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Trump roule-t-il pour Hillary?

Trump aime plus amuser la galerie en scandalisant qu'exercer le pouvoir.
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Lors du dernier débat des candidats à l'investiture chez les (fort mal nommés) Républicains américains, Ted Cruz a affirmé que Trump avait dit d'Hillary Clinton qu'elle était la meilleure secrétaire d'État. Les fact checkers du New York Times ont retrouvé la déclaration de Trump dans laquelle le millionnaire dit effectivement qu'Hillary est «super» (terrific) ajoutant: «I like her».

L'interview sur Fox News est disponible ici.

On lit partout que Trump est raciste, xénophobe, misogyne, insultant, méprisant et agressif et cela est assurément juste. Dans les médias dominants, Hillary Clinton, par contre, est dépeinte en féministe, progressiste, soucieuse des plus faibles et proche des Afro-Américains. Le contraste médiatique ne pourrait donc être plus marqué.

Sauf que tout est faux dans la description de Clinton. Elle a contribué à vilipender les femmes de classes défavorisées qui avaient eu une aventure avec Bill Clinton (so much for sisterhood: pas très féministe de descendre la femme dominée dans une relation inégale). Madeleine Albright, une autre Secrétaire d'État, a promis l'enfer aux femmes qui oseraient ne pas soutenir Hillary Clinton et elle s'était distinguée en déclarant que 500 000 victimes mortes à cause des sanctions contre l'Irak, cela valait le coup. Drôle de féminisme guerrier.

Hillary Clinton est à la solde de Wall Street pour laquelle elle fait des conférences grassement payées dont elle ne veut pas révéler la teneur. Même le New York Times qui la soutient la presse de révéler ces textes--qui, bien sûr mettraient en évidence sa connivence avec les profiteurs des sub-primes et de l'argent du contribuable.

Clinton a soutenu la suppression d'une loi du New Deal qui séparait banques d'affaires et banques de dépôt (Glass-Steagall) puis elle a soutenu une loi sur la criminalité (crime bill) qui visait les Noirs en priorité. Son image médiatique est donc totalement faussée.

On présente Trump comme un populiste qui capte la colère des «petits Blancs», ce qui assurément n'est pas faux, mais sans jamais expliquer que le ressentiment des Blancs a des causes socio-économiques dont les néolibéraux au pouvoir, qu'ils soient Démocrates ou Républicains, sont en grande partie responsables. La montée des démagogues de droite trouve souvent ses racines dans l'austérité et la paupérisation, comme les exemples des années 20 et 30 l'indiquent. Trump est un démagogue qui renvoie à Andrew Jackson ou Huey Long ou le Père Coughlin aux États-Unis ou encore Mussolini ou Hitler en Europe.

Le mot populiste est souvent vide de sens, il sert à dénoncer ses opposants. Dans les médias dominants, ce terme est omniprésent, surtout pour dénoncer les «extrêmes» de droite et de gauche en les renvoyant dos à dos. Ainsi Trump et Sanders sont tous deux mis dans le même panier infamant, l'un est appelé «populiste de droite» et l'autre «populiste de gauche».

Pourtant l'un, Trump, voudrait construire un mur entre le Mexique et les États-Unis et appelle les Mexicains des violeurs, il voudrait-dit-il empêcher l'arrivée de tous les musulmans aux États-Unis et ne rate pas une occasion de faire des déclarations sexistes. L'autre, Sanders, voudrait augmenter les impôts des plus fortunés, rendre l'enseignement supérieur gratuit et instituer une assurance maladie universelle, comme il en existe en Europe. On le voit, ils n'ont rien à voir et la gauche et la droite existent bel et bien. Seuls les esprits mal intentionnés de ceux et celles qui se pensent les élites naturelles ne voient pas que l'on a à faire à des approches politiques radicalement différentes.

