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Deux ans après le printemps étudiant: où sont passées nos casseroles?

Force est de constater qu'après la désillusion des révolutions arabes, le printemps érable a déchanté à son tour. Que s'est-il donc passé pour qu'on se retrouve aujourd'hui dans un Québec mélancolique, divisé et qui a peur de son avenir?
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Il y a deux ans presque jour pour jour naissait au Québec un des mouvements de contestation des plus prometteurs qu'ait sans doute connu le monde durant les 20 dernières années. Après un bras de fer de plusieurs semaines, la grève étudiante contre la hausse des frais de scolarité s'était transformée en un impressionnant mouvement populaire réclamant le départ du gouvernement libéral de Jean Charest, une rupture avec ses politiques mercantilistes, notamment dans les secteurs de l'éducation et de la santé pour mettre le cap vers un Québec vert et plus juste.

Les 300 000 personnes présentes à la marche historique du 22 avril 2012, à l'occasion du Jour de la terre - des gens de tous horizons, étudiants, travailleurs, féministes, artistes et intellectuels, militants écologistes et anticapitalistes - dénoncèrent les orientations gouvernementales en matière d'exploitation des ressources naturelles. Le Plan Nord, l'exploitation du gaz de schiste, le pétrole de l'ile Anticosti ou encore celui des sables bitumineux de l'Alberta ont été particulièrement visés. En clair, on ne voulait plus rien savoir des politiques qui profitent avant tout aux intérêts privés des sociétés pétrolières et minières.

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Jour de la Terre: la manifestation à Montréal

La marche du Jour de la Terre 2012

La marée humaine qui envahissait les rues de Montréal avait esquissé les bases d'une alternative au système par l'appel lancé pour la défense du bien commun, le partage des richesses, le respect des droits de tous les citoyens et de l'environnement. Parmi les moyens de pression que le mouvement s'était donnés pour obtenir le départ du gouvernement libéral, une nouvelle et magnifique façon de militer et de «déranger» les gouvernants, dans la bonne humeur. Tous les soirs, pendant plusieurs semaines, les villes du Québec vibraient au son des casseroles dans une ambiance festive et pleine d'espoir. Les images de ces manifestations pacifiques, mais déterminées étaient relayées par les médias de toute la planète.

Nul doute, le Québec faisait alors rêver, un Québec fier de sa spécificité en tant que nation distincte et de sa diversité culturelle et ethnique. Alors que les inspirantes révolutions arabes commençaient à décevoir, le printemps érable faisait ses propres promesses d'un Québec libre, juste, solidaire et ouvert sur le monde. Les discours de Gabriel Nadeau Dubois et des autres leaders étudiants donnaient la chair de poule et enflammaient les foules de plus en plus nombreuses. Deux années après cette révolte citoyenne, que reste-t-il de ses promesses?

Force est de constater qu'après la désillusion des révolutions arabes, le printemps érable a déchanté à son tour. Que s'est-il donc passé pour qu'on se retrouve aujourd'hui dans un Québec mélancolique, divisé et qui a peur de son avenir?

Le parti de l'ex-premier ministre Jean Charest, qui avait fait le pari que la relative popularité de sa décision d'augmenter les coûts des études supérieures suffirait pour lui donner un nouveau mandat malgré les scandales de corruption qui l'avaient ébranlé, a finalement été battu lors des élections du 4 septembre 2012. Ce scrutin a été remporté de justesse par le Parti québécois de Mme Marois qui avait fait siennes les principales revendications du mouvement populaire.

Une fois au pouvoir, quel sort le Parti québécois a-t-il réservé aux promesses du printemps érable? Tout le monde sait que, mise à part l'abrogation de la loi spéciale adoptée en plein cœur du mouvement pour mater les manifestants et l'annulation de la hausse des frais de scolarité, le gouvernement Marois n'a pas tenu ses engagements. D'ailleurs, quelques mois après avoir annulé la hausse des frais de scolarité, il l'a en partie rétablie sous la forme déguisée d'indexation.

Alors qu'il faisait miroiter une politique basée sur le développement des énergies non polluantes, l'objectif de diminuer la consommation du pétrole de 30% d'ici 2020 et 60% d'ici 2030 et des émissions de gaz à effet de serre (GES), le gouvernement de Mme Marois a vite cédé devant l'industrie pétrolière en acceptant le projet d'Enbridge et en mettant le cap vers l'exploitation du pétrole en Gaspésie, à l'île d'Anticosti et dans le golfe St-Laurent. Après le recul sur la taxe santé, les attaques contre les programmes d'aide sociale, on augmente les tarifs d'électricité pour la population pendant qu'on décide de vendre à rabais des surplus d'énergie hydroélectrique à des entreprises privées. D'autre part, sur le plan éthique, avec les dernières révélations à la commission Charbonneau, on n'a pas l'impression que le PQ lave plus blanc.

En d'autres termes, peu de changements se sont produits depuis l'accession au pouvoir du parti de Mme Marois. Il règne même une atmosphère délétère combinée à un pessimisme ambiant alimenté par des discours qui agitent des dangers fictifs ou tout au moins exagérés à l'image des études sur la dette qui affirment que le Québec est financièrement dans le rouge. Un spectre toujours brandi pour justifier plus de coupures dans les programmes sociaux et les services publics. Mais alors que font les syndicats pendant ce temps-là? Où est passée la coalition contre la tarification des services publics alors qu'on projette de louer les chambres d'hôpital? Que sont devenus les mouvements étudiants et leurs leaders charismatiques ?

La réponse est, sans doute, qu'une partie des élites syndicales et des directions des luttes populaires soutient le PQ et somnole quand elle n'est pas éclaboussée à son tour par les témoignages à la commission Charbonneau (FTQ). S'agissant des anciens leaders étudiants, Léo Bureau-Blouin s'est rangé en devenant, à l'âge de 20 ans, député péquiste, pendant que Martine Desjardins ne cache pas son désir de lui emboîter le pas. Quant à Gabriel Nadeau-Dubois, indéniablement le plus éclairé et désintéressé des trois, il a écrit un livre, «Tenir tête», et semble donc en mode réflexion. C'est peut être sur ses épaules et celles de la jeunesse québécoise rebelle, colorée et rêveuse que repose l'espoir de voir la société civile rejaillir à nouveau pour dire que le printemps érable n'a fait qu'une pause avant de fleurir. Et faire entendre à nouveau le son de nos casseroles.

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