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Affaire Villanueva: Combien de morts va t-il falloir avoir pour que le système nous donne l'heure juste

Ce 9 août 2012, aura lieu une vigile pour Fredy Villanueva au parc Henri-Bourassa à Montréal-Nord à 18h. Vous êtes invité(e). C'est la vie de Fredy que nous allons commémorer avec l'invitation de sa famille. Il avait des ambitions. Sa mère lui avait rendu un vibrant hommage lors de la dernière journée d'audiences de l'enquête publique portant sur les causes et circonstances de son décès.
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Ce 9 août 2012, aura lieu une vigile pour Fredy Villanueva au parc Henri-Bourassa à Montréal-Nord à 18h. Vous êtes invité(e).

Le tout est organisé par Montréal-Nord Républik, la Coalition contre la Répression et les Abus policiers ainsi qu'un regroupement de citoyens dont je fais partie, qui s'implique auprès de cette famille même si la médiatisation de ses tragédies ne fait plus vendre beaucoup de journaux ou monter les côtes d'écoute comme dans les premiers instants.

Un petit rappel:

Pourquoi une vigile pour Fredy Villanueva?

Parce qu'il a été violemment tué par un policier du SPVM, parce que ses proches souffrent de son absence ainsi que des circonstances et conséquences de sa mort, parce que sa mort et les émeutes qui ont suivis à Montréal-Nord comportent une charge symbolique gravée dans l'histoire de Montréal et du Québec malgré la culture du déni et l'amnésie des élus, du communautaire, du paramilitaire, des médias et des acteurs de la société civile, parce que son souvenir est important.

C'est la vie de Fredy que nous allons commémorer avec l'invitation de sa famille. Il avait des ambitions. Sa mère lui avait rendu un vibrant hommage lors de la dernière journée d'audiences de l'enquête publique portant sur les causes et circonstances de son décès. Même la technicienne en documentation à la bibliothèque publique Henri-Bourassa de Montréal-Nord avait honoré sa mémoire dans un témoignage publié dans le journal La Presse, quatre jours après sa mort.

Lilian, la mère de Fredy n'accepte pas qu'il y ait maintenant deux dates pour Fredy. Sa date de naissance et sa date de mort.

Quand la date de l'anniversaire de la date de Fredy arrive, les larmes n'arrêtent pas.

Elle n'accepterait donc pas que la situation se produise avec Dany.

Oui, Dany est encore au Canada. Il a fini ses cours de briqueteur-maçon et tente de travailler avec son permis de travail malgré la résistance qu'il ressent de gens réticents à lui donner une opportunité de refaire sa vie.

Dans le passé, il avait eu un diplôme en mécanique automobile, mais l'assassinat de son frère avait avorté sa volonté de poursuivre le rêve familial de construire un garage avec ce dernier et son père Gilberto.

À ceux qui critiquent la famille, Lilian ne leur souhaite pas une minute dans les souliers des siens. Là, elle fait aussi allusion à ceux qui sont au Honduras et qui souffrent des conséquences de la surmédiatisation négative de la famille, notamment Dany Villanueva, dépeint comme un criminel notoire alors que le policier ayant tué son frère en plein jour, à proximité d'une aire de jeux fréquenté par de jeunes enfants jouit d'une série de privilèges lui permettant de vaquer à ses préoccupations.

Le temps passe, mais les souffrances ne passent pas.

La vie continue, mais la famille se pose toujours la même question: Qu'est-ce qui va se passer avec Dany?

En effet, il y a une incertitude qui plane sur ce qui arrivera avec le frère de Fredy, Dany Villanueva, ayant ses démêlés avec la justice et combattant un avis de renvoi du Canada, vers le Honduras, un pays ou sa vie risque d'être en danger.

L'autre jour, en parlant à Lilian, elle a accepté que je relate ses paroles face aux souffrances qu'elle ressent plus intensément à l'approche de chaque 6 avril (date de naissance de Fredy) ou 9 août (date de décès): «C'est pas une belle vie. C'est une souffrance très grande pour moi.»

