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Tout comme Poutine, Cristina Kirchner comprend qu'il est utile de réveiller, sinon de fabriquer, un passé glorieux à un moment critique où le cours du pétrole s'effondre et l'économie du pays chute.
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Dans le grand hall du musée d'histoire à Moscou, plantée devant la grande affiche montrant l'effigie d'Évita avec les mots en cyrillique «Ева Перон послом мира» (Eva Perón ambassadrice de la paix), elle est prête pour son discours. Vêtue de noire, une énorme rose accrochée à son buste, déséquilibrant quelque peu l'ensemble, la veuve attire encore plus l'attention. Après quelques louanges prononcées par le ministre russe de la Culture, elle prend enfin la parole.

Malgré l'épais maquillage sur les paupières, le généreux fard sur les joues et le rouge brillant sur les lèvres un peu trop pulpeuses, elle paraît légèrement fatiguée. Elle commence son discours, joignant les mains pour contrôler sa manie de remettre en ordre ses cheveux. On ne peut qu'admirer ses longs ongles impeccablement vernis. Sa silhouette est svelte malgré ses 62 ans: tout en elle s'accorde avec ce décor d'apparat.

De sa voix grave à l'intonation chic, elle fait l'éloge de l'ancienne première dame d'Argentine. Éprouvée par l'affaire Nisman, encore fraîche, elle ne peut s'empêcher tout bas de s'identifier à Évita. Comme elle, elle est à la fois populaire et méprisée. Comme elle, elle distribue l'argent de l'État aux pauvres, tout en s'enrichissant de façon exponentielle depuis qu'elle occupe la Casa Rosada. Comme elle, elle défend la cause des femmes (et des homosexuels et transsexuels), tout en restant coquette, maniérée, vaniteuse et entourée exclusivement d'hommes forts. Comme Eva Perón, elle sacrifierait sa santé pour son pays, tout en jouant la carte populiste et en s'alliant à des personnalités peu fréquentables pour consolider son emprise sur le pouvoir.

Mais comme si l'apologie d'Eva Perón ne suffisait pas, elle ose mentionner dans son discours l'anniversaire de la mort de Lénine, fondateur de l'URSS. Établirait-elle une comparaison entre la révolution bolchévique et une révolution péroniste? Comme Poutine, elle comprend qu'il est utile de réveiller, sinon de fabriquer, un passé glorieux à un moment critique où le cours du pétrole s'effondre et l'économie du pays chute.

Et quoi de mieux que de trouver avec l'homme fort du Kremlin un ennemi commun dans les fonds de vautour et la finance anglo-saxonne, avec une petite touche antisémite pour sa part, à elle. Quoi de mieux que de former une alliance contre un monde unipolaire américain et de soutenir l'irrédentisme russe sur la Crimée et la souveraineté argentine sur les Malouines.

Le peuple argentin, comme le peuple russe, vit hélas dans le mirage d'une Histoire grandiose. Le successeur de Lénine, Staline, causa la mort de vingt millions d'êtres humains. Eva Duarte, femme ambitieuse, arriviste, déterminée, populiste et autoritaire, joua un rôle décisif dans la montée au pouvoir d'un homme bien malhonnête à la tête d'une société secrète pro-nazis (le GOU) en Argentine: le général Juan Perón.

Bien qu'aujourd'hui elle tente de mettre à sa botte les services de renseignements de son pays, comme Poutine l'a déjà fait en Russie, les Argentins auront peut-être l'opportunité de rompre avec le péronisme, mouvement politique ayant - avec les autres gouvernements militaires argentins - dilapidé les réserves de ce pays si riche en capital humain et en ressources naturelles.

Le 25 octobre, ils auront la chance d'élire démocratiquement un candidat de l'opposition, l'alternance politique étant vitale à la vie pluraliste d'un pays. Mais l'Argentine pourrait glisser sur la pente empruntée par le Venezuela, la Russie, le Bélarus et la Turquie si elle continuait dans sa nostalgie d'Eva Perón, dont le visage est d'ailleurs sur tous les billets de 100 pesos.

La présidente Cristina Fernandez de Kirchner verra-t-elle alors la fin de son deuxième mandat (troisième d'affilée si nous nous rappelons celui de son feu mari, Nestor Kirchner) ? À moins que Poutine ne l'ait conseillée... Prendra-t-elle la place de vice-présidente ou celle du ministre de l'Intérieur, au cas où son poulain Daniel Scioli remporterait les élections ?

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