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Pour en finir avec «l'affaire Duchesne»

Comme à son habitude, l'analyse de Pratte vise la bonne cible, mais passe à côté du réel enjeu qui devrait plutôt être celui de la reconversion des politiciens dans l'espace médiatique et non pas de l'entrée en politique des représentants des médias. Leest un faux débat qui occulte la nécessaire réflexion qui devrait entourer le « purgatoire » essentiel qui devrait suivre le passage dans le service public.
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André Pratte y est allé cette semaine d'une charge en demi-teintes contre Pierre Duchesne, ex-journaliste de la SRC passé récemment sous la bannière du Parti Québécois, faisant ainsi écho aux récentes attaques faites à l'encontre de l'éthique de celui qui a couvert les coulisses politiques de Québec pendant de nombreuses années. Tout en soulignant le travail de celui qu'il qualifie de « journaliste rigoureux », ayant « fait la preuve de sa rigueur dans sa magistrale biographie de Jacques Parizeau », l'éditorialiste de La Presse, qui n'a bien sûr aucun penchant politique (mesurez mon ironie), affirme que le délai ayant séparé la retraite du milieu journalistique de l'entrée en politique de Duchesne soulevait des questions quant au professionnalisme et à l'apparence de conflit d'intérêts chez cet ancien employé de la société d'État.

Comme à son habitude, l'analyse de Pratte vise la bonne cible, mais passe à côté du réel enjeu qui devrait plutôt être celui de la reconversion des politiciens dans l'espace médiatique et non pas de l'entrée en politique des représentants des médias. Le cas Duchesne est un faux débat qui occulte la nécessaire réflexion qui devrait entourer le « purgatoire » essentiel qui devrait suivre le passage dans le service public.

Les exemples sont nombreux de politiciens qui, sitôt annoncé leur départ de la vie publique, ont été courtisés par les représentants des grands médias. Nous n'avons qu'à penser au passage à la télé de Mario Dumont, ancien chef de l'opposition officielle et désormais animateur d'une émission d'affaires publiques sur les ondes de V (il intégrera sous peu LCN). Ou encore à Jean Lapierre qui, après avoir représenté tour à tour le camp souverainiste et le camp fédéraliste à Ottawa, a quitté une première fois la vie politique afin de se livrer à l'analyse... avant que d'être rappelé par Paul Martin pour ensuite retourner - encore! - à l'analyse sur les ondes de TVA après la déconfiture libérale suivant l'élection de Stephen Harper. Valse étourdissante d'allers-retours et ce, sans transition aucune.

Citons aussi le cas récent de Gilles Duceppe, approché brièvement par la SRC, de Michel Gauthier, ancien leader du Bloc et repêché par l'ancien TQS ou encore de ces désormais célèbres « ex » qui se livrent eux aussi à l'analyse politique sur les ondes de RDI, tous les midis. Bref! Tous ces exemples afin de souligner le ridicule des attaques faites à l'endroit du prochain candidat péquiste dans Borduas.

Il est de plus en plus frappant de voir à quel point la frontière entre journalisme et analyse subjective s'amenuise dans les médias et ce durant les bulletins d'information eux-mêmes, où l'on n'hésite pas à employer un ton plus familier afin d'aborder la nouvelle, quand ce ne sont pas les bulletins eux-mêmes qui sont remplacés par ces émissions d' « affaires publiques », sous la houlette des Martineau, Gendron, Dumont et compagnie, où bien souvent le spectacle remplace la nécessaire analyse où la recherche de la vérité doit primer sur l'esclandre et le dopage des cotes d'écoute.

Ce n'est pas le saut des journalistes dans l'arène politique qui devrait poser problème. C'est le droit le plus sacré de tout citoyen que de pouvoir prendre part à la vie démocratique de son pays. C'est bel et bien la reconversion dans l'espace médiatique des anciennes figures politiques qui devrait soulever des questions. Un « purgatoire » doit s'imposer tant l'espace médiatique qu'ils occupent, de même que l'influence et la crédibilité qu'ils acquièrent auprès de la population sont grandes. Raison de plus pour prendre toutes les précautions qui s'imposent.

Les critiques de Pratte et des représentants du PLQ sont d'autant plus ridicules qu'elles s'appuient sur un postulat somme toute absurde: celui de la neutralité politique personnelle des journalistes. À moins que l'on puisse affirmer que les journalistes désertent massivement les urnes à chaque élection et refusent d'accomplir leur devoir citoyen, cette critique faite à l'encontre de Duchesne pourrait s'appliquer à l'ensemble de la classe journalistique, prouvant par le fait même son absurdité. Le délai entre le retrait de la SRC et l'entrée en politique partisane était-il trop court? Sans doute. Mais devant l'imminence du déclenchement de la prochaine élection, la situation de Duchesne est partagée par bon nombre de professionnels crédibles, reconnus dans leur milieu et qui représentent à cette heure autant de candidatures de prestige pour les différents partis politiques.

Le dilemme demeure toujours le même: mettre en jeu sa crédibilité et sa respectabilité pour se lancer dans une joute politique qui, au demeurant, est toujours incertaine ou conserver son ascendant dans son milieu professionnel d'origine? N'en demeure pas moins que l'entrée en politique de Pierre Duchesne est de loin plus réussie que ne le fut celle de son collègue Bernard Drainville en 2007, lui qui quelques jours avant interviewait André Boisclair, celui-là même qui allait devenir son chef à son entrée au Parti Québécois. Elle a aussi l'avantage de ne pas exposer le candidat comme ne le fut par exemple Gaétan Barrette, lui qui a procédé à un véritable striptease politique, soufflant le chaud et le froid quant à sa possible candidature pour la CAQ avant que de se raviser devant des sondages plutôt faméliques pour la formation de François Legault.

Soulignons enfin que la violence des attaques à l'endroit de Pierre Duchesne viennent mettre en relief une chose : l'incapacité apparente du gouvernement (qui a perdu trois importants ministres dans les derniers mois) et de la CAQ à attirer des candidatures de prestige, et ce, à quelques jours du déclenchement de la prochaine campagne. Comme quoi après neuf années de gouvernement, l'usure du pouvoir et l'alternance politique peuvent refroidir les ardeurs de bien des apprentis-politiciens...

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