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Donald Trump, un président marionnette?

Donald Trump n'a pas de grandes convictions politiques, mais a soif de foules en adoration. Il réduit les sujets sérieux à des affirmations narcissiques et il accepte d'être la marionnette de ses conseillers qui veillent à ne pas le froisser et à flatter son égo.
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J'avais annoncé en août 2016 que Trump ne voulait pas être élu et qu'il ne le serait pas. Erreur donc qui a donné lieu à des moqueries sur Internet par la suite (les experts se trompent). En dépit d'un déficit de voix d'environ 3 millions, Trump a bien été élu grâce à une avance d'un peu plus de 77 000 voix dans trois États clés. La question portant sur son désir, à savoir s'il le voulait vraiment reste cependant pertinente.

En dehors du flux d'annonces et de mesures toutes contradictoires et catastrophiques qui caractérisent ses premières semaines de pouvoir et indépendamment du flot de mensonges tous aussi ridicules et éventés les uns que les autres, on peut décerner deux tendances de fond de cette présidence apparemment hors normes.

Tout d'abord, ses décisions effectives, nominations aux postes de ministres, à la Cour suprême suivent un schéma typique: elles sont toutes réactionnaires et ploutocratiques. Sa présidence s'annonce désastreuse dans tous les domaines et notamment pour la protection de l'environnement. Trump fait allégeance à la finance qu'il avait mise dans son collimateur de campagne et est totalement «goldmanisé».

La seconde caractéristique est le décalage entre certaines positions annoncées et des discours des responsables que Trump s'est choisis: ainsi l'OTAN n'est plus obsolète, mais au contraire une organisation à laquelle les États-Unis tiennent tellement qu'ils souhaitent, comme l'a dit le vice-président Pence, faire payer plus les autres membres de l'organisation. La Chine attaquée et moquée lors d'un appel à la dirigeante de Taiwan a maintenant obtenu l'assurance que la politique dite «d'une seule Chine» s'appliquait toujours. Nikki Haley, ambassadrice à l'ONU, réaffirme le soutien américain aux sanctions contre la Russie à la suite de l'invasion de la Crimée. L'ambassade américaine en Israël qui devait rejoindre Jérusalem dès le premier jour du mandat de Trump est toujours à Tel-Aviv. Le premier ministre israélien a certes été reçu comme un grand ami de Trump et les deux hommes ont pu se réjouir du fait qu'Obama ne soit plus dans les parages, mais Israël a été averti que les colonies juives ne favorisaient pas la paix.

Sur le plan intérieur, Trump veut faire croire qu'il applique son programme économique et qu'il sauve des emplois, mais les délocalisations continuent et surtout son programme de baisse des impôts pour les plus riches, jumelé à la déréglementation tous azimuts ne peut que réjouir le monde des affaires. Son attaque contre la loi de régulation bancaire Dodd-Frank adoptée en 2010 est un cadeau fait aux banques. Sur le plan de la protection de l'environnement, la régression est patente: position procharbon, fin des réglementations, pipe-line avec le Canada (et la complicité du premier ministre canadien Justin Trudeau un peu trop vite érigé en anti-Trump).

Donc, dès que nous quittons le cirque où le bouffon continue à faire campagne, dès que nous bouchons nos oreilles en installant un filtre anti-mensonges, nous voyons un président contredit par ses ministres et des politiques hyperréactionnaires typiques de la dérive droitière qui affecte le parti républicain depuis les années 60, et les États-Unis depuis l'arrivée de Reagan au pouvoir. Le bouffon fait son cirque, mais il est aussi la marionnette des forces réactionnaires qui l'ont porté au pouvoir et ont imposé Steve Bannon d'abord dans sa campagne puis comme conseiller à la Maison-Blanche.

Aujourd'hui, les médias dominants sont majoritairement anti-Trump et souvent sur une ligne néolibérale et les médias alternatifs de gauche sont également anti-Trump, mais sur une ligne beaucoup plus progressiste.

