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Le je-m'en-foutisme, danger!

Il y a un an, le danger qui nous guettait, ici, à Lac-Mégantic, était tout de noir vêtu. La mort cagoulée poussant à fond dans le derrière des locomotives laissées sans conducteur sur la voie principale, en haut d'une pente qui n'a rien de douce.
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Il y a un an, le danger qui nous guettait, ici, à Lac-Mégantic, était tout de noir vêtu. La mort cagoulée poussant à fond dans le derrière des locomotives laissées sans conducteur sur la voie principale, en haut d'une pente qui n'a rien de douce. Depuis, on ne cesse de nous répéter que le risque zéro n'existe pas! Donc, les petits amis, avalez votre pilule et laissez rouler l'économie! La menace venue de l'ouest ne reviendra pas dans notre paysage avant 2016. Juré, craché, nous a assuré John E. Giles, le grand patron de la compagnie de chemin de fer Centre du Maine et du Québec qui achète à bon prix les actifs de MMA en faillite. Un chic type. Le genre d'homme d'affaires bien vêtu, doué du flegme britannique et qui n'hésite pas à sauter dans un jeans pour inspecter lui-même la voie ferrée. Dans un piètre état, la voie, comme il n'en a jamais vu de toute sa carrière. Un gars responsable, tout à l'opposé du vieux Burkhardt qui nous a laissés sur le carreau avec sa merde à ramasser. L'opération de nettoyage n'en finit plus de coûter cher, à même l'argent durement gagné des contribuables québécois et canadiens. Notre argent, votre argent, mais surtout pas le leur, à tous ceux qui essaient de se débarrasser de leur responsabilité dans tout ce laisser-aller criminel, comme on le fait d'une tache d'huile éclaboussée sur de beaux habits propres.

Pour en arriver à obtenir de la population le certificat d'acceptabilité sociale si nécessaire pour que le pétrole continue de rouler à flot sur le chemin le plus court et la facture la moins coûteuse entre le Dakota du Nord et la raffinerie de l'empire Irving, à Saint-Jean, le gouvernement fédéral a fait ce qu'il sait très bien faire, c'est-à-dire se croiser les bras, attendre que les gens d'ici finissent par s'habituer à leur nouveau décor et en deviennent tellement familiers qu'ils ne ressentent plus l'urgence de commander des changements. Le «je-m'en-foutisme» est devenu notre plus grave danger. Comme la routine dans les vieux couples.

Pas besoin de s'appeler Nostradamus pour se rendre à l'évidence que bientôt, quand les cérémonies de commémoration du premier anniversaire de ce fameux 6 juillet seront passées, que les ballons et les colombes se seront envolées, les médias vont rapatrier leurs équipes, ranger micros et caméras et notre classe politique va enfin pouvoir passer à autre chose, parce qu'elle ne sentira plus la pression sur ses épaules. Nous laissant avec ce qu'on sait faire le mieux ces derniers temps, le tourisme catastrophe!

Parlant de tourisme, deux visiteurs importants parmi d'autres ont annoncé leur venue, le dimanche 6 juillet: Denis Coderre et Philippe Couillard. Denis en premier, parce qu'il n'arrive pas les mains vides; il vient livrer une vingtaine de Bixi. Ce sera surtout pratique pour les touristes. Geste louable et apprécié, je crois! À son tour de poser un geste glamour, après tout ce qu'a fait Régis Labeaume depuis les premiers jours de ce qui était au départ une tragédie.

Quant à Philippe Couillard, doit-on être surpris qu'il en sera à sa première visite officielle depuis son élection à la tête de l'État? Trois mois plus tard? Un malaise! Mais c'était tellement prévisible. En début de campagne électorale, sur le chemin qui le menait de l'Estrie jusqu'en Beauce, il avait évité de placer le nom de Lac-Mégantic sur son itinéraire. Trop de proximité entre la mairesse Colette et la péquiste Pauline. Philippe ne voulait pas jouer le trouble-fête! Maladroitement, il avait fait une halte pour rencontrer ses partisans au complexe récréotouristique de Baie-des-Sables, l'identifiant faussement au territoire de la municipalité voisine de Marston. C'est dire à quel point le gouvernement libéral n'est pas si pressé de cette première accolade solennelle entre son premier ministre et la mairesse de Lac-Mégantic. Un geste qui «pourrait» être posé le 6 juillet, sur le parvis de l'église, devant Monseigneur, telle une scène du film Sissi L'Impératrice, si... le Conseil des ministres finit par adopter le fameux décret qui traîne dans les officines de l'hôtel du Parlement, libérant enfin les 20 millions de dollars engagées par le gouvernement précédent pour régler une fois pour toutes le sort des immeubles encore debout au centre-ville sinistré. Pas de dot, pas de mariage! Si Philippe Couillard pense pouvoir arriver les mains vides sur la rue Laval, qui se refait une beauté, il se met le doigt dans l'œil. Il y a des propriétaires et des commerçants qui l'attendent de pieds fermes.

Ses conseillers politiques devront profiter des prochains jours pour lui rappeler que toute l'Amérique a encore les yeux braqués sur Lac-Mégantic. Toute l'Amérique a hâte de voir comment se sont comportés nos gouvernements devant la pire catastrophe ferroviaire de l'histoire canadienne et le pire déversement pétrolier au sol. Parce que l'Histoire les jugera au tournant. Et l'Histoire, contrairement aux électeurs, a de la mémoire.

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