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Cour Suprême: quand neutralité rime avec laïcité

Dans son jugement sur les prières municipales, la Cour suprême a entre autres relevé le caractère évolutif de notre société.
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Il faut reconnaître, en toute bonne foi, l'excellente décision de la Cour Suprême du Canada concernant la cause Simoneau-MLQ c. Ville de Saguenay. "L'État ne favorise ni ne défavorise aucune religion, croyance ou incroyance." Ces valeurs relèvent de la liberté de conscience et de religion des individus et n'ont pas à être imposées publiquement dans une assemblée.

La Cour Suprême dans son jugement a relevé le caractère évolutif de notre société. "L'obligation de neutralité religieuse de l'État résulte de l'interprétation évolutive de la liberté de conscience et de religion. L'évolution de la société canadienne a engendré une conception de cette neutralité suivant laquelle l'État ne doit pas s'ingérer dans le domaine de la religion et des croyances."

Neutralité religieuse ne veut pas dire laïcité, mais c'est tout comme. La juge en chef précise :

"Avec égards, le présent débat ne porte pas sur la laïcité intégrale mais bien sur la neutralité réelle de l'État et la discrimination qui résulte de son non-respect. À ce chapitre, contrairement à ce que suggère la Cour d'appel, je ne crois pas que l'obligation de l'État de demeurer neutre en matière religieuse soit conciliable avec une bienveillance qui lui permettrait d'adhérer à une croyance religieuse. [...] Si, sous le couvert d'une réalité culturelle, historique ou patrimoniale, l'État adhère à une forme d'expression religieuse, il ne respecte pas son obligation de neutralité."

Il me semble que cette idée de neutralité religieuse de l'État en matière de religion met désormais fin à toute demande d'accommodement religieux qui dès lors constituerait une atteinte à la liberté de conscience et de religion tel que stipulé dans la Charte canadienne. Aussi, le multiculturalisme invoqué à l'article 27 de la Constitution canadienne ne peut plus être interprété comme un passe-droit aux revendications de quelque religion que ce soit. Reste en suspens cependant l'outrageante situation communautariste que le multiculturalisme engendre dans la société avec ses conséquences racistes.

En passant, avec un tel jugement le gouvernement fédéral ne pourra plus menacer les Québécois de passer une éventuelle charte de la laïcité devant les tribunaux, comme l'avait fait le gouvernement conservateur lors du débat sur la Charte en 2013-2014.

On en arrive maintenant à la fameuse question controversée du préambule de la Constitution Canadienne. Dans son jugement la Cour Suprême s'exprime ainsi : " Enfin, la mention de la suprématie de Dieu dans le préambule de la Charte canadienne ne saurait entraîner une interprétation de la liberté de conscience et de religion qui autoriserait l'État à professer sciemment une foi théiste. Ce préambule est l'expression de la thèse politique sur laquelle reposent les protections qu'elle renferme. Les dispositions explicites de la Charte canadienne et de la Charte québécoise, telles celles relatives à la liberté de conscience et de religion, doivent recevoir une interprétation large et libérale." Pour ma part je préférerais que soit retiré cette mention de la suprématie de Dieu dans le préambule qui, malgré l'"interprétation large et libérale" que reçoivent les dispositions relatives à la liberté de conscience et de religion, n'évite pas de créer une certaine ambiguïté.

Dans le passé, le Québec a combattu les excès d'une religion par trop présente dans l'exercice de l'État au point de torturer les consciences des citoyens qui ne partageaient pas la foi catholique, à l'instar de quelques individus en autorité aujourd'hui qui veulent imposer leur foi à l'ensemble des individus. Une telle forme de fanatisme ne peut plus avoir lieu dans l'enceinte de l'État maintenant, et c'est tant mieux pour tous les citoyens. La prière de foi chrétienne ou musulmane ou juive ou l'invocation athéiste ne peuvent s'imposer dans l'espace public sans créer un effet discriminatoire, la Cour a tranché. Bravo!

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