Ces costumes d'Halloween qui hypersexualisent nos petits monstres

Ma fille de quatre ans voudrait se déguiser en pompier pour Halloween. Elle veut aussi être Elsa, l'héroïne de la Reine des neiges ou une fraise, mais concentrons-nous sur le cas du pompier. À la recherche du costume parfait, nous sommes allées au Village des valeurs : « La destination Halloween pour toute la famille. »

Nous avons rapidement trouvé un costume de pompier pour garçons, avec une veste rouge vif, un casque et une hache. La version pour filles était une robe brillante, courte et moulante, probablement inflammable. Il y avait aussi un chapeau bibi au lieu d'un casque, jamais vu sur un vrai pompier.

Le modèle sur l'emballage, qui semble avoir le même âge que ma fille, porte des bottes à talons qui montent jusqu'aux mollets - pas l'idéal pour courir dans des bâtiments en flammes, ou faire du porte-à-porte en quête de bonbons. Ce costume, destiné à des enfants de quatre à six ans n'est qu'un exemple parmi tous les costumes provocateurs destinés à cette tranche d'âge.

Même le costume de citrouille pour les enfants d'âge préscolaire est sexy: sans manches, avec un corsage noir et un ruban orange qui rappelle le laçage d'un corset. Ce sont les costumes de pompier et de policière pour petites filles que j'ai trouvé les plus offensifs, d'autant plus, car ils sont accrochés à côté de ceux pour petits garçons.

Selon l'emballage, les costumes sont disponibles en exclusivité au Village des valeurs, sous la marque Alterego (le mot pompier est mal orthographié sur l'emballage, c'est dire le peu de réflexion qui a été réunie pour penser ces costumes).

Une initiation au sexy trop jeune

Les costumes d'Halloween qui rendent sexy les professions en uniforme (ou quoi que ce soit d'ailleurs) sont très populaires chez les femmes depuis des années, mais pour les petites filles? Je serais choquée si ma belle fille de 14 ans portait ce genre d'accoutrement, et je ne parle même pas de ma propre fille. (D'ailleurs, ma belle-fille se déguise cette année en Rosie la riveteuse).

Dr Janni Aragon est féministe et aide-professeur à l'Université de Victoria. Elle est mère de deux filles, âgées de 10 et 16 ans, qui se sont toutes deux déguisées en pompier quand elles étaient petites. Elles portaient la version du costume pour les garçons.

« En tant que mère, l'hypersexualisation des petites filles et de leurs corps m'ennuie profondément », affirme Aragon. « Ça affecte la sexualisation de leurs corps pendant leurs adolescences et leurs vies d'adulte. Ça les fait grandir trop rapidement. Laissez-les être des petites filles, s'amuser, être capable de jouer dans la cour d'école et ne pas s'inquiéter de savoir si on verra leurs sous-vêtements si elles font le cochon-pendu. Ça censure leurs mouvements et affecte leurs manières de jouer. »

Sexistes et oppressifs

Quels genres de messages ce genre de costumes transmettent-ils à nos filles ? Alors que les costumes de petits garçons ressemblent aux originaux, les filles doivent se déguiser avec des costumes altérés qui suggèrent qu'elles ne peuvent pas, ou ne devraient pas, exercer la profession réelle. Ces costumes ne sont pas seulement « sexy », ils sont aussi sexistes. «Les filles agissent et performent, alors que les garçons font », dit Aragon. « C'est généralement le cas - les garçons sont le verbe actif ou le sujet et les petites filles, ou les femmes, sont l'objet. « Encore plus inquiétants, ces costumes pourraient mettre en danger les petites filles. Il y a beaucoup de messages qui tendent à transmettre aux petites filles que le moyen d'attirer l'attention se fait par le biais de leurs corps, leurs looks et leurs vêtements », poursuit Aragon.

« Je ne fais pas porter la faute au corps, au look et aux vêtements, mais il y a différents types d'attention : la bonne attention et l'attention que tu ne préfèrerais pas avoir. Les petites filles deviennent une cible pour les hommes ou les garçons, qui les croient plus âgées à cause de leurs costumes. »

Les femmes pompiers et officiers de police

Jenny Reid, une pompier volontaire chez Langford Fire Rescue, souligne que ce n'est pas uniquement le costume qui est offensif pour les femmes qui ont choisi ce type de carrière, cela détériore également l'estime de soi des petites filles.