Peu de gens savent qu'elle a aussi trois filles, dont une qui porte son nom et qui souffre de déficience intellectuelle. «Elle (Lilian) parle avec beaucoup de difficultés, mais exprime beaucoup de choses.» Elle a 24 ans et demande souvent à sa mère: «Pourquoi, ils ne laissent pas Dany tranquille. Qu'ils laissent Dany avec nous.» La nuit, Lilian (fille) dort difficilement. Lorsqu'elle se lève, elle entre dans la chambre de Fredy. Récemment, elle a dit à sa mère «Je pense beaucoup à Dany, je pense beaucoup à Fredy.»

Lilian me raconte que Dany aide beaucoup sa soeur en lui préparant la nourriture. Celle-ci refuse de manger. «Elle a beaucoup besoin de son frère, car elle a un handicap. Elle ne peut sortir seule. Si elle sort seule, elle peut oublier la maison. Elle ne dort pas beaucoup, car elle pense beaucoup à Dany. Elle a beaucoup maigri. Il la garde, va avec elle au Parc, va à la crémerie pendant que je m'occupe de la maison. Elle croit en Dieu, mais ne peut prendre toutes les idées comme la conception du monde. Ça fait deux semaines qu'elle se réveille en pleurant. Dans la nuit, elle pense beaucoup à son frère Dany. Elle a vu un monsieur venir voir la famille pour leur dire que Dany va rester au Canada.»

Lilian (mère) relate même que le professeur de sa fille a s'inquiète de sa perte de poids.

Au plan légal, au niveau de « l'affaire Villanueva », il y aura une audition de la requête en révision judiciaire de la Ville de Montréal et l'action directe en nullité de la Fraternité des policiers contestant la décision du coroner Perreault d'examiner les mesures de sécurité de l'étui à pistolet dans le cadre de l'enquête publique sur les causes et circonstances du décès de Fredy Villanueva. Oui, les conclusions de cette longue enquête n'ont toujours pas été rendues vu les mesures de la ville qui retardent le processus.

Les dates sont les 10, 11 et 12 avril 2013.

Pour ce qui est de Dany, il est toujours en attente d'une décision concernant l'ERAR et la demande de résidence permanente pour motifs humanitaires, et est toujours en attente de procès pour la cause de facultés affaiblies d'avril 2010 et il est soumis à différentes conditions (couvre-feu, signer à l'immigration chaque premier jeudi du mois, interdiction de consommer de l'alcool et des drogues).

Sa famille vivant au Honduras vit énormément de stress et de persécutions sous forme de gestes d'intimidation et de menaces liées à la médiatisation de son image le dépeignant comme un criminel notoire. Il faut ajouter aussi le fait que son pays d'origine, le Honduras, est reconnu pour ses violations sérieuses des droits humains tel que présenté dans le rapport de Human Rights Watch Reports, Amnesty International, Refworld.

Un pays ou le Canada, malgré les rapports compromettants et le coup d'État de 2009, profite du commerce bilatéral s'élevant à 192 millions$ en 2010, dans le milieu du textile et le secteur des mines. Avec toute cette manne, pourquoi parler de responsabilité sociale des compagnies canadiennes et du gouvernement canadien? Pourquoi se soucier des droits humains au Honduras? Pourquoi se soucier de la condition des gens qui seront retournés au Honduras ou dans d'autres pays d'origine?

Je salue le courage et la combativité exemplaire de Lilian Madrid et sa famille et je crois qu'ils méritent une reconnaissance publique de leurs militance face aux violences systémiques provenant de notre société.

Le même système chargé de la réunification des familles peut être le même système qui face à un manque de mécanisme d'introspection, peut devenir un véhicule d'atomisation et de séparation des proches.

On se bat à temps partiel contre un système qui nous étouffe à temps plein.

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