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Le cardinal Burke incarne la profondeur des divergences chez les catholiques

Ce qui se cache derrière le terme de conservateur dont le cardinal américain Raymond Burke est affublé, c'est la réalité d'une Église qui, plus que jamais, constate l'écart vertigineux entre ses enseignements et ce que vivent réellement les gens aujourd'hui.
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Le cardinal américain Raymond Burke est attendu à Ottawa cette semaine où il doit participer à un événement caritatif. L'une des figures qui polarisent le plus l'opinion publique catholique défraie régulièrement la manchette de la presse spécialisée en raison de ses positions qualifiées d'homophobes, misogynes et moyenâgeuses. Bien que l'impact de son passage dans la capitale risque d'être minime, sa venue permet néanmoins de s'intéresser à la dynamique catholique actuelle dont il est en partie le reflet.

Depuis l'élection du pape François, on a souvent opposé les deux hommes. Présenté comme l'un des leaders des franges les plus conservatrices de l'Église catholique romaine, cet expert en droit canonique retient l'attention pour ses sorties publiques spectaculaires qui, aux yeux de plusieurs, détonnent avec les désirs d'ouverture de François.

Mais à se limiter à une telle lecture simplifiée, on risque d'évincer l'essentiel, plus révélateur du monde catholique. Car si l'on peut s'amuser ou se scandaliser des commentaires de cet homme de 66 ans, on aurait tort de balayer le phénomène Raymond Burke du revers de la main. En effet, ce n'est pas tant le personnage que ce qu'il représente qui importe : à vrai dire, le «phénomène Burke» est crucial pour comprendre les dynamiques à l'œuvre au sein de l'Église.

Une Église et ses défis

Après les crises des années Benoît XVI liées aux abus sexuels et aux relations avec les traditionalistes, l'Église bénéficie de la présence d'un souverain pontife dont la cote de popularité, contrairement à son prédécesseur, demeure élevée. Mais derrière la popularité de François, l'Église ne fait pas moins face à des enjeux douloureux.

Les persécutions contre les chrétiens à travers le monde et la transparence financière font partie des grands enjeux actuels pour elle. Ce ne sont toutefois pas des lieux où les catholiques s'affrontent : pour les persécutions, il y a consensus sur la gravité de la situation; pour les finances, ces querelles de chiffres en veston cravate n'ont que peu d'attrait pour la majorité des catholiques.

Or, on ne peut pas en dire autant de la question de la famille.

Cet autre grand thème monopolise l'attention des catholiques depuis 2013 et se déploie dans deux synodes successifs. Il s'agit de grandes rencontres d'évêques sur ce thème précis. Le premier synode a eu lieu l'automne dernier, le second se tiendra en octobre 2015.

Débats houleux

Ces synodes autour de la question de la famille sont devenus l'occasion de débattre de toute une série de réalités avec lesquelles l'Église doit composer afin de trouver la manière la plus appropriée d'y répondre. Or si les catholiques s'entendent pour dire que le message de l'Église sur la famille, le mariage et la morale sexuelle passe difficilement, les causes et les remèdes donnent lieu à des divergences d'approches et d'idées.

C'est dans ce contexte qu'émerge la figure du cardinal Burke.

Alors que plusieurs évêques et cardinaux se demandent s'il ne faudrait pas faire preuve d'une certaine audace pastorale (certains vont jusqu'à aborder la question de la bénédiction de couples homosexuels, une suggestion impensable il y a quelques années à peine), d'autres, à l'instar du cardinal Burke, résistent.

Ancien archevêque de Saint-Louis et jusqu'à tout récemment préfet du plus haut tribunal de l'Église (Tribunal de la Signature apostolique), ce cardinal américain s'inscrit dans la mouvance des «guerriers culturels», c'est-à-dire des évêques catholiques qui luttent contre une «culture de mort» (une expression de Jean-Paul II). Très souvent, ils ont l'appui de bon nombre de catholiques, qui partagent leur avis... Devant les «dérives» des sociétés postmodernes, ils s'évertuent à s'ériger en remparts de la civilisation chrétienne et défendre les enseignements historiques - rigoureux, mais destinés à mener à la réalisation du plan de Dieu pour les humains - contre le relativisme moral, les discours à la mode et les expérimentations pastorales aux issues incertaines.

En ce sens, énormément de catholiques voient en Raymond Burke un gardien du magistère à la parole prophétique qui navigue à contre-courant, dût-il déplorer la vie «adultère» des divorcés remariés et qualifier l'homosexualité de tendance «contre nature». À ses yeux, l'Église ne devrait jamais cesser de réitérer ses options fondamentales sur le mariage, l'avortement et la mort naturelle.

Le symbole des divergences

On a beau le traiter «d'ultraconservateur», son discours passe particulièrement bien dans l'Amérique du Nord anglophone et dans quelques pays européens, à commencer par la France. Bien entendu, ce ne sont pas tous les catholiques qui adhèrent à cette approche. Voilà pourquoi Burke incarne la profondeur des divergences chez les catholiques, y compris chez les évêques.

Ainsi, ce qui se cache derrière le terme de conservateur dont il est affublé, c'est la réalité d'une Église qui, plus que jamais, constate l'écart vertigineux entre ses enseignements et ce que vivent réellement les gens aujourd'hui. Une Église qui n'a rien d'un monolithe idéologique et qui vit autour de ces synodes un intense débat où rien n'est joué d'avance, où elle doit composer avec ses positions morales historiques, incarnées en partie ici par un Raymond Burke, et où elle devra, d'une manière ou d'une autre, décider dans quelle mesure elle osera faire place à de nouvelles pratiques et de nouvelles paroles dans sa relation avec les familles d'aujourd'hui.

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