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Pourquoi devenir moins solidaires comme nous y invite le Conseil du patronat?

Le Conseil du patronat du Québec appelle à entreprendre un exercice afin de revoir à la baisse le rôle de l'État québécois. On me permettra d'émettre quelques bémols sur cet appel lancé dans le cadre des consultations prébudgétaires 2014-2015 du ministre des Finances du Québec.
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Le Conseil du patronat du Québec (CPQ) appelle dans un récent communiqué à entreprendre un exercice afin de revoir à la baisse le rôle de l'État québécois. On me permettra d'émettre quelques bémols sur cet appel lancé dans le cadre des consultations prébudgétaires 2014-2015 du ministre des Finances du Québec.

Commençons par une remarque positive. Dans les commentaires qu'il a soumis au ministre, le CPQ écrit ceci: « Nous avons toujours affirmé qu'une fonction publique de qualité requiert une rémunération adéquate» (page 14 du document du CPQ qu'on peut lire ici). Nous sommes ravis de voir que même le CPQ se rallie à nos arguments à cet effet. Ce que le CPQ ne dit pas cependant, c'est que la politique de réduction des effectifs du gouvernement, combinée à une politique de rémunération déficiente, a entraîné un gonflement des dépenses en sous-traitance et une difficulté de recrutement de l'expertise interne dont l'ensemble des Québécois fait les frais. Même François Legault, le chef de la CAQ, l'a affirmé lors de la dernière campagne électorale à propos du ministère des Transports.

Le CPQ invite par ailleurs le gouvernement à stopper la croissance des dépenses de l'État au-delà de l'effet combiné de l'inflation et de la croissance économique et à réduire les impôts avec d'éventuels surplus générés par la croissance du PIB. Le CPQ va plus loin en appelant même à revoir la couverture actuelle de nos programmes sociaux qui, selon ses dires, serait trop généreuse.

Certains applaudiront spontanément de tels propos. Je les invite néanmoins à y réfléchir à deux fois. L'économiste Pierre Fortin rappelait avec justesse qu'un Québec plus équitable dans la répartition de sa richesse s'était beaucoup mieux relevé de la crise économique de 2008 que ses voisins. Pour mémoire, j'ajoute que Pierre Fortin, pourtant cosignataire du Manifeste pour un Québec lucide avec Lucien Bouchard, reconnaît aussi l'effet bénéfique d'un Québec davantage syndiqué que ses voisins.

Le CPQ souhaite que soit amorcée une réflexion sur la présence et le rôle de l'État dans l'économie. Or, c'est précisément parce que l'État a joué un rôle clé que nous pouvons aujourd'hui parler du «Québec inc.». Rappelons également que la croissance économique des 20 dernières années aura tout de même permis au Québec de diminuer de près de moitié le nombre des assistés sociaux tout en ramenant le déficit budgétaire à un niveau beaucoup plus acceptable. Celui-ci devrait être de 2,5 milliards $ en 2013-2014, tandis que notre voisin ontarien prévoit un déficit d'environ 11,7 milliards $ pour cette même année. Et que dire de notre système d'accès aux garderies qui a été copié par certaines provinces canadiennes, pour sa performance, et qui fait l'envie de nos voisins. C'est une mesure qui ne parait que sociale, mais qui facilite l'accès au travail, ce qui est propre à augmenter la productivité globale de l'économie. C'est un effet que le CPQ devrait pourtant applaudir.

Une autre demande du CPQ qui m'apparait hautement risquée est celle de diminuer la réglementation. Il suffit de rappeler la tragédie de Lac-Mégantic pour constater à quel point une telle philosophie peut avoir des conséquences graves. Dans un monde idéal, les entreprises accepteraient toutes d'elles-mêmes de s'autoréglementer pour le bien de tous, mais nous ne sommes pas dans un monde idéal. L'État a un rôle essentiel à jouer dans la protection des citoyennes et citoyens. Il doit aussi veiller à ce que l'intérêt général soit défendu face aux intérêts privés qui pourraient le compromettre. En ce triste moment de tragédie à L'Isle-Verte, nous ne pouvons que nous rappeler l'importance d'une bonne réglementation sécuritaire et bien appliquée.

Le CPQ s'en prend également à ce qu'il qualifie de «généreux régimes de retraite du secteur public». Je pourrais répliquer en parlant de la générosité des abris fiscaux dont profitent ceux qui possèdent et dirigent les entreprises, mais je vais plutôt lui attribuer une très mauvaise note pour ses travaux de recherche ayant précédé la rédaction d'une telle remarque. Les dernières données actuarielles sur le RREGOP démontrent que ce régime de retraite est en bonne santé financière. Or, il se trouve que le RREGOP couvre une forte majorité des personnes salariées tant au gouvernement que dans les secteurs de la santé et de l'éducation, ainsi que des sociétés d'État.

Le niveau des dépenses publiques au Québec relève d'un choix de société de se donner des services publics de qualité et d'une plus grande volonté de partager la richesse collective. Les Québécois sont solidaires et veulent que cela se reflète dans leur gouvernance. J'appelle le CPQ à voir cela d'un bon œil, comme le font la majorité des Québécois.

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