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Quels seraient les termes d'une alliance PQ-QS?

Une certaine alliance avec QS semble être une bonne idée à première vue pour le PQ, mais cette stratégie 1) n'est pas sans risque, et 2) pourrait ne pas porter fruit autant que certains ne le croient.
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Question de compléter le dernier billet, où je m'interrogeais sur la stratégie du Parti québécois de tenter un rapprochement (alliance, convergence, etc.) avec Québec solidaire, j'aimerais présenter ici quelques graphiques additionnels. En gros, une certaine alliance avec QS semble être une bonne idée à première vue pour le PQ, mais cette stratégie 1) n'est pas sans risque, et 2) pourrait ne pas porter fruit autant que certains ne le croient.

À ceux qui croient que QS «prend» des votes qui empêchent le PQ d'accéder au pouvoir, je vous invite à nouveau à analyser cette distribution:

Dans les intervalles actuels du vote populaire, les probabilités d'une victoire péquiste ne dépendent pas (ou très, très peu) de la performance de Québec solidaire. Regardez où se trouvent les points bleus. Il y en a lorsque QS obtient 13%-14% et il y en a presque autant à 11%-12%.

Les votes potentiels à gauche sont certes présents, mais ils sont limités. La stratégie gagnante du PQ ne devrait pas dépendre du transfert des votes solidaires, mais des électeurs caquistes ou des électeurs qui se sont abstenus en 2014.

D'ailleurs, pour illustrer ce point, j'ai divisé les 10 000 simulations en deux parties pour les comparer, soit 1) lorsque QS sousperforme son vote, et 2) lorsque QS surperforme son vote.

Voici les distributions régionales. Cliquez pour agrandir.

Il n'y a, statistiquement, pas de différence significative.

En guise de comparaison, regardez la différence entre la moyenne des scénarios lorsque la CAQ sousperforme et surperforme:

La CAQ gagne en moyenne 10 sièges (5 aux Libéraux et 5 au PQ) entre sa sousperformance et sa surperformance. Il s'agit ici d'un écart significatif.

Le PQ qui poursuit des électeurs solidaires, c'est comme tenter de se nourrir des miettes qui entourent l'assiette quand l'assiette est encore pleine de nourriture. C'est étrange d'un point de vue purement chiffré.

* * *

Mais bon, puisqu'il est question d'une telle alliance entre le PQ et QS, regardons à quoi cette potentielle entente pourrait ressembler!

Quelle est la projection actuelle de sièges pour Québec solidaire?

Le scénario le plus probable pour QS est de reprendre les trois comtés qu'il détient déjà et d'ajouter soit Hochelaga-Maisonneuve (PQ) et/ou Laurier-Dorion (PLQ). En moyenne, sur les 10k simulations de la dernière projection, QS remporte 4,1 sièges, mais une récolte de cinq sièges est tout à fait envisageable. (Cliquez ici pour consulter la carte complète de la dernière projection.)

D'ailleurs, à moins que QS surperforme son vote d'une marge importante, sa distribution de sièges en fonction de son vote populaire est plutôt uniforme:

Les points égarés à la droite du graphique où QS récolte 8, 9 ou même 10 sièges représentent une première mini zone payante pour ce parti, mais elle est, pour l'instant, hautement improbable. En effet, QS obtient plus de 6 sièges dans moins de 2% des simulations.

Mais quels sont ces potentiels sixième et septième sièges pour QS?

Selon les données actuelles, il s'agirait de Rosemont, la circonscription du chef péquiste Jean-François Lisée, et Verdun, comté libéral depuis 1966 (!!).

Alors à propos de cette alliance potentielle avec le PQ... Ce pacte de non-agression... comment pourrait-il fonctionner?

Une idée assez répandue est la suivante: « Si un seul parti entre le PQ et QS possède des chances réalistes de gagner un comté X, le parti n'ayant aucune chance ne présente pas de candidat dans X pour aider l'autre parti. » Plutôt simple, non?

Regardons tout cela de plus près.

