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Les immigrants et les réfugiés sont les bienvenus, car personne n'est illégal

Les frontières ne sont qu'un ensemble arbitraire de barrières qui empêchent la libre-circulation des biens et des personnes. Au bout du compte, tout le monde perd au change.
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La loi n'est pas la moralité, et c'est particulièrement évident en ce qui concerne l'immigration.
Christinne Muschi / Reuters
La loi n'est pas la moralité, et c'est particulièrement évident en ce qui concerne l'immigration.

Souvent, Richard Martineau et Éric Duhaime ont des opinions et des réflexions intéressantes sur la politique au Québec et ailleurs. Toutefois, ils sont complètement dans l'erreur en ce qui concerne la récente crise des migrants haïtiens.

Sur leur mur Facebook, ils se réfèrent à ces personnes comme étant « illégales », qu'elles devraient suivre les lois et immigrer dans les règles de l'art, etc. Avec de telles réflexions, il est facile de voir qu'ils n'ont jamais été pris dans l'enfer bureaucratique de l'immigration.

Lorsque j'ai voulu commanditer mon mari pour qu'il obtienne sa résidence permanente, il fallait passer par deux couches bureaucratiques. Il fallait commencer par Ottawa, qui envoyait la demande au Québec pour approbation, pour ensuite la revoir. Le processus s'est légèrement simplifié quand j'ai déménagé en Saskatchewan. Par contre, l'angoisse de savoir si la demande sera acceptée ou non – ou pis, devoir renvoyer tel document parce qu'il manque une virgule – peut devenir très stressante.

Et lorsque mon mari a voulu me commanditer pour que j'obtienne ma résidence permanente aux États-Unis à la suite du rejet de DOMA en 2013, j'ai littéralement eu l'impression de pénétrer dans la maison qui rend fou. Avec une telle situation incertaine, il m'était impossible de travailler où que ce soit puisque la majorité des employeurs ne veulent pas, eux non plus, être pris dans la paperasse.

Ce qui est légal n'est pas nécessairement moral

En plus de mal comprendre le processus migratoire, Martineau et Duhaime ont une vision plutôt arbitraire du droit. En appelant les migrants « illégaux », ils montrent un support aveugle pour la loi et semblent ainsi la considérer comme morale.

S'ils regardent le moindrement l'histoire, ils sauraient que ce n'est pas le cas. Rosa Parks était une criminelle, selon les lois de l'Alabama, parce qu'elle n'a pas cédé sa place à un blanc. Il en va de même Harriet Tubman, qui a « illégalement » aidé des esclaves à s'échapper vers le Canada via son « chemin de fer sous-terrain. » S'ajoutent également à la liste toute personne ayant consommé des drogues « illégales » comme la marijuana ou de l'alcool/du tabac sans avoir l'âge requis, loué une chambre via Air Bnb, vendu un produit au-dessus/en dessous des prix fixés par le gouvernement, etc.

Bref, la loi n'est pas la moralité, et c'est particulièrement évident en ce qui concerne l'immigration.

Bref, la loi n'est pas la moralité, et c'est particulièrement évident en ce qui concerne l'immigration. En effet, la quasi-totalité des lois la restreignant avait un dessein foncièrement raciste.

Aux États-Unis, on a tout fait pour restreindre l'immigration; on a commencé par les Asiatiques, mais au faîte des années folles, on a même restreint l'immigration de « blancs » venant d'Italie et de Russie de crainte qu'ils ne s'assimilent pas. Ces craintes xénophobes sont encore présentes aujourd'hui et elles ont peu de bases dans la réalité.

Non seulement des études démographiques et des sondages montrent la forte assimilation de la plupart des immigrants, mais je le vois moi-même avec ma belle-famille, dominicaine pour la plupart (un exemple parmi tant d'autres). Oui, la première génération a souvent de la difficulté à s'assimiler; ma belle-mère ne parle pas un mot d'anglais bien qu'elle ait vécu une grande partie de sa vie aux États-Unis. Quant à ses frères et sœurs qui ont aussi immigré, ils parlent majoritairement anglais avec un accent évident – idem pour la génération de ses enfants. Par contre, la génération de ses petits-enfants (la mienne) parle anglais sans accent notable et espagnol avec un très fort accent anglais. Et les quelques arrière-petits-enfants (et neveu/nièce) qui grandissent présentement ne connaissent que quelques mots d'espagnol.

Pourquoi? « Parce que l'espagnol ne m'est vraiment utile qu'à la maison, pour parler avec ma mère et ma grand-mère, » m'a jadis dit une belle-nièce – elle parle anglais avec son demi-frère et avec ses amis hispaniques, bien que leurs parents ne leur parlent qu'en espagnol. De plus, malgré ce désir de vouloir préserver sa culture et de la transmettre à ses enfants, sa mère (ma belle-sœur) est sûrement consciente que, pour que ses enfants aient les meilleures chances de réussir, ils doivent bien maitriser l'anglais, dans la très cosmopolite New York. Mais comme elle leur a quand même appris l'espagnol, ils auront un fort avantage sur plusieurs Américains unilingues anglophones.

Le Canada n'a pas été en reste non plus dans le délire anti-immigration. En plus de craintes linguistiques, l'immigration massive vers le pays a créé beaucoup de tensions, particulièrement en Colombie-Britannique.

Rien à craindre, mais...

Pourtant, ces nombreux immigrants (et leurs enfants) ont enrichi le pays : Lino Saputo, David Suzuki, Marie Eykel, Kim Yaroshevskaya, etc.

« Mais certains refusent de s'assimiler! » me diront certains, pensant particulièrement aux musulmans. Oui, peut-être que plusieurs membres de cette communauté semblent vouloir rester de leur côté et garder certaines pratiques culturelles questionnables comme le tchador. Ce problème était prévisible, considérant que les compétences linguistiques semblent primer sur les autres compétences tout court au Québec.

Mais nonobstant ce point, que des musulmans se ghettoïsent est sans importance du moment qu'ils ne portent pas atteinte à la vie ou la propriété d'autrui. C'est quand la dernière fois qu'un juif orthodoxe a commis un crime qui a fait la manchette? Mais même si certains immigrants avaient des desseins meurtriers, les citoyens n'auraient rien à craindre... s'ils avaient le droit à l'autodéfense.

En effet, on n'a qu'à comparer la fusillade de San Bernardino avec celle d'une banlieue de Dallas. Dans le premier cas, les restrictions sévères sur le port d'arme ont empêché les gens d'arrêter les tueurs de confessions musulmanes. Dans le second cas, « tout le monde » était armé, alors les seules victimes ont été les deux tueurs, aussi musulmans, qui voulaient arrêter de force un évènement « blasphématoire » de caricatures de Mahomet.

Des frontières arbitraires

« Mais les immigrants profitent de fonds publics et de l'aide sociale! » me diront d'autres. Alors la solution est simple : limiter les dépenses publiques à vérifier que les immigrants/réfugiés n'ont volé ni tué personne. Autrement, ils devraient être complètement libres de s'établir où ils veulent sur la planète, et ils peuvent se débrouiller pour s'établir dans leur nouveau patelin.

En effet, les frontières ne sont qu'un ensemble arbitraire de barrières qui empêchent la libre-circulation des biens et des personnes. Au bout du compte, tout le monde perd au change.

Alors oui, les immigrants et les réfugiés sont les bienvenus, car personne n'est illégal. Évidemment, ils seraient moins nombreux si nous cessions de bombarder leurs pays ou d'empêcher l'importation de leurs biens via des tarifs douaniers prohibitifs. Mais ça, c'est un tout autre débat...

Avril 2018

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