Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

2013: retournement de tendance ou un simple répit pour le régime syrien?

INTERNATIONAL - D'emblée, 2013 semble commencer sous de meilleurs auspices que janvier 2012 pour le régime de Bashar al Assad à travers plusieurs événements importants. Il y a d'abord l'intervention française au Mali contre les "mouvements terroristes islamistes", ce qui rend plus délicate un soutien aux rebelles et aux "forces pro-démocratie" en Syrie, dont les éléments combattants se sont de plus en plus radicalisés et ressemblent parfois traits pour traits à leur épigones sahéliens. Ensuite, il faut tenir compte des conséquences de la réélection d'Obama avec la désignation des deux principaux membres de son équipe.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

D'emblée, 2013 semble commencer sous de meilleurs auspices que janvier 2012 pour le régime de Bashar al Assad à travers plusieurs événements importants. Il y a d'abord l'intervention française au Mali contre les "mouvements terroristes islamistes", ce qui rend plus délicate un soutien aux rebelles et aux "forces pro-démocratie" en Syrie, dont les éléments combattants se sont de plus en plus radicalisés et ressemblent parfois traits pour traits à leur épigones sahéliens.

Ensuite, il faut tenir compte des conséquences de la réélection d'Obama avec la désignation des deux principaux membres de son équipe : John Kerry d'abord, porté à la tête de la diplomatie et connu pour sa connaissance de la Syrie et son approche non-partisane (préféré à la très interventionniste et pro-ingérence Susan Rice), et Chuck Hagel ensuite, un ancien sénateur républicain iconoclaste, partisan d'un interventionnisme a minima, réservé sur les sanctions internationales, qui aura pour tâche de diriger le pentagone, une institution qu'il n'a pas manqué de critiquer dans le passé pour ses dépenses excessives ou inutiles. Le président américain tentera ainsi au cours de son second mandat d'être définitivement le "jeffersonien" qu'il a toujours souhaité être, c'est-à-dire un dirigeant avant tout soucieux de stabilité internationale afin de mieux se concentrer sur les défis intérieurs, ce qui implique que l'éradication des systèmes dictatoriaux ou autoritaires n'est pas prioritaire, à condition toutefois qu'ils n'agissent pas contre les intérêts américains (1). Quant à la situation sur le terrain, elle n'est pas des plus favorables pour ses ennemis, car après près de deux ans de lutte, sans intervention occidentale à l'horizon ou livraison d'armes performantes, les opposants (pas ailleurs divisés) n'ont toujours pas réussi à prendre le contrôle d'aucune ville d'importance, et surtout de celle qui aurait pu aboutir à renverser véritablement le rapport de forcer en leur faveur, Alep, où ils sont semble-t-il enlisés pour un certain temps. Si on y ajoute le soutien quasiment sans faille de la Russie et de l'Iran, ses principaux alliés et soutiens au niveau politique, militaire et économique, Bashar al Assad peut espérer que le plus dur est passé et que viendra bientôt l'heure des négociations, comme semble l'attester son discours prononcé en début d'année devant un parterre de partisans galvanisés et les récentes déclarations de Moaz El Khatib, le chef de la coalition nationale syrienne, principale structure d'opposition reconnue au niveau international.

Mais, s'il semble patent que les observateurs et les analyses partisanes des opposants au régime, qui annonçaient sa chute plus ou moins imminente se sont trompés, il ne faudrait pas tomber dans l'excès inverse et prendre pour argent comptant les déclarations des baathistes qui considèrent comme inéluctable l'échec de l'insurrection. Le régime reste certes plus homogène que l'opposition et a démontré une certaine forme de résilience, mais il est néanmoins fragile et en partie soumis à l'évolution de la conjoncture régionale et internationale. Ainsi, il suffirait que Moscou et Washington trouve un accord pour une neutralisation réciproque au Moyen-Orient (sans parler d'un éventuel rapprochement entre Américains et Iraniens, pour le moment hypothétique) pour qu'Assad soit fragilisé et obligé de lâcher du lest. Un autre défi est aussi sa capacité à bâtir une économie de guerre alors que le PIB est en chute libre et que les ressources pétrolières se tarissent peu à peu (les récents découvertes d'hydrocarbures en Méditerranée orientale n'étant pas exploitables avant longtemps). Par ailleurs, et comme l'a souligné récemment le géographe Fabrice Balanche, directeur du GREMMO (2), Assad peut peut-être espérer gagner la guerre, même si c'est a minima (c'est à dire sans forcément reprendre le contrôle de l'intégralité du territoire) mais pas la paix, car il ne réussira pas à ressouder la majorité de la population autour de lui ou de son régime sur le long terme. S'il l'emporte, cela sera une victoire à la Pyrrhus et non pas une reconduction pour un nouveau bail de sept ans en 2014. Les puissances qui bénéficient d'une influence en Syrie doivent donc préparer dès aujourd'hui l'avenir du pays dans le cadre d'un véritable partage du pouvoir, avec des garanties pour les minorités et une partie de l'appareil militaro-sécuritaire, en contrepartie de quoi on peut espérer arrêter l'effusion de sang et la destruction programmée de cet Etat longtemps incontournable au Proche-Orient, garant d'un minimum de stabilité.

  1. Pierre Berthelot, « Obama face au conflit israélo-palestinien : entre espoirs et réalités », Geostratégiques, n°29 (Où va l'Amérique d'Obama ?) 4ème trimestre 2010, pp. 193-208 ( www.strategicsinternational.com/29_13.pdf). Pour approfondir ces réflexions, on pourra lire avec profit le récent et excellent ouvrage dirigé par Charles Philippe David : Théories de la politique étrangère américaine, Les Presses de l'Université de Montréal, 2012, 532 pages.
  2. Groupe de recherche et d'études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient, basé à Lyon -(www.gremmo.mom.fr)
Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.