Les États-Unis connaissent un paysage médiatique clivé, les médias dominants sont la propriété de grandes sociétés et les médias alternatifs sont nombreux et particulièrement doués pour le journalisme d'investigation dans la tradition du muckraking qui date du début du 20e siècle. Aujourd'hui, les médias dominants sont majoritairement anti-Trump et souvent sur une ligne néolibérale et les médias alternatifs de gauche sont également anti-Trump, mais sur une ligne beaucoup plus progressiste. La liberté de la presse doit beaucoup à ces sites alternatifs (tout au moins à ceux qui ne donnent pas dans les théories du complot) qui font un travail de grande utilité démocratique, comme si des dizaines de Canard Enchaîné produisaient de l'information aux États-Unis.

Le site The Real News Network a mis en ligne une vidéo qui explique comment un milliardaire, Robert Mercer et sa famille, notamment sa fille, sont intervenus pour sauver la campagne de Trump en juillet 2016. Ils ont, non seulement financé la campagne, mais ils lui ont offert un réseau de compétences incluant la firme Cambridge Analytica, spécialiste des sondages personnalisés, ainsi que les compétences organisationnelles de Steve Bannon, à la tête de la publication alt-right (extrême droite) Breitbart et de Kellyanne Conway qui devint la porte-parole de Trump et l'est toujours.

En d'autres termes, le clown cruel dont les talents de démagogue avaient fait leurs preuves fut entouré d'adultes professionnels financés par des milliardaires hyperréactionnaires pour mettre de l'ordre dans une campagne chaotique qui semblait mener à l'échec.

La répartition des rôles qui date de la prise en main de la campagne par les Mercer continue à ce jour. Un attrape-gogos qui se fait passer pour l'ami de la classe moyenne des perdants de la mondialisation dans ses clowneries et ses plaisanteries cruelles encadrées par des professionnels de la réaction antidémocratique.

Ce système n'est pas nouveau et il fut décrit avec talent et compétence par Jane Meyer dans son livre Dark Money, The Hidden History of the Billionaires Behind the Rise of the Radical Right. Jane Meyer a surtout étudié l'influence délétère des frères Koch, de grands pollueurs qui ne veulent pas être des payeurs sauf pour financer les causes réactionnaires. Certains responsables politiques sont totalement dans la poche des frères Koch ou de Sheldon Adelson et chez les démocrates on trouve Georges Soros ou les magnats de la Silicon Valley.

La famille Mercer soutenait Cruz avant d'être invitée par la fille de Trump, Ivanka, à soutenir son père. Les financiers de la réaction changent facilement de cheval si leurs intérêts sont défendus.

Bien plus qu'une hypothétique intervention russe dans la campagne (même si, bien sûr, la Russie, comme les États-Unis, espionne à tout va et s'il est clair que Trump admire les hommes forts comme Poutine, Netanyahou ou Erdogan) Trump apparaît ici comme la marionnette d'un groupe de milliardaires motivés. Lorsque ses excès langagiers, utiles pour tromper les gogos, s'avèrent décalés par rapport à l'agenda des milliardaires, ils sont immédiatement atténués, retraduits, contredits en douceur par l'entourage de Trump.

Cet entourage n'est pas à l'abri des bourdes, le fameux «Muslim ban», par exemple, a été rédigé trop vite pour passer la barrière des tribunaux, mais c'est clairement lui qui guide un Trump qui non seulement est assez ignare et s'informe sur les sites les moins fiables comme Fox News, mais n'a pas envie de mettre les mains dans le cambouis, ne souhaite pas lire et étudier des dossiers compliqués et préfère son rôle de grand guignol à celui de président responsable.

George W. Bush était fortement influencé par Dick Cheney et Trump est lui aussi le jouet de ceux qu'il a nommés sur les conseils de son équipe de milliardaires motivés. Pence, Bannon et Conway contrôlent le clown impulsif qui fonctionne au narcissisme renforcé par la foule. Trump n'a pas de grandes convictions politiques, mais a soif de foules en adoration. Il réduit les sujets sérieux à des affirmations narcissiques et il accepte d'être la marionnette de ses conseillers qui veillent à ne pas le froisser et à flatter son égo. On peut donc dire qu'il ne veut pas être président responsable, mais rester bouffon infantile et que ceux qui ont le pouvoir effectif n'ont pas été élus. Reste à savoir combien de temps l'État profond gardera son bouffon.

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