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Il faut que l'État apporte son soutien financier aux médias

Il est temps de prendre les grands moyens pour que les journalistes puissent continuer à faire leur travail qui est essentiel à toute société qui se veut démocratique.
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La crise structurelle des médias nous invite à revoir en profondeur le mode de financement des médias.
muharrem oner
La crise structurelle des médias nous invite à revoir en profondeur le mode de financement des médias.

Les temps sont durs pour les médias, mais surtout pour les journalistes. Les nouvelles technologies ont transformé le paysage médiatique et les dirigeants des grands médias tentent de s'adapter pour demeurer compétitifs, trop souvent au détriment de la publication d'articles de qualité. Alors que TC Transcontinental vend ses hebdos au Québec, il est plus que justifié de se préoccuper de l'avenir du quatrième pouvoir.

Pendant ce temps, les gouvernements fédéral et provincial ne mettent en place aucune mesure concrète et durable. L'aide financière annoncée lors du dernier budget provincial afin d'aider les médias traditionnels à effectuer le « virage numérique », est nettement insuffisante, et ne constitue pas une solution à long terme. Le gouvernement fédéral pourrait poser un geste conséquent et taxer les Google, Netflix et Facebook de ce monde, mais il refuse catégoriquement de le faire. Ce sont ainsi des millions de dollars perdus qui pourraient être réinvestis dans les médias nationaux et la production de contenu culturel.

La Coalition pour la pérennité des médias, dont sont membres le journal Le Devoir, le Groupe Capitales Médias, Hebdos Québec et TC Transcontinental, tente pendant ce temps d'obtenir une aide financière temporaire de cinq ans. Leur prise de parole au printemps dernier aura au moins permis d'amener le sujet dans la sphère publique.

L'État a un rôle crucial à jouer dans cette reconfiguration du paysage médiatique.

Nous croyons cependant qu'il faut aller plus loin et revoir en profondeur le financement des médias pour assurer une couverture rigoureuse et sans complaisance de l'actualité. L'État a un rôle crucial à jouer dans cette reconfiguration du paysage médiatique.

Aide permanente, sans oublier les médias en émergence

Nous invitons les décideuses et décideurs politiques à envisager la mise sur pied d'un programme d'aide financière permanent aux médias, sans oublier les médias alternatifs en émergence.

Nous proposons de déléguer à un organisme subventionnaire existant la responsabilité d'octroyer une certaine somme pour de l'aide au fonctionnement ou pour le financement de projets médiatiques en particulier. Certes, les paramètres restent à définir et il nous apparaît précoce de les présenter ici. Ceci étant, il est selon nous incongru que les médias d'information écrits soient systématiquement écartés des possibilités de financement public. Plusieurs États dans le monde financent les médias, ce qui réduit leur dépendance aux revenus publicitaires et leur donne une latitude pour couvrir des sujets sensibles.

Dans l'état actuel des choses, il est difficile pour les médias indépendants, alternatifs et communautaires de survivre, et encore plus difficile d'émerger.

Les tumultes des dernières décennies ont occasionné une reconfiguration du paysage médiatique, mais le Québec est toujours l'un des endroits au monde où la concentration et la convergence des médias sont les plus importantes. Ainsi, un petit nombre de propriétaires possède presque l'entièreté des médias, ce qui ne peut qu'être un obstacle à l'expression d'une diversité des points de vue. Dans l'état actuel des choses, il est difficile pour les médias indépendants, alternatifs et communautaires de survivre, et encore plus difficile d'émerger.

Il ne faut surtout pas oublier qu'il est important que les lecteurs et lectrices puissent avoir accès à une diversité de sources pour mieux s'informer. En effet, tous les médias ont leur ligne éditoriale et une culture particulière qui leur est propre. La multiplicité des médias et de leurs approches journalistiques favorise la diffusion d'une pluralité de points de vue, ce qui est essentiel à tout débat démocratique sain.

Il ne faudrait donc pas se contenter d'aider seulement les médias écrits déjà bien établis. Certes, soutenons-les dans leur transition, mais n'oublions pas que le paysage médiatique québécois manque de diversité depuis déjà des décennies. Saisissons donc aussi cette occasion pour pallier un déficit démocratique non négligeable.

Il n'y a pas que les revenus publicitaires

Les membres de la Coalition pour la pérennité des médias écrits souhaitent s'adapter pour continuer à tirer leur part du gâteau des revenus publicitaires. Nous croyons qu'il faut aussi miser davantage sur l'investissement direct de nos lecteurs et lectrices. Plusieurs médias indépendants ont développé des formules de membrariat novatrices, mais ils ont besoin d'un soutien financier pour pérenniser leur approche et permettre l'essor véritable de leur média.

Nous croyons que les citoyennes et citoyens ont conscience de l'importance de la presse écrite et qu'ils sont prêt·e·s à débourser afin de permettre aux journalistes de poursuivre leur travail. Nous croyons aussi que la dépendance aux revenus publicitaires peut parfois constituer un obstacle à la couverture de certains sujets sensibles. Envisager des alternatives dans les modèles d'affaires médiatiques est donc peut-être risqué, mais justifié.

Cessons d'être à la remorque des multinationales

Nous invitons aussi la communauté médiatique à cesser d'être à la remorque des décisions des multinationales comme Facebook et Twitter. Nous avons la fâcheuse impression que trop souvent, nous cherchons uniquement à nous adapter aux nouvelles règles imposées par les réseaux sociaux. Nous concédons qu'il s'agit d'une question de survie puisqu'un nombre faramineux de Québécois·es s'informe majoritairement par le biais de ces intermédiaires. Mais il faut voir au-delà de cela et agir en conséquence dès maintenant puisque ces géants peuvent et vont changer les règles du jeu quand bon leur semblera. Prenons les devants et réfléchissons à une manière d'assurer une plus grande indépendance face aux réseaux sociaux contrôlés par des multinationales qui n'ont pas le mandat de servir l'intérêt public, mais bien d'engranger toujours plus de profits.

Nous suggérons également au gouvernement d'amorcer une réflexion profonde afin de mettre sur pied un mécanisme qui permettra d'exiger à ces géants de faire leur juste part. Ils n'ont aucune raison de ne pas être taxés et imposés. Les fonds qui seraient récoltés pourraient être réinvestis dans les programmes abordés précédemment.

La crise structurelle des médias nous invite à revoir en profondeur le mode de financement des médias. Il ne sert à rien de fournir une aide temporaire, qui en plus d'être insuffisante, n'aura pour effet que d'amortir la chute. Il est temps de prendre les grands moyens pour que les journalistes puissent continuer à faire leur travail qui est essentiel à toute société qui se veut démocratique.

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