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L’appropriation culturelle n’existe pas

C'est ironique de voir les Autochtones vouloir seulement bannir « l'appropriation » de leur culture. Pourquoi ne pas pousser leur logique jusqu'au bout et bannir toute appropriation?
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La propriété intellectuelle, quant à elle, est un monopole garanti par les gouvernements pour empêcher d'utiliser ce qui est toujours abondant : les idées.
KarenMassier via Getty Images
La propriété intellectuelle, quant à elle, est un monopole garanti par les gouvernements pour empêcher d'utiliser ce qui est toujours abondant : les idées.

Après des années à se plaindre de « problèmes » tels un chef caucasien cuisinant du mexicain ou des costumes d'Halloween « insensibles », les social justice warriors pourraient avoir gain de cause. À la demande d'Autochtones, l'assemblée des Nations unies se penchera sur « l'épineuse » question de l'appropriation culturelle. Elle visera à imposer un ban en « élargissant la réglementation sur la propriété intellectuelle pour protéger les designs, danses, mots et médecines traditionnelles indigènes. »

C'est ironique de voir les Autochtones vouloir seulement bannir « l'appropriation » de leur culture. Pourquoi ne pas pousser leur logique jusqu'au bout et bannir toute appropriation? Ainsi, ils devraient se passer de tout ce que les Européens ont apporté depuis 1492, ce qui inclut (du moins, au nord du Rio Grande) : l'écriture, la construction, la métallurgie, les mathématiques, une foule de langues, la médecine moderne, etc.

Une idée n'a pas de propriétaire

La plupart refuserait, évidemment, puisqu'un retour au néolithique signifierait peine et misère. Ils seraient à la merci de Mère Nature, qui n'est pas si clémente de toute façon.

La propriété intellectuelle, quant à elle, est un monopole garanti par les gouvernements pour empêcher d'utiliser ce qui est toujours abondant : les idées.

Par ailleurs, ils ont une fausse idée quant à la propriété. Elle implique un objet physique comme une maison ou un objet acheté ou fabriqué par soi-même. C'est aussi vieux que la civilisation et est toujours rare. La propriété intellectuelle, quant à elle, est un monopole garanti par les gouvernements pour empêcher d'utiliser ce qui est toujours abondant : les idées.

Un tel monopole a donné lieu à des pratiques discutables telles le brevetage de gènes (annulé par la Cour suprême des États-Unis en 2013), ce qui aurait empêché toute recherche, ou le démarchage constant des studios Disney pour empêcher Mickey de tomber dans le domaine public – il l'aurait été en 1984.

La culture est une idée, et plus d'idées améliorent les cultures

Il en va de même pour une culture, « la connaissance, les croyances, l'art, la morale, le droit, les coutumes, les techniques et les habitudes acquises par l'homme en tant que membre de la société. » Nonobstant l'assimilation forcée comme les pensionnats autochtones, une culture est adoptée volontairement par les individus – un peuple n'est pas une masse homogène indistincte. Il en est ainsi parce que la culture sert l'intérêt personnel des gens, soit maintenant (en offrant un cadeau) ou dans l'au-delà (aller dans un édifice religieux pour prier). Même en considérant la pression des pairs, l'adoption d'une culture est volontaire.

Comme toute invention, une tradition culturelle enrichit la vie de tous les humains l'utilisant.

Qui a « inventé » quoi et quand est généralement impossible à déterminer pour les vieilles traditions. Mais même quand un début est facile à identifier – pensez à des styles musicaux comme le blues ou le rap – ça demeure avant tout une idée. Comme toute invention, une tradition culturelle enrichit la vie de tous les humains l'utilisant.

Et plus de contacts signifie (généralement) l'amélioration de ladite idée. Prenez la poutine en exemple. De vulgaire « fast-food », elle est devenue un symbole culturel du Québec. N'en déplaise à certains nationalistes se plaignant de son « appropriation » par le Canada, le fait qu'elle soit présente partout devrait au contraire être célébré. Qui n'aime pas la galvaude? Ou une poutine avec des saucisses?

Cette « appropriation » montre que la culture de la poutine est bien vivante. Si les nationalistes avaient décidé de la garder « pure », peut-être n'existerait-elle pas aujourd'hui – le manque d'évolution est ce qui tue une idée. Imaginez si Céline Dion avait décidé de demeurer pure laine en ne chantant pas en anglais. Malgré son grand talent, elle aurait fini par être à court d'auteurs à interpréter et ne serait sans doute pas devenue une des meilleures vendeuses de disques sur la planète. Et considérant la portée restreinte de la culture francophone, elle ne chanterait peut-être même plus.

C'est exactement ce qui attend les cultures autochtones si elles interdisent « l'appropriation. » Empêcher les non-Autochtones d'utiliser ce qui n'est traditionnellement pas « leur » signifie une moins grande exposition desdites cultures. Une moins grande audience signifie une moins grande exposition à leurs idées, ce qui signifie qu'elle aura une portée très restreinte et se limitera à quelques fêtes multiculturelles.

Bref, toutes les personnes de toutes les origines devraient accueillir l'évolution culturelle à bras ouverts – appropriation a cette connotation de coercition. Puisque les humains ne forment qu'une seule espèce, il ne sert à rien d'isoler une idée parce que « nos ancêtre » l'ont découverte ou conçue. Au contraire, on devrait rêver qu'une culture soit reprise par les autres; ils pourraient ainsi vouloir mieux la connaitre et venir nous visiter.

Ce contact enrichira m'importe quelle culture. D'ailleurs, les cultures qui évoluent – qui répondent le mieux au changement – sont les plus fortes. C'est pourquoi le français du Québec est si vigoureux; plusieurs néologismes – pensons seulement à courriel – sont devenus courant et sont même adoptés en France afin de faire contrepoids aux anglicismes souvent trop faciles à utiliser.

Avril 2018

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