« Ce costume est horrible et transmet le mauvais message », continue-t-elle. « Ça renforce l'idée qu'il existe toujours des métiers qui ne peuvent pas être exercés par la gent féminine. Ça représente très mal le vrai métier. Les petites filles peuvent faire ce qu'elles veulent. Il ne devrait y avoir aucune restriction. Ce type de costumes les affuble de beaucoup de limites. Elles ne construisent pas l'estime de soi et la confiance dont elles auront besoin pour être officier de police ou pompier. »

Reid ne se souvient pas de costumes comme ceux-là alors qu'elle était enfant et elle s'en réjouit.

Lors d'une journée portes ouvertes à la caserne des pompiers, elle était heureuse de voir des garçons et des filles tout aussi engagés dans les activités, que cela soit avec l'échelle, le mur d'escalade l'extincteur ou le tuyau. C'est comme ça que cela devrait se passer dit-elle. Garçons et filles peuvent aspirer à être pompiers. Ces costumes, cependant, transmettent un message différent. «Et les enfants ne passent pas à côté du message transmis par ces costumes », observe-t-elle. « Les filles doivent porter le même costume que les garçons. Je porte le même équipement que les gars. Les créateurs de ces costumes ne devraient pas alimenter ce type de fractures et de stéréotypes, car les filles vont continuer à partager cette vision faussée de la profession. »

Kristi Ross, sergente dans le corps de police de la ville de Victoria est tannée de voir sa profession être sexualisée et mal représentée auprès des petites filles. « [Le costume] dit aux petites filles qu'il faut dévoiler son corps pour attirer l'attention », explique-t-elle. « Un officier de police exerce son métier grâce a sa force, son cerveau, sa confiance et ses habilités, pas en fonction de ce à quoi elle a l'air. Les femmes exercent ces métiers pour les mêmes raisons que les hommes. Elles n'entreprennent pas cette carrière pour porter un uniforme sexy ».

Ross a une fille et un fils, respectivement de 7 et 5 ans. Ils sont conscients que le costume n'est pas réaliste: « Les femmes policières portent des pantalons au travail. Ça serait compliqué de poursuivre les voyous avec des talons aiguilles. »

Responsabilité sociale des entreprises

Quand je suis retournée au Village des valeurs pour parler à un responsable, j'ai entamé une conversation avec un membre du personnel dans le département des costumes. Je lui ai demandé pourquoi les costumes de policiers et de pompiers étaient différents pour les garçons et les filles « Parce que la société veut que les petites filles soient sexys et les petits garçons masculins », m'a-t-il répondu avec ironie. « C'est grave. Et c'est partout. Nous ne sommes pas très évolués en tant que société. Cela changera-t-il un jour ? »

Il m'a présenté à la directrice de l'établissement, qui a clairement été prise de court lorsque je lui pointais les deux versions du costume de pompier. Je lui dis qu'il fallait que le Village des valeurs cesse de vendre ces costumes. « Oh mon Dieu », dit-elle interloquée, en me racontant qu'elle s'était déguisée en clown, en sorcière et en diable quand elle était petite : « Je comprends ce que vous ressentez. » La directrice m'a mis en contact avec le siège social de Savers à qui appartient le Village des valeurs aux États-Unis. J'ai laissé plusieurs messages, mais personne n'a fait suite à mes appels.

Le Village des valeurs est un chef de file dans l'industrie du commerce de détail à prix cassé. La première des valeurs promulguées par l'entreprise, comme indiqué sur le site Internet, est « l'honnêteté, l'intégrité et l'éthique dans tous les aspects de notre entreprise. » Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, je ne pense pas que la vente de ces costumes et la promotion de la sexualisation des enfants est éthique. J'encourage ainsi quiconque est concerné par le sujet à appeler Savers / le Village des Valeurs au 425-462-1515 ou bien à les tweeter @SaversVVillage. Dites-leur que nos petites filles ne sont #pasdesfriandises et que nous #n'acheteronspas.