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Stoppons la haine et ses ambassadeurs, maintenant

Nous avons de quoi être fiers du sursaut citoyen des gens de Québec et du Québec. Mais il est temps pour nous tous de faire un examen de conscience comme société et de réfléchir aux causes du drame survenu cette semaine et qu'au fond de nous-mêmes, nous connaissons déjà pour certaines.
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Ceux qui me connaissent savent que quand je prends ma plume, c'est pour parler de notre beau pays, le Québec, parler de son avenir politique et en particulier du rôle que les citoyens issus de l'immigration doivent jouer dans celui-ci, car cela me tient à cœur.

Notre belle ville de Québec, d'ordinaire si tranquille, pacifique, où les citoyens vivent en harmonie, a été touchée en plein cœur et c'est aujourd'hui une profonde tristesse et une vive colère qui m'animent.

Au bout du fusil, le doigt sur la gâchette, il y a un homme et des idées extrémistes. Mais s'arrêter au simple mirage du fou solitaire serait trop facile. Comme société, il est absolument crucial de nous poser des questions sur les causes de cette tragédie.

Les armes à feu

Comment est-il possible, en 2017 dans une société civilisée, qu'un homme puisse entrer dans un lieu de culte et assassiner des personnes réunies pacifiquement pour prier, avec une arme d'assaut illégale? Les armes à feu sont une des principales causes d'homicides au Canada et la première cause de suicides. Si vous vous demandez encore l'origine de la majorité des armes illégales impliquées dans des homicides ici, pensez à un gros pays qui adore les armes et qui adore surtout en faciliter l'accès et vous aurez la réponse; il s'agit de notre voisin états-unien.

Au-delà de nos voisins, nous devons d'abord nous questionner sur la bonne foi de nos gouvernants. Quand on sait avec quel acharnement le gouvernement conservateur de Harper s'est évertué à non seulement étendre les catégories d'armes licites, supprimer le registre des armes à feu, mais même à systématiquement en détruire toutes les données, y compris au Québec où nous avons assisté à une bataille juridique entre les deux paliers de gouvernements, on peut s'interroger sur le contrôle qu'il souhaitait également exercer sur les armes illégales. Après quatre ans de bataille, les données québécoises ont elles aussi été détruites suite à la décision sans appel de la Cour suprême. On est en droit de se questionner. À quel point les détenteurs d'armes, légales ou illégales, se pensent justifié d'être en possession de leurs armes à feu quand leurs dirigeants en légitiment visiblement la possession?

La montée du populisme d'extrême droit

Bien sûr, plusieurs ont fait le lien entre l'élection de Donald Trump, ses premiers décrets controversés et un passage à l'acte pour assassiner six de nos compatriotes québécois de confession musulmane. Bien sûr, l'arrivée de Donald Trump et les thèmes et promesses sur lesquels il s'est fait élire sont inquiétants, en particulier pour nous, voisins immédiats et société pacifique, au Québec. Bien sûr, constater que le leader du pays le plus puissant du monde pave la voie à l'intolérance par ses propos et ses actes (envers les Mexicains, les femmes, les minorités, les musulmans, etc.), peut envoyer aux personnes fanatiques et sectaires le message que leur discours est légitime, que le rejet et la haine sont un mode de pensée acceptable.

Mais surtout, l'arrivée de Trump s'inscrit dans un phénomène plus inquiétant et plus vaste à l'échelle internationale. Une radicalisation des modes de pensée, un accroissement des clivages politiques, sociaux, raciaux et une montée inquiétante du populisme dans les pays occidentaux. Il se caractérise par un discours simpliste basé sur le repli économique, le rejet des élites et des intellectuels et la haine des minorités. On pense à la France avec Marine Le Pen, mais également à la percée du UKIP qui a précipité le Royaume-Uni hors de l'Union européenne, ou encore aux Pays-Bas, à la Hongrie ou à la Grèce et son effrayant parti néonazi Aube dorée, pour ne citer qu'eux.

Dans le cadre de cette tendance, nous avons vu émerger des groupes d'extrême droit, identitaires, xénophobes et islamophobes au Québec ces dernières années. N'en déplaise à François Legault, il y a un courant de pensée islamophobe et plus largement xénophobe au Québec. Ce mouvement est particulièrement important dans la région de Québec et en cela, il n'est malheureusement pas si étonnant qu'un drame soit survenu dans notre ville.

Les médias haineux de Québec

Une variable (parmi plusieurs) alimente particulièrement ce phénomène : la complaisance de certains médias. En fait, plus que cela, on peut parler dans certains cas de bienveillance, de collaboration voire de participation. Et vous connaissez, nous connaissons tous les noms de ces médias et de leurs meneurs, ces grands gourous du commentaire et de l'opinion à l'emporte-pièce. Alors qu'attendons-nous au juste pour les dénoncer sur la place publique, eux et leurs méthodes?

Comment s'étonner de ce qui vient de s'abattre sur nous quand on sait tous les propos racistes et xénophobes, anti-écologistes, anti-femmes, anti-immigrants, anti-pauvres, etc. qui pullulent sur certaines ondes de Québec? Ou quand, il y a huit mois, lorsqu'une tête de porc était déposée au Centre culturel islamique (celui-là même où ont été tuées six personnes), sur les ondes d'une de ces radios, on banalisait cet acte raciste en le décrivant comme une « joke », on questionnait le « manque d'humour » des musulmans et on se demandait en quoi cela pouvait être de la haine de l'autre?

À force de vomir leurs propos banalisant le racisme, ils ont réussi à installer un climat toxique de haine et de méfiance dans de nombreux cœurs.

La liberté d'expression dont se drapent plusieurs médias de Québec, leurs pathétiques demies excuses cette semaine sont des faux-fuyants pour justifier la haine qui se répand depuis trop longtemps. Honte à eux pour leur rôle direct dans le drame que vit notre ville.

Et que dire de leurs bons élèves, les courageux racistes des médias sociaux et autres trolls intolérants, qu'on laisse, à visage couvert la plupart du temps, même parfois à découvert, se multiplier dans l'espace public et répandre le sectarisme et la désinformation en toute impunité?

Les autres grands médias d'information eux-mêmes font le jeu de tous ces commentateurs intolérants, en leur donnant de l'espace, en parlant d'eux, en les relayant ou même lorsqu'ils en rient; alors que leur rôle exige de dénoncer la désinformation. En cela, ils contribuent à les légitimer.

Il faut agir

L'incitation à la haine raciale, à la xénophobie, le négationnisme, l'islamophobie, punis bien plus sévèrement dans d'autres pays, doivent être sanctionnés chez nous. Au législateur d'agir! En cela, nos élus, tant qu'ils ne s'élèveront pas contre cette intolérance, tant qu'ils ne dénonceront pas clairement cette banalisation du racisme et qu'ils ne légiféreront pas, continueront de se faire les complices de cette diffusion à grande échelle de l'intolérance. Honte à eux pour leur inaction. Honte à nous tous pour n'avoir pas dénoncé plus haut et plus fort la banalisation du racisme.

Nous avons de quoi être fiers du sursaut citoyen des gens de Québec et du Québec. Mais il est temps pour nous tous de faire un examen de conscience comme société et de réfléchir aux causes du drame survenu cette semaine et qu'au fond de nous-mêmes, nous connaissons déjà pour certaines.

C'est assez! Il faut sensibiliser. Il faut prévenir. Il faut éduquer. Il est temps d'agir, maintenant, pour stopper la haine qui se répand comme un poison. Et que plus jamais nos différences ne nous divisent, mais plutôt qu'elles nous renforcent et nous permettent d'ériger, ensemble, une société tolérante, qui apprend de sa diversité.

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