La pensée politique d'Hillary Clinton qui se flatte d'avoir reçu les compliments d'Henry Kissinger peut s'illustrer par une citation. Sur la Libye et l'intervention occidentale qui a violé les termes de la résolution de l'ONU, elle a déclaré: «On a vu on est venu, il est mort» en parlant du dictateur Kadhafi. Oui, effectivement et l' on a bien vu le chaos causé par cette intervention camouflée en opération humanitaire. Diane Johnstone a écrit un livre sur Hillary Clinton qui s'intitule Queen of Chaos.

Donc est-il si bizarre de penser que peut-être Trump roule pour Hillary? Les années de proximité entre Trump et les époux Clinton sont connues. Trump déteste Obama qu'il a longtemps accusé de ne pas être un Américain de naissance, mais vis-à-vis d'Hillary c'est tout le contraire.

Trump est un bouffon nauséabond qui parfois crache ses quatre vérités à un rival. Les autres candidats républicains sont eux aussi des ultra-réactionnaires, mais Trump parle des erreurs et mensonges de Bush sur l'Irak et Poutine lui fait les yeux doux. Il n'est pas sûr qu'il veuille aller jusqu'au bout de sa candidature. Trump aime plus amuser la galerie en scandalisant qu'exercer le pouvoir.

En démolissant le GOP (parti républicain), qu'il soit le candidat choisi ou pas, Trump prépare la voie à Hillary Clinton qui a déjà fait la preuve qu'elle serait une marionnette parfaite pour le monde des affaires. Face à Trump, Clinton apparaitrait comme la candidate de la raison, face à un autre républicain déjà ridiculisé par Trump, Hillary serait également la candidate de l'establishment la plus porteuse.

Michael Bloomberg, le milliardaire qui fut maire de New York pendant 10 ans (2002-13) a annoncé qu'il se présenterait à l'élection si Bernie Sanders était le candidat du parti démocrate et Trump celui du parti républicain. Il aurait des chances, car l'establishment a besoin d'une marionnette fiable ou de placer l'un des siens à la présidence.

Si Sanders est candidat, il y aura au moins un non-millionnaire dans la course sinon ce sera la bataille d'une millionnaire contre un milliardaire. Déjà le Congrès compte une majorité de millionnaires parmi ses rangs. Tous les discours qui tentent de décrédibiliser Sanders en le mettant dans le même sac que Trump (ce qui est l'équivalent de mettre Martin Luther King et Reagan dans le même sac) visent à créer l'impression que seule Hillary Clinton est raisonnable, fiable, pas populiste.

Hillary Clinton est une démagogue qui suit Sanders à la trace sur le plan rhétorique, mais a déjà fait allégeance à la finance et à l'extrême droite israélienne. Trump l'aime bien, elle aime bien Netanyahou et Kissinger la vénère. Comme son mari lorsqu'il était au pouvoir et qu'il pratiquait la triangulation. En anglais il existe une expression wolf in sheep's clothing (loup déguisé en agneau) et l'on peut donc dire qu'Hillary Clinton est une républicaine de droite déguisée en progressiste; elle parle la langue de la gauche sans y croire. Elle est le pendant démagogique de Trump, c'est pourquoi elle est chérie par ce que Mike Lofren appelle «l'État profond», c'est-à-dire les puissances du complexe militaro-industriel et médiatique. Il y a quelques années un chroniqueur de The Nation, Eric Alterman, avait parlé de Kabuki Democracy pour évoquer l'impossibilité d'avoir un président progressiste aux États-Unis. Le Kabuki électoral continue et les personnages ne sont pas ceux que laissent voir leurs masques.

Enfin pour terminer cette présentation du théâtre de marionnettes, signalons qu'il y a une femme progressiste (donc ipso facto féministe) dans la course: il s'agit de Jill Stein candidate du tout petit parti vert. Ses chances d'être élues sont inexistantes et elle n'existe pratiquement pas pour les médias.

Ce billet a initialement été publié sur le Huffington Post France.

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