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Abus sexuels et apocalypse rédemptoriste

Devant l'étalement de la faillite morale de plusieurs membres des Rédemptoristes dans un procès au cours duquel les requérants tentent de démontrer que les abus se faisaient dans le cadre d'un système bien établi, quel avenir attend la communauté à Sainte-Anne-de-Beaupré ?
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«L'histoire des Rédemptoristes pourrait devenir notre Mount Cashel québécois...» Cet ancien élève du Séminaire Saint-Alphonse de Sainte-Anne-de-Beaupré croisé par hasard l'autre jour était tout à fait sérieux.

L'avenir pourrait lui donner raison.

Le scandale de l'orphelinat de Mount Cashel géré par les Christian Brothers demeure l'un des scandales sexuels impliquant l'Église catholique les plus emblématiques de l'histoire canadienne. Jusqu'à tout récemment, il était le principal cas cité en (contre)exemple.

C'était avant la vague de révélations qui a forcé les diocèses néo-écossais d'Antigonish et néo-brunswickois de Bathurst à dédommager des dizaines de victimes, et avant les révélations de scandales sexuels qui ont déferlé sur les Clercs de Saint-Viateur et la Congrégation de Sainte-Croix.

C'était aussi avant les révélations faites dans le cadre du recours collectif intenté aux Rédemptoristes, qui permet de mieux saisir l'ampleur d'une perversité terrée et sournoise qui a pu jadis régner au Séminaire Saint-Alphonse.

D'ailleurs, il semble ici étymologiquement juste de parler de véritable «apocalypse rédemptoriste».

L'apocalypse rédemptoriste

Derrière les images de destruction massive qui surgissent à l'évocation du terme «apocalypse» se cache une définition oubliée de plusieurs, déconcertante de simplicité. Étymologiquement, «apocalypse» signifie «dé-caché», ou plus poétiquement «retrait du voile». L'idée générale est de montrer une réalité qui était cachée.

Cette réalité émerge à travers le «dévoilement» des abus endurés par les victimes dans les années 70 et 80 et donne lieu à la découverte d'un champ d'horreurs dont les conséquences se font encore cruellement sentir aujourd'hui.

À chaque témoignage, le voile est ainsi levé sur les gestes qu'ont subis de nombreux élèves de l'ancienne école secondaire. Les détails scabreux ne manquent pas, de la sodomie aux frenchs forcés, en passant par une brochette aussi imaginative que tordue de fellations, de gestes masