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Legault, l'unidimensionnel

Legault pique du nez dans les intentions de vote au Québec depuis quelques semaines. C'est normal me direz-vous, une simple leçon de physique élémentaire: tout ce qui monte finit par redescendre. Soit! La question est plutôt de savoir s'il allait descendre tout doucement ou chuter comme un rocher au fond de l'eau.
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Legault pique du nez dans les intentions de vote au Québec depuis quelques semaines. C'est normal me direz-vous, une simple leçon de physique élémentaire: tout ce qui monte finit par redescendre. Soit! La question est plutôt de savoir s'il allait descendre tout doucement ou chuter comme un rocher au fond de l'eau. Tirant de l'arrière par quatorze points chez les francophones derrière le PQ, selon le dernier coup de sonde de Léger Marketing, certains députés transfuges doivent commencer à se dire qu'ils auraient mieux fait d'attendre un peu avec de quitter le bateau de Pauline Marois. Si certains parlent déjà de «l'effet Rebello» afin d'expliquer la chute de la CAQ, du manque de coordination de l'équipe parlementaire dans leurs sorties publiques, le problème est à mon sens plus fondamental. Il s'agit de François Legault lui-même. Celui que les Québécois considéraient il y a un an - et j'y ai prêté moi-même attention - comme une nouvelle «voie» potentielle s'est révélé être, au fil des mois, un homme d'une unidimensionnalité troublante. Comme quoi il n'est pas si facile de quitter l'habit de PDG pour revêtir celui de premier ministre du Québec.

Les affaires

Les seuls élans « lyriques » auxquels nous avons eu droit de la part du chef caquiste étaient pour dénoncer la politique d'investissement « i-n-a-c-c-e-p-t-a-b-l-e » de la Caisse de dépôt. Idem lorsqu'il est venu le temps de dénoncer « l'irresponsabilité » du gouvernement Charest dans la conduite des affaires l'État, avec un enthousiasme débordant qui n'avait rien à envier aux débordements d'un certain Howard Dean à une autre époque. Voilà donc ce qui motive le chef caquiste. Quid de la pauvreté, des conditions de vie des plus démunis et de la classe moyenne; quid de la précarité en région et des piètres conditions sociales qui se répercutent jusque dans le haut taux de décrochage scolaire? Après tout, il est beaucoup plus facile de sévir contre les « mauvais profs » que de s'attaquer au problème de l'inégalité sociale.

Cette obsession du monde des affaires, elle se voit aussi dans la constitution même de l'équipe de la CAQ. Sur les six premiers candidats « vedettes » présentés la semaine dernière par la Coalition, quatre d'entre eux provenaient du milieu des affaires ou de la gestion, aux côtés d'une avocate et d'un enseignant. La formulation de la présentation de l'un de ces candidats laisse quelque peu songeur: « femme d'affaires qui compte quinze ans d'expérience en gestion de projets axés sur l'efficacité et la maximisation des ressources au sein de nombreuses entreprises et organisations évoluant dans des environnements hautement concurrentiels. »

Cette présentation quelque peu laborieuse ne serait pas digne d'intérêt si elle ne cadrait pas précisément avec le profil type qui semble être recherché dans l'entourage de François Legault. Il en va de même pour le conseil exécutif - conseil d'administration serait peut-être plus à propos. Des sept membres, la vaste majorité est issue du milieu des affaires ou est membre de grands bureaux de génie ou de firmes d'avocats. Aux côtés du fondateur de BCF, on trouve des membres de Heenan Blaikie et une présidente anciennement de chez McKinsey &Company. S'il s'agissait là du conseil d'administration d'une entreprise, l'on pourrait parler d'un « dream team ». Mais c'est précisément là que le bât blesse : ces gens ne s'engagent pas en politique afin de restructurer une entreprise ayant quelques départements présentant des difficultés d'organisation, mais bien afin de gouverner un État qui est tout sauf une organisation monolithique. Il s'agit de gouverner une société traversée par des courants de pensée et d'intérêts différents, répondant à des besoins divers et qui ne peut être menée aussi facilement qu'on le ferait avec une grande entreprise.

S'il faut saluer l'engagement et la volonté de tous ces gens, l'on peut cependant se questionner sur les priorités et la conception de l'État que porte François Legault. Le simple fait qu'il n'y ait aucun représentant des milieux communautaires et sociaux, des groupes écologistes ou encore du monde de la culture est à mon sens frappant.

Le sens de l'État

François Legault est passé derrière Pauline Marois (25% vs. 21%) et est maintenant à égalité avec Jean Charest. À mon sens, l'indécision de la CAQ sur de nombreux enjeux ne fait que mettre en relief l'absence de vision claire et de profondeur à la direction de la Coalition. C'est une chose de mettre de l'avant des changements structurels sur le court terme. C'en est une autre de porter une vision d'avenir pour la société - il ne suffit pas d'en revendiquer le nom - et de savoir où l'on imagine le Québec dans dix ou vingt ans.

Encore plus: Legault ne donne pas l'impression qu'il mesure l'importance historique de la fonction qu'il revendique. Il ne s'agit pas de s'asseoir autour de la table du conseil d'administration de la province de Québec. Il s'agit d'occuper la première fonction de notre État, de devenir le responsable politique de la destinée de la nation et de s'asseoir dans le même siège qu'Adélard Godbout, Jean Lesage, René Lévesque, Robert Bourassa ou Jacques Parizeau. Et à ce compte, les épaules du chef caquiste semblent trop petites et les souliers beaucoup trop grands à chausser.

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