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Bélugas du St-Laurent: tout est à recommencer

Je me suis réveillé ce matin en beau fusil. À cause des bélugas du Saint-Laurent. Après avoir fait le tour du monde pendant 20 ans pour parler de leur sort, après avoir écrit un livre et montré ma binette dans des douzaines de films et de reportages dans toutes les langues, je croyais en avoir fini avec eux. Que leur vie dorénavant se déroulerait paisiblement. Mais non !
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Je me suis réveillé ce matin en beau fusil. À cause des bélugas du Saint-Laurent. Après avoir fait le tour du monde pendant 20 ans pour parler de leur sort, après avoir écrit un livre et montré ma binette dans des douzaines de films et de reportages dans toutes les langues, je croyais en avoir fini avec eux. Que leur vie dorénavant se déroulerait paisiblement. Mais non ! Voilà que Trans-Canada veut construire un port pétrolier dans leur fief de Cacouna.

En sortant du lit, je me suis senti tiré vers l'arrière, de retour à toutes ces années où je passais chaque journée à m'inquiéter pour les bélugas, au point d'en devenir un peu maboul. Et je me suis souvenu de la phrase de Al Pacino, alias le Parrain (le 2, je crois, traduction libre): « Juste au moment où je suis en train de devenir respectable, voilà qu'ils me ramènent à eux !»

Mais quelle aberration que ce projet ! D'un bout à l'autre ! La première étape consiste à faire des levés sismiques et des forages. J'ai bien suivi dans les médias les échanges entre Trans-Canada et ses opposants. L'argument massue du promoteur consiste à dire qu'il a des permis de Pêches et Océans Canada. La belle affaire ! Messieurs, cela ne vous dégage en rien de votre responsabilité directe envers une espèce de mammifère hautement évoluée qui est classée comme menacée. C'est votre entreprise, et non le ministère, qui mène des travaux dans un habitat essentiel à sa survie.

En outre, nous savons tous que le gouvernement canadien, dans sa mouture récente, fait tout pour affaiblir les lois qui nous protègent, nous, en préservant l'environnement. Je note simplement que le projet de loi mammouth de 2012 cachait dans ses replis des dispositions pour affaiblir la Loi sur les Espèces menacées. Ce gouvernement a également une attitude inappropriée, dangereuse et méprisante à l'égard des données, de l'information et des scientifiques qu'il musèle. Il est très facile dans les couloirs et les officines de l'administration de contourner les recommandations des employés scientifiques et spécialistes qui sont au fait d'une question, afin de produire une autorisation qui, bien qu'elle soit légale, n'a aucun poids moral.

D'un point de vue scientifique, il est aberrant de procéder à l'émission de sons de 230 décibels dans des eaux habitées par des baleines. La distance de 500 mètres que vous préconisez ne vise qu'à prévenir les blessures graves à l'ouïe, mais ne prévient pas le dérangement. Le son se transmet dans l'eau beaucoup plus vite et loin que dans l'air. Croyez-vous qu'un humain dans un champ ne serait pas dérangé par un avion gros transporteur dont les moteurs rugissent à moins de 100 mètres de lui ? On interdit aux touristes de s'approcher, même dans le plus grand silence, à moins de 400 mètres des bélugas, justement pour éviter de les déranger.

En ce qui concerne les observateurs, sur l'eau ou dans les airs, qui veillent à détecter la présence de bélugas à moins de 500 mètres avant que vous ne « tiriez un coup », il s'agit d'une assurance illusoire. Des années d'étude par bateau et par avion en scrutant la mer m'ont appris que des bélugas peuvent surgir à l'improviste à quelques encablures sans avertir. Voyez-vous, les bélugas passent la majeure partie de leur vie sous l'eau, pouvant faire beaucoup plus que cette distance sans remonter, invisibles, particulièrement dans des eaux qui sont chargées de sédiments comme au large de Cacouna.

En définitive, c'est dans leur objectif ultime que vos activités présentes ont le moins de sens. Les travaux préliminaires que vous entreprenez visent à préparer un projet qui causera encore plus de tort à cet habitat essentiel pour le béluga. La construction et l'opération d'un port, le va-et-vient des navires-citernes et autres navires de support, le risque d'accident et de déversement, voilà autant de sources de dérangement inacceptables pour le béluga, espèce menacée dans son habitat essentiel.

Si je l'examine à une autre échelle, celle que vous appeliez, dans une récente entrevue, « un choix de société », votre projet de pipeline et de port me ramène encore plus loin en arrière. À une autre vie dont je m'ennuie parfois : l'ère des dinosaures. Pour assurer la société de demain aux prises avec les changements climatiques dus aux émissions de gaz à effet de serre, il faut réduire la consommation de pétrole, et non l'augmenter. Ces efforts de réduction doivent logiquement être dirigés en tout premier lieu vers les sources de pétrole les plus polluantes, soit précisément les sables bitumineux de l'Alberta. Vu sous cet angle également, et peut-être encore davantage, votre projet est absurde. Il aura pour effet de diriger la société encore plus rapidement vers cette dégradation de l'atmosphère qui menace les mers, les terres émergées et tout ce qui y vit, incluant les bélugas, nous et nos familles, vous et vos enfants.

Comme l'aurait dit le Parrain : « Vous m'avez tiré de ma retraite. Ça va barder ! »

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