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Hollywood sacrifie les requins sur l'autel du Box-office

Un film commea ses raisons d'exister: il ne s'agit pas ici de contester la liberté artistique des réalisateurs. Mais l'industrie cinématographique, en ternissant l'image des requins avec les moyens qui sont les siens, ne fait qu'accroître le retard d'une prise de conscience et d'une empathie pourtant indispensables à leur sauvegarde.
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41 ans. C'est le nombre d'années qui séparent la sortie en salles du premier « Dents de la Mer » de Spielberg de « Les bas-fonds », sortis en salles au Québec le 29 juin dernier. Les affiches sont ressemblantes, dans les codes et la symbolique au moins: un requin menaçant dans l'eau, une femme vulnérable à la surface... Sans doute les ressemblances s'arrêtent-elles là, à l'exception d'une, et de taille: la caricature qu'ils véhiculent des requins "mangeurs d'hommes".

Si le grand prédateur marin n'a jamais eu très bonne presse, symbolisant une menace effrayante pour l'homme, le film « Les dents de la Mer » n'a fait que renforcer ce sentiment. Depuis 1975, pourtant, les temps ont changé: vis-à-vis des requins, l'homme a évolué de manière spectaculaire.

D'abord en matière de connaissances, notamment sur sa prétendue dangerosité: sur près de 500 espèces de requins, 5 seulement peuvent présenter un risque pour l'homme. Et tous les experts s'accordent pour juger ce risque comme étant statistiquement très mesuré: une dizaine de morts en moyenne, par an, dans le monde. Si cela fait toujours 10 morts de trop, cela reste 100 fois moins que les crocodiles et 80.000 fois moins que les moustiques!

L'autre évolution notable est bien moins glorieuse pour l'homme: nous aurions désormais décimé 75% à 90% des populations de requins de la planète, à raison d'environ cent millions par an, principalement pêchés pour leurs ailerons - dont certains pays asiatiques raffolent- ou par accident...

Une raison supplémentaire pour s'alarmer de la situation au plus haut niveau: en septembre prochain, la Convention des Parties à la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) devra se prononcer sur l'ajout à la liste des espèces les plus menacées de nouvelles espèces de requins, qui en compte déjà 180 sur les 500 connues.

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Un film comme « Les bas-fonds » a ses raisons d'exister: il ne s'agit pas ici de contester la liberté artistique des réalisateurs. Mais l'industrie cinématographique, en ternissant l'image des requins avec les moyens qui sont les siens, ne fait qu'accroître le retard d'une prise de conscience et d'une empathie pourtant indispensables à leur sauvegarde.

Dans un élan paradoxal aux allures expiatoires, l'actrice principale du film, Blake Lively, défend tout de même les requins: « Je suis allée plonger avec les grands requins blancs il y a peut-être cinq ans et ce fut une des plus grandes expériences de ma vie. Ça m'a vraiment ouvert les yeux. Vous voyez ces créatures dans leur habitat, elles ne vous chassent pas. »

L'industrie cinématographique exploite de vieilles recettes depuis longtemps éculées, qui jouent sur nos peurs pour faire de l'audience au box-office. Mais est-ce bien raisonnable? Ou plutôt n'est-il pas totalement irresponsable de nous resservir, plus de 40 ans après Spielberg, cette recette du requin serial killer? Dans l'intervalle, nos connaissances ont progressé sur la réalité de la menace et, surtout, la peur du « monstre » nous a déjà fait éradiquer inutilement trop de squales.

Peter Benchley, auteur du livre dont Spielberg a tiré « Les dents de la Mer », a été effrayé par les conséquences de son œuvre au point qu'il s'est consacré jusqu'à la fin de sa vie à la protection des requins! Peut-être qu'à nouveau inspiré par ses prédécesseurs, Jaume Collet-Serra se rendra compte, lui aussi, du tort qu'il aura fait aux océans? Comme Peter Benchley, peut-être se transformera-t-il alors en défenseur des requins?

Je lui souhaite sincèrement cette prise de conscience en espérant qu'elle ne soit pas trop tardive: le temps joue contre les requins. Et au rythme où va leur extinction, il passe furieusement vite.

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Ce billet de blogue a été initialement publié sur le Huffington Post France.

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