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Ils sont déjà assis à leur table, droits comme des piquets. Certains ont l'air fébrile, d'autres curieux, plusieurs angoissés. La raison? Ces étudiants s'apprêtent à assister à leur premier cours de philosophie.
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Ils sont déjà assis à leur table, droits comme des piquets. Certains ont l'air fébrile, d'autres curieux, plusieurs angoissés. La raison? Ces étudiants s'apprêtent à assister à leur premier cours de philosophie.

Quoi qu'il en soit, ils semblent assez réceptifs, remplis d'attentes, peut-être même démesurées. C'est qu'on leur a dit que dans ce cours on allait s'interroger sur les grandes questions existentielles, celles qui donnent le vertige : qui suis-je, d'où viens-je, où vais-je? Vous voyez le style! Et surtout, qu'on allait s'interroger sur le sens de l'existence!

Sortant de leurs polyvalentes, parfois encore mineurs, ils commencent à peine à prendre leurs distances face aux valeurs de leurs parents, ou du moins à les réévaluer. En fait, les étudiants qui arrivent au CÉGEP sont de gros chantiers de construction ou de rénovation, c'est selon. Reste à choisir les matériaux, anciens ou nouveaux, avec lesquels ils construiront leur nouvelle personnalité.

Chose certaine, ces adolescents se posent bien des questions et s'interrogent même sur le pourquoi du pourquoi. Ils ont appris qu'il fallait trouver une cause pour chaque chose, que rien n'arrive en vain, que tout a sa raison d'être. Alors, ils veulent des réponses. Si la science peut leur expliquer la structure intime de l'univers, elle devrait aussi être en mesure de leur dire pourquoi ils sont ici; pas dans ma salle de cours, mais sur la planète Terre. En somme, conditionnés par l'approche scientifique et parfois encore influencés par le discours religieux, ils veulent connaître ou découvrir la raison de leur existence.

Que répondre face à un pareil questionnement? Et si - je dis bien si - et si la vie n'avait pas de sens, que je leur suggère? Peut-être que cette réponse aurait le mérite de calmer davantage leurs angoisses que le fait de s'obstiner à vouloir trouver ce sens à tout prix.

Ma grand-mère Olivine

Pour illustrer mon propos, je décide alors de leur parler de ma grand-mère Olivine qui était très croyante. Pour elle Dieu existait, la Bible était un livre sacré, le pape était infaillible et il fallait écouter son curé et parfois son mari... (En plus, lorsqu'elle regardait la lutte à la télé, elle prenait cela très au sérieux.) En somme, ma grand-mère avait la foi. À ses yeux, la vie n'était pas très compliquée. Il y avait un Bien, il y avait un Mal. Pour gagner son ciel - et éviter l'enfer - il suffisait de respecter les grands commandements de l'Église chrétienne : ne pas commettre de péché mortel et, dans la mesure du possible, éviter la ribambelle de péchés véniels. Tout ceci donnait un sens à son existence, une direction. La vie pour elle était comme une autoroute sur laquelle il fallait rouler sans succomber à la tentation d'emprunter les petites routes secondaires qui, lui disait-on, la mèneraient à sa perte.

Le problème avec cette vision du monde, c'est que cette autoroute, en plus d'être à sens unique, la conduisait vers une destination qu'elle n'avait pas vraiment choisie, mais qu'on lui avait plutôt fortement suggéré d'accepter. Par contre, elle y trouvait des réponses à la plupart des questions qu'elle se posait. En fait, elle savait pourquoi elle était sur Terre. C'est d'ailleurs ce qui lui a permis de mourir en paix à l'âge de 101 ans!

Qu'en est-il pour vous, demandai-je à mes étudiants? Cela vous intéresse-t-il de vous embarquer dans un pareil voyage organisé, dans cette sorte de « tout-compris » où tout a été prévu et choisi pour vous? À regarder leur réaction, je peux facilement deviner que la plupart ont plutôt le goût de l'aventure. Il faut les comprendre, ils savent depuis quelques années déjà ce qu'est la liberté. L'autoroute à sens unique, ce n'est pas pour eux. Ce qu'ils veulent, c'est explorer, revenir sur leurs pas si cela les intéresse, emprunter des sentiers sinueux, faire de longs détours, se perdre parfois pour ensuite se retrouver - mais transformés!

La vie n'a pas de sens et c'est justement pour cela qu'elle vaut la peine d'être vécue! En fait, c'est à chacun d'entre vous qu'il incombe dorénavant de trouver le sens que vous voudrez lui donner. Vous ne pouvez plus compter sur les autres, sur Dieu ou sur une quelconque révélation. Votre vie vous appartient et c'est vous qui allez la façonner, lui donner le sens et la direction qui vous convient. Par contre, ce n'est pas une raison pour faire ce long voyage en solitaire. Des aspirations, cela se partage. La solidarité existe. On peut se donner des buts communs, prendre à cœur un projet collectif, pourquoi pas planétaire!

Évidemment, je les préviens, il y a un prix à payer pour avoir accès à une aussi grande liberté et pour être si lucide. À partir du moment où c'est vous qui tracez votre route, choisissez votre itinéraire, vous en acceptez les conséquences et la pleine responsabilité.

Par ailleurs, le soir, contrairement à ma grand-mère Olivine, il se peut que vous ayez de la difficulté à vous endormir. Il vous arrivera parfois de vous demander : est-ce que j'ai fait le bon choix de vie? Ce doute qui viendra vous hanter à l'occasion sera la croix que vous aurez à porter dans un monde dorénavant sans Dieu pour vous consoler.

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