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Pas d'accord de libre-échange contre les peuples!

Si l'ALENA a effectivement créé de la richesse pour certaines multinationales, il a aussi contribué à l'approfondissement des inégalités sociales, à l'appauvrissement du monde rural, à l'augmentation des migrations, du chômage, de l'insécurité alimentaire ainsi qu'à la dégradation de l'environnement.
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Du 26 au 27 mai 2017, s'est tenue à Mexico City, la Rencontre des organisations sociales du Canada, des États-Unis et du Mexique pour de nouvelles formes de coopération internationale, avec pour objectif de bâtir un front commun trinational face à l'imminente renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) exigée par l'administration Trump. Une soixantaine d'organisations de la société civile étaient présentes.

Un bilan social négatif de 23 ans d'ALENA

Cette rencontre qui entendait donner la voix aux marginalisés de la négociation a dressé un bilan très négatif des impacts de l'ALENA en termes de développement social. S'il a effectivement stimulé les échanges commerciaux entre les trois pays, la valeur du commerce trilatéral de marchandise a triplé depuis 1994, cette prospérité économique a surtout profité aux grandes entreprises multinationales.

L'ALENA a donné lieu à une recomposition des chaines de production nationales favorisant les intérêts des grandes entreprises capables de délocaliser leurs activités. Cela a généralement nui aux populations locales faisant alors face à des pertes d'emploi et à une dégradation de leurs conditions socioéconomiques d'existence. Ce fut le cas pour le secteur industriel et manufacturier au Canada et aux États-Unis. Le secteur automobile états-unien, qui constituait le socle de la classe moyenne américaine, a vu ses emplois bien payés disparaitre face à des salaires mexicains à 80% inférieurs. Au Mexique, le secteur agricole n'a pu résister aux importations de produits agricoles subventionnés et à la mainmise des multinationales agroalimentaires sur l'économie rurale mexicaine. Cela a conduit des millions de paysans à migrer vers les maquilladoras de la frontière du nord, ou directement aux États-Unis ou au Canada pour y exercer les travaux pénibles et mal payés des champs.

Si l'ALENA a effectivement créé de la richesse pour certaines multinationales, il a aussi contribué à l'approfondissement des inégalités sociales, à l'appauvrissement du monde rural, à l'augmentation des migrations, du chômage, de l'insécurité alimentaire ainsi qu'à la dégradation de l'environnement.

Le constat général de la rencontre est clair. Si l'ALENA a effectivement créé de la richesse pour certaines multinationales, il a aussi contribué à l'approfondissement des inégalités sociales, à l'appauvrissement du monde rural, à l'augmentation des migrations, du chômage, de l'insécurité alimentaire ainsi qu'à la dégradation de l'environnement.

Rejeter ou négocier ?

Dans un tel contexte, que faire ? Trois positions étaient perceptibles.

La première, la plus virulente à l'égard de l'ALENA, provenait d'organisations mexicaines et de groupes environnementalistes états-uniens qui appelaient à rejeter l'accord présent et futur. De leur point de vue, l'ALENA n'a rien apporté de bon et il est temps pour le Mexique de retrouver sa souveraineté et de développer une politique sociale et économique axée sur le développement national et émancipée des velléités impérialistes de leur voisin du Nord.

La seconde position, plus nuancée, tout en exprimant son opposition à un accord égal ou pire, envisageait d'un bon œil la renégociation, y voyant une opportunité de faire des gains dans des secteurs clés pour rétablir un meilleur équilibre entre les pays. Les organisations états-uniennes, et notamment la grande centrale syndicale AFL-CIO, se situaient plutôt dans cette position, et critiquaient le manque de transparence du processus de négociation.

Finalement, la troisième position, plutôt portée par les organisations canadiennes et surtout québécoises, cherchait un compromis afin d'aboutir à une position commune qui puisse générer un véritable élan collectif à l'échelle tricontinentale afin de construire de nouvelles formes de coopération entre les peuples sans céder aux sirènes du nationalisme.

Le défi de cette rencontre était d'éviter la division des organisations sociales en tombant dans le piège tendu par l'administration Trump, qui voit dans le repli nationaliste et les politiques xénophobes la seule alternative à la mondialisation néolibérale et ses effets sociaux dévastateurs. Le pari fut gagné, car au-delà de l'opposition entre néolibéralisme et nationalisme, les participants ont mis de l'avant un nouvel internationalisme qui met le droit des peuples avant celui des corporations transnationales, entend réduire l'asymétrie entre les pays et reconnaitre le droit des migrants.

C'est au final la solution de compromis qui s'est imposée, articulée autour du rejet du modèle actuel de l'ALENA et la proposition de pistes concrètes pour construire de nouvelles formes de coopération internationale qui permettent un développement national juste, digne et respectueux des cultures et de l'environnement.

Un modèle alternatif de développement national et de coopération internationale

Selon les participants, quatre piliers sont nécessaires pour bâtir ce nouvel internationalisme au service des peuples de la région.

Le premier consiste à éliminer tout mécanisme de protection des investissements (chapitre 11 de l'ALENA), qui conduit à faire primer le droit au profit des corporations sur le pouvoir de régulation des États dans une perspective de bien commun. Au contraire, l'accent devrait être mis sur l'affirmation des droits humains et, plus spécifiquement, les droits des peuples autochtones, la perspective de genre et la lutte contre la criminalisation des migrants.

Le second est la reconnaissance des droits des travailleurs et la protection sociale afin que cette entente débouche sur un réel développement social à l'échelle nationale et locale. Pour dépasser la logique de concurrence de la main d'œuvre entre les pays et promouvoir le travail décent. La campagne «élever les salaires, pas les murs» et la revendication du salaire minimum à 15$ des organisations syndicales canadiennes et états-uniennes sont une piste de solution.

Le troisième est l'intégration des acquis des accords internationaux sur la question environnementale (Accord de Paris) dans l'entente. Le nouveau modèle de développement doit nécessairement se structurer autour des impératifs de la transition sociale et écologique imposés par les changements climatiques. Il faut repenser la manière de produire, de consommer, de se déplacer, et de vivre en fonction de ces nouveaux paramètres.

Finalement, le quatrième pilier de ce nouveau modèle d'entente internationale centrée sur la défense du bien commun est relatif à la manière d'organiser les négociations. Mener des négociations derrière des portes closes n'est pas acceptable. La transparence des processus de négociation ainsi que la participation active des organisations de la société civile à ces processus sont fondamentales pour construire un nouveau modèle d'accord international légitime et respectueux des droits des peuples.

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