Circonscriptions où le PQ laisserait le champ libre à QS

Commençons avec les comtés faciles, les « no brainers »:

  • Mercier, Gouin et Sainte-Marie-Saint-Jacques. Le PQ pourrait ne pas présenter de candidats dans les trois comtés que QS détient déjà. La probabilité d'une victoire péquiste dans ces comtés est minuscule de toute façon.

  • Laurier-Dorion. Le PQ pourrait ne pas présenter de candidat dans ce comté où il n'a obtenu que 16% des voix en 2014. Une telle entente pourrait aider QS à arracher ce comté aux Libéraux (QS a terminé deuxième derrière le PLQ en 2014).

D'autres «no brainers»? Je n'en vois pas.

À ceux et celles qui suggèrent Hochelaga-Maisonneuve, je réponds ceci: je doute fortement que le PQ laisse tomber une circonscription qu'il détient déjà et qu'il a remportée à chaque élection depuis 1981. Quel signal serait alors envoyé aux électeurs péquistes de HoMa? «Vous êtes en nombre suffisant pour gagner le comté, mais nous préférons le laisser à QS,» vraiment?

À ceux qui suggèrent Verdun: le PQ a terminé deuxième derrière les Libéraux, mais loin devant QS en 2008, 2012 et 2014. Lors de l'élection partielle en décembre dernier, le PQ a encore terminé deuxième devant QS. En fait, Québec solidaire n'a jamais obtenu plus de 10% dans Verdun lors d'une élection générale... Vous croyez que le PQ veut laisser tomber ses chances dans Verdun? Permettez-moi d'en douter. (De plus, le NPD a bien performé dans Verdun lors des deux dernières élections fédérales. Clairement, plusieurs électeurs solidaires dans Verdun ne sont pas des souverainistes purs et durs.)

Et le fameux potentiel sixième comté pour QS, soit Rosemont, croyez-vous sérieusement que le chef du PQ acceptera de céder sa circonscription dans une entente potentielle avec QS? Évidemment pas.

Qu'est-ce que le PQ exigerait en échange? Qu'il n'y ait pas de candidat solidaire à Laval, la Montérégie et la Couronne nord? Regardons l'autre côté de la médaille.

Circonscriptions où QS laisserait le champ libre au PQ

Il serait facile (et un peu moqueur) ici d'écrire simplement «tous les comtés hors de l'Île de Montréal», mais essayons de regarder cette potentielle entente du point de vue du PQ.

  • Hochelaga-Maisonneuve. Le PQ a remporté ce comté à chaque élection depuis 1981 (il portait le nom d'Hochelaga jusqu'en 1989). En 2014, Mme Carole Poirier a remporté sa réélection avec 34,9% des voix, seulement 1100 votes devant le candidat solidaire Alexandre Leduc. En 2012, Mme Poirier l'avait emporté confortablement avec 6000 votes d'avance.

  • Verdun. En 2014, Jacques Daoust du PLQ a remporté Verdun avec plus de 50% des voix. Toutefois, lors de la partielle en décembre 2016, la libérale Isabelle Melançon a eu besoin de tout son p'tit change pour l'emporter. En 2012, le candidat péquiste Thierry St-Cyr est passé à 547 voix de battre le Libéral Henri-François Gautrin. La candidate solidaire avait récolté 2500 votes (7,3%). Si suffisamment d'électeurs solidaires se ralliaient au candidat péquiste (et c'est un gros « si »), le PQ aurait des chances raisonnables de prendre Verdun aux Libéraux, mais ça serait loin d'une certitude.

  • Rosemont. Le PQ pourrait dire à QS: «Nous ne présentons pas de candidats dans les comtés de vos porte-parole, alors laissez le comté de notre chef tranquille.»

  • Blainville, Deux-Montagnes, Groulx... et n'importe quel comté de la Couronne nord (voir figure ci-dessous). À l'exception de Terrebonne, la CAQ a balayé la Couronne nord en 2014. Si une fraction importante des électeurs solidaires avaient appuyé le PQ (encore une fois « si »), le PQ aurait pu remporter plusieurs de ces comtés (évidemment, ça n'aurait rien changé à la victoire libérale de 2014...).

