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Le pragmatisme britannique est-il en danger?

Ne soyons point durs envers les Anglais, car ils peuvent se montrer très généreux.
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Pourquoi la Grande-Bretagne doit rester dans l'Union européenne

Qui n'étudie pas l'histoire ne comprendra jamais les nuances entre la pensée politique française et celle des Britanniques. Les Anglais, par leur histoire, n'ont jamais été obsédés par leur langue, qui est d'ailleurs en constante évolution comme toute autre, sans que personne ne s'en soucie de nos jours. Elle est un moyen de communication, et non plus un outil de discrimination sociale à l'endroit des immigrés et étrangers. En fait, l'anglais est une sorte de dialecte germanique francisé, avec de nombreux emprunts danois et gréco-latins.

On ne trouve pas une langue plus européenne que l'anglais, résultat dû en grande partie au multiculturalisme britannique presque aussi ancien que l'évangile. Les nombreux royaumes barbares anglo-saxons et celtiques ont finalement été unifiés par une noblesse franco-normande dès le XIe siècle, prémisses du communautarisme britannique.

Ces francophones suffisants et hautains ne voulurent jamais s'intégrer à la majorité; pire, ils y apportèrent leurs us et coutumes. Les Plantagenêt séjournaient une bonne partie de l'année dans leur terre d'origine au climat plus doux. Ils mettaient les pieds dans l'île par intermittence, uniquement pour profiter du système fiscal et des allocations régaliennes bien généreuses et bien utiles pour leurs châteaux et trains de vie luxueux. Les Anglo-saxons, eussent-ils eu un tabloïd comme le Daily Mail, un parti anti-européen aurait déjà vu le jour outre-Manche.

Mais revenons à l'Angleterre pré-Daily Mail. À l'exception des Tudor, fruits d'une union entre un petit noble obscur du Pays de Galles, Owen, et d'une Française aux mœurs plutôt légères, Catherine de Valois, fille de Charles VI, veuve du grand Henry V et mère d'Henry VI, les Anglais se méfièrent des souverains parfaitement anglophones. Les Stuart furent un véritable cauchemar, non pas parce qu'ils étaient dans le placard ou qu'ils célébraient la messe en cachette, mais parce qu'il s'agissait tout simplement d'Écossais emmerdeurs, maîtrisant parfaitement la langue anglaise et ayant quelques prétentions politiques. Mais tout finit bien par la décapitation de Charles 1er, les Anglais ayant eu la galanterie d'épargner la Reine, Henriette de France... sœur de Louis XIII. Ce n'est qu'un siècle plus tard qu'ils trouvèrent la solution idéale dans le communautarisme: mettre sur le trône une petite lignée allemande de Hanovre ignorant tout de la langue de Shakespeare. Au nom de la suprématie du Parlement, les députés facilitèrent la non-intégration de la famille royale.

Ce pragmatisme illogique typiquement britannique est aussi visible dans les choix religieux: comment ne pas admirer la naissance d'une église anglicane sous le grand règne d'Elizabeth 1ere, qui réunit sous son toit les nostalgiques de la messe catholique, le haut clergé, et les fanatiques calvinistes et luthériens, le bas clergé!

L'Angleterre réussit donc l'impossible et mit fin aux guerres religieuses. Tous ceux qui refusaient la conciliation étaient écartés des institutions ou envoyés dans les colonies d'Amérique du Nord. Quelle chance!

Par contraste, la France, par son esprit cartésien, mit fin à la guerre des religions par les armes et la conversion d'Henri IV. «Paris vaut bien une messe», déclara le bon roi. Non! Bien sûr que non! Bien que les protestants fussent victorieux, il ne tarda pas aux papistes d'assassiner le roi Bourbon et de faire révoquer l'édit de Nantes quelques décennies plus tard par le grand Roi-Soleil qui, par cet acte, ne brilla pas. La fuite des Huguenots fut la plus grande catastrophe économique que la France ait connue. Un siècle plus tard, les révolutionnaires français rétablirent la liberté de culte et tentèrent d'émanciper le peuple en détruisant les influences néfastes de l'Église catholique romaine et d'une noblesse trop prétentieuse et peu pragmatique. Ils guillotinèrent le roi et n'épargnèrent pas la reine, Marie-Antoinette d'Autriche, perçue comme étrangère et traîtresse. Les récalcitrants furent prestement expédiés dans l'autre monde, les empires et royautés étant partout. La république naquit dans le sang.

Un bond dans le 20ème siècle: Churchill prend des mesures énergiques et courageuses, tandis que le vainqueur de Verdun, le général Pétain, après un discours paternaliste et nationaliste, s'aplatit à Rethondes; Mais le sauveur de la France outragée, Charles de Gaulle, réussit à s'imposer et à s'isoler dans son île, la perfide Albion.

La témérité britannique, suivie de l'aide financière massive des États-Unis, contribua à la renaissance d'un continent à la fois libéral et coopératif. Mais l'expansionnisme du dinosaure européen ayant pris des proportions énormes entre 1975 et 2010, un nouveau saint Georges, David Cameron, est apparu pour abattre la bête responsable de cinquante années de paix et de prospérité. Oui, saint Cameron vient sauver non seulement son royaume désuni, mais aussi toute l'Europe entière contre le monstre bruxellois. Il devient clair que tous les accords et traités ont été négociés par ses prédécesseurs, en globish, langue incompréhensible pour les Britanniques. Peut-être Major était-il distrait pas les nombreux appels de sa ministre Edwina Currie sur sa pagette, Blair par les nombreux textos de Bush sur son Blackberry et Brown par ses pensées haineuses envers Tony Blair?

Mais ne soyons point durs envers les Anglais, car ils peuvent se montrer très généreux. Ils sont prêts à accueillir dans l'Union européenne tous les pays du continent, de l'Islande à l'Azerbaïdjan, en passant par Gibraltar, la Serbie, le Kosovo, la Turquie et l'Ukraine, tandis que les Français ont une idée bien limitée de l'Europe. Les premiers adorent le libéralisme économique, les seconds adulent la belle Europe aimée de Zeus.

Pourtant la Grande-Bretagne doit rester dans l'union: oui à certaines de ses revendications, oui aux idéaux de la France, oui à la prospérité d'une Allemagne comptable. L'utopie et le pragmatisme, les deux moteurs de l'Europe.

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