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Martineau et Durocher: de mal en pis

Hier, Richard Martineau et Sophie Durocher ont pondu deux billets (si l'on peut qualifier de «billets» des opinions désarticulées lancées à la volée et tenant respectivement en neuf et sept phrases) qui passeront à l'histoire comme autant de chefs-d'œuvre de vacuité intellectuelle et d'argumentation déficiente. Réagissant au tollé soulevé par le soutien de Rona Ambrose à la motion sur le statut juridique des fœtus, nos deux chroniqueurs y sont allés d'une charge à fond de train contre ceux qu'ils accusent de vouloir instaurer une pensée unique, défendant le droit de madame Ambrose de voter en son âme et conscience
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CP

Je commente rarement les blogues d'autres personnes. De un parce que je considère ne pas avoir d'opinion réfléchie sur TOUT. De deux, parce qu'avoir une opinion ne signifie pas d'emblée devoir la partager à la planète entière!

Vient aussi un moment où l'on atteint un certain seuil de pertinence; ce n'est pas parce qu'une opinion est exprimée qu'elle est nécessairement pertinente ou valable, n'en déplaise à ceux qui baignent dans ce relativisme tout contemporain dans lequel s'enferme notre société, comme le relevait Léa Clermont-Dion: «J'ai le droit à mon opinion, bon!» Hier, Richard Martineau et Sophie Durocher ont pondu deux billets (si l'on peut qualifier de «billets» des opinions désarticulées lancées à la volée et tenant respectivement en neuf et sept phrases) qui passeront à l'histoire comme autant de chefs-d'œuvre de vacuité intellectuelle et d'argumentation déficiente.

Réagissant au tollé soulevé par le soutien de Rona Ambrose à la motion sur le statut juridique des fœtus, nos deux chroniqueurs y sont allés d'une charge à fond de train contre ceux qu'ils accusent de vouloir instaurer une pensée unique, défendant le droit de madame Ambrose de voter en son âme et conscience. Au passage, Richard Martineau n'a pu s'empêcher (oh surprise!) de frapper la gauche, appelant à la rescousse Maragaret Tatcher, accusant les mouvements féministes de vouloir imposer un carcan intellectuel anti-capitaliste : «TOUTES les féministes devraient être pro-choix, de gauche et contre le capitalisme?», éructait-il hier sur le site du Journal de Montréal. Tant d'amalgames en si peu de mots, mais par où commencer?

Je suis de ceux qui croient en la liberté de vote de nos député(e)s et qui déplorent la trop grande rigidité de la ligne de parti imposée dans nos parlements, tant au niveau provincial que fédéral. Mais je suis également de ceux qui croient qu'il y a, dans nos sociétés, des principes fondateurs, des idéaux qui doivent guider nos décisions et éclairer notre horizon collectif. Comptez au nombre de ces idéaux la liberté d'expression, la démocratie, la séparation des églises et de l'État, l'acceptation des différences sexuelles et surtout, la complète égalité entre les hommes et les femmes.

Là où le cas de madame Ambrose devient intéressant - et outrageant - c'est qu'elle ne gère pas un portefeuille ministériel de second rang, qui consisterait à égrainer ici ou là des enveloppes budgétaires et couper des rubans. Elle est, au sein du gouvernement, celle qui doit se faire la défenderesse de l'un de ces idéaux démocratiques évoqués plus haut: celui de la liberté des femmes à disposer de leur propre corps et de choisir si, oui ou non, elles veulent porter et mettre au monde un enfant.

En se levant avant-hier et en donnant son appui à la motion de son collègue conservateur, non seulement a-t-elle posé un geste questionnable philosophiquement - quoi que, comme le disent Martineau et Durocher, elle a tout a fait droit à sa propre opinion - mais du même coup, elle est venue saper l'un des idéaux portés par son propre ministère. Un peu comme si - toutes proportions gardées - le ministre de la Culture et de la Charte de la langue française se levait, à l'Assemblée nationale, afin d'appuyer une motion remettant en cause la loi 101, pourtant au cœur de la préservation de notre identité depuis près de quarante ans. C'est la même logique de valeurs qui sous-tend le cas de madame Ambrose...

Et c'est en ce sens où beaucoup d'associations réclament, et à juste titre selon moi, la démission de madame Ambrose: si elle est en désaccord avec l'une de ces valeurs collectives que nous nous sommes données et qui doivent s'incarner au travers de son propre ministère, qu'elle remette aujourd'hui sa démission et qu'elle redevienne une «simple» députée. À ce moment, elle pourra accorder son vote à n'importe quelle pièce législative qui aurait pour conséquence de donner un statut légal au fœtus et donc, par la porte de derrière, donner des assises juridiques à ceux qui voudront reposer la question de l'accès à la contraception. Parce que c'était bien là l'objectif de cette motion ...

Je ne sais sincèrement ce qui est le plus pitoyable dans toute cette histoire entourant le vote de madame Ambrose. Le geste que la ministre a elle-même posé, ou la réaction épidermique de nos chroniqueurs qui y ont vu une occasion de plus afin d'écorcher la gauche et de retomber dans les mêmes lubies qui sont de plus en plus partagées par les vedettes québécoises de l'opinion instantanée. Voyez-vous, Monsieur Martineau, Madame Durocher (vous permettrez que je m'adresse directement à eux ?), le fondement des attaques portées à l'endroit de madame Ambrose ne réside pas sur l'axe gauche-droite.

Bien sûr que des féministes peuvent être de droite, Monsieur Martineau! Malheureusement pour vous - et pour votre brillante démonstration rhétorique de neuf phrases - je ne crois pas, par exemple, que madame Julie Miville-Dechêne soit l'exemple type de la militante enragée voulant brûler son soutien-gorge et jeter à bas le capitalisme! Être féministe - et je revendique cette étiquette autant pour les hommes que pour les femmes - c'est avant tout s'entendre sur certaines valeurs. Le débat qui nous préoccupe repose sur une question de valeurs intrinsèques, qui transcendent les spectres politiques et qui fondent notre vie en société. Voyez-vous, la nature a fait en sorte que jamais je n'aurai à assumer la responsabilité de devoir porter et mettre au monde un enfant. C'est pour cette raison, qu'en tant qu'homme, je ne peux concevoir que l'on puisse dicter le choix des femmes sur une question aussi fondamentale et, dans cette optique, je défendrai toujours leur droit à choisir librement d'accéder ou non à la maternité.

Comme je défendrai toujours, en vertu de ces mêmes grands principes, votre propre droit à vous exprimer sur la place publique, fût-ce même pour dire des conneries. Tentez, cependant, de ne pas trop en abuser ...

Voyez les galeries photos de nos collègues du HuffPost Canada:

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