  • Laval-des-Rapides et Sainte-Rose. Ces deux comtés lavallois sont les deux seules circonscriptions de l'Île Jésus qui pourraient, peut-être, être arrachées aux Libéraux. Toutefois, une union PQ-QS dans ces comtés n'aurait pas changé le sort du résultat en 2014.

  • Tout l'est de la Montérégie. Pour battre la CAQ dans plusieurs de ces comtés pivots, le PQ aura besoin de tous les appuis qu'il peut trouver.

Nous pourrions continuer encore longtemps comme ça. Comme Québec solidaire ne peut pas vraiment espérer remporter des sièges hors de l'Île de Montréal, le Parti québécois aimerait sans doute ne pas avoir QS dans ses pattes dans le reste du Québec... mais jusqu'à quel point est-ce trop demandé pour QS?

En conclusion

Je comprends tout à fait la motivation des dirigeants péquistes de chercher des alliances électorales en vue de 2018. En fait, il serait probablement plus dommageable pour leur image s'ils ne cherchaient pas à créer de telles alliances.

Toutefois, en regardant la carte électorale de plus près, il est difficile d'imaginer une entente qui serait réellement bénéfique à la fois pour les deux partis ET qui permettrait au PQ de renverser les Libéraux avec les chiffres de la projection actuelle.

« Laissons le champ libre à QS dans Laurier-Dorion et Verdun. En échange, QS pourrait ne pas présenter de candidats dans les 20-30 comtés pivots hors de Montréal où le PQ a des chances » sonne beaucoup comme les partisans de hockey qui appellent aux lignes ouvertes: « Faut que le Canadien échange Plekanec et Emelin contre Tavares... »

Mais supposons qu'il y ait une entente qui permet de défaire les Libéraux dans Verdun et dans Laurier-Dorion, qu'arrive-t-il ensuite? Les comtés du 450 énumérés ci-haut sont des batailles entre le PQ et la CAQ. Certes, pour espérer remporter l'élection, le PQ doit rafler ces comtés, mais ils ne sont nettement pas suffisants pour battre les Libéraux.

Québec solidaire, après toutes ces années de croissance, serait-il vraiment disposé à ne présenter des candidats que dans 70-80 des 125 comtés pour le bénéfice du PQ? En échange d'un coup de pouce dans une pognée de comtés que le PQ n'a aucun espoir réaliste de gagner de toute façon?

Quels seraient les autres termes d'une telle alliance?

Amir Khadir à la santé et Nadeau-Dubois à l'éducation?

J'écris ceci avec un brin de sarcasme, mais certainement que les dirigeants de Québec solidaire auraient des exigences particulières post-élection si jamais une alliance fait en sorte que la prochaine élection tourne en faveur du PQ (comme la réforme du mode de scrutin). Si les termes de l'entente deviennent connus du public, n'y aurait-il pas risque de schismes encore plus profonds au sein de ces deux partis?

Une entente est réalisable, mais elle est tout de même risquée.

Et il y a toujours cet éternel « si » que nous avons mentionné plus haut.

Combien d'électeurs QS ne sont en fait pas souverainistes, mais appuient QS pour leurs idées de gauche? (Ces électeurs voteraient volontiers pour un NPD-Québec si ce parti existait.) Dans ce billet, j'avais estimé cette fraction à un tiers, mais plusieurs lecteurs m'ont dit que ce chiffre était trop bas.

Oh, que je serais curieux de connaître la proportion réelle... Monsieur Léger, si vous lisez ce passage...

Une alliance électorale PQ-QS est certainement réalisable et, pour de nombreux Québécois, fort souhaitable. Néanmoins, cette potentielle entente est beaucoup plus complexe que l'on peut croire... sans oublier qu'elle pourrait aussi ne pas porter fruit. Les négociations seront certainement longues et ardues. Il ne reste plus que 16 mois avant les prochaines élections (en théorie), alors ces partis devraient s'y mettre bientôt s'ils sont sérieux dans leurs intentions.

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