nouveaux horizons. Une chance pour nous, certains aficionados se sont donné comme mission de dépoussiérer ces «petits Mickey» endormis sur les tablettes de l'immense bédéthèque mondiale. C'est le cas de Jean-Dominique Leduc et de Frédéric Niffle, qui viennent de publier deux œuvres majeures du patrimoine de la bd.

Avril au Bretzelburg

Le Spirou de Franquin n'a jamais été égalé, les experts et les amateurs s'entendent là-dessus. Mais pour ce qui est du meilleur album de Franquin, là les opinions diffèrent. Pour certains c'est La corne du rhinocéros, pour d'autres, comme Charles Dupuis, Le nid des marsupilamis. Pour quelques-uns L'ombre du Z, Z comme Zorglub ou La mauvaise tête, et pour moi, tout comme Gotlib d'ailleurs, c'est QRN sur Bretzelburg - une fabuleuse comédie d'aventure aux mélodies de Mack Sennett et de Gérard Oury - même si j'ai aussi un faible pour Panade à Champignac.

Je me suis souvent senti seul quand je chantais les louanges de cet album qui marque aussi une période très sombre chez le grand maître, en pleine dépression et de plus en plus horripilé par le célèbre groom. Alors imaginez mon étonnement mâtiné de satisfaction quand Frédéric Niffle, rédacteur en chef du journal Spirou et fondateur des éditions Niffle, a décidé de s'atteler à une merveilleuse édition de luxe de cette incroyable bd signée Franquin et Greg.

Publié sous forme de demi-planche en noir et blanc QRN est un véritable diamant. En présentant ces planches dans leurs formats originaux, sans les réductions nécessaires aux exigences du format 8½ par 11 des albums classiques, Niffle offre aux lecteurs la chance d'admirer l'incroyable richesse et le dynamisme du trait du mythique Franquin. Chaque dessin est un véritable petit tableau d'une redoutable efficacité qui illustre à merveille l'irrésistible scénario aux trouvailles géniales.

Et que dire des commentaires d'Hugues Dayez. L'auteur du Duel Tintin-Spirou - ouvrage essentiel sur la bédé belge s'il en est un - décortique avec brio chaque demi-planche, truffant ses réflexions de renseignements fascinants : les meubles et les voitures dessinées, les chansons utilisées, etc., sur la contemporanéité du bédéiste. En prime, Dayez parsème ses commentaires de témoignages évocateurs de Franquin, de Greg et de d'autres intervenants de la planète bédé. Avec passion et intelligence, Dayez propose une interprétation captivante et originale d'un album que j'adorais et que je croyais connaître sous toutes ses coutures tellement je l'ai lu.

Une fabuleuse relecture d'une œuvre qui surprend autant par sa virtuosité que par sa modernité. Encore aujourd'hui QRN reste une véritable leçon de maître, comme le souligne si justement Gotlib.

Alors n'hésitez pas, venez vous aussi faire un petit tour au Bretzelburg.

Doux Printemps, quand reviendras-tu?

Si Frédéric Niffle mérite des félicitations pour ce merveilleux QRN, Jean-Dominic Leduc en mérite, lui aussi, pour avoir publié Du Chiendent dans le Printemps, ouvrage incontournable sur la bande dessinée québécoise signé par Sylvain Lemay.

Et à la lecture de cette excellente étude, d'une limpidité exemplaire, on comprend pourquoi le fondateur de Mém9ire à décidé d'éditer la thèse de doctorat remaniée du fondateur de l'École multidisciplinaire de l'image de l'Université du Québec en Outaouais.

Loin d'être rébarbative, comme on pourrait le présupposer avec une thèse de doctorat, la lecture Du Chiendent dans le Printemps est tout simplement passionnante. Lemay nous guide sur les sentiers de ce que fut le printemps de la bande dessinée québécoise, ce court instant au début des années 1970 où une bande dessinée résolument québécoise, reflétant notre réalité, fleurit enfin.

Non pas qu'elle n'existait pas avant, bien au contraire. Mais à partir de ce fameux printemps, la bande dessinée québécoise s'affranchit de ses influences extérieures et s'approprie une identité québécoise spécifique. Tout comme Marcel Dubé, qui a été soufflé par le théâtre de Michel Tremblay, ou Jean-Pierre Ferland par les chansons de Robert Charlebois, notre bande dessinée, confidentielle, classique, sous-produit des productions américaines et franco-belges, a subi un véritable électrochoc au contact de ses nouveaux créateurs, qui l'ont inscrite dans notre quête identitaire et notre désir de modernité.

Si l'étude décrit avec justesse l'apport des Dupras, Godbout et autres Nimbus dans cette nouvelle bd «kébécoise», c'est avec le chapitre sur le Chiendent, collectif d'artistes talentueux, que Lemay devient le plus pertinent. En ressuscitant l'éphémère regroupement qui comptait sur le génial André Montpetit - qui a fait l'objet d'un documentaire de Saël Lacroix qui sera présenté à l'automne sur les écrans montréalais - en présentant certaines de leurs trop rares planches, Lemay nous fait découvrir toute l'incroyable pertinence de ces bédéistes, aussi talentueux, imaginatifs et irrévérencieux que les Crumb, Gotlib, Shelton et autres George Dunning.

Si le Chiendent avait travaillé aux États-Unis ou en Europe francophone nul doute qu'avec leurs bédés résolument modernes et ancrées dans la contre-culture, ils auraient été célébrés sur la planète bédé. Heureusement, grâce aux efforts de Sylvain Lemay, Jean-Dominic Leduc et Saël Lacroix, nous pouvons enfin découvrir ces petits trésors si longtemps enfouis dans notre oubli collectif et leur permettre de reprendre la place qu'ils méritent dans notre panthéon bédéesque.

• Franquin, commentaires de Hugues Dayez, Les aventures de Spirou, QRN sur Bretzelburg, Niffle,

• Sylvain Lemay, Du Chiendent dans le Printemps, une saison dans la bande dessinée québécoise, Mém9ire.

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Mai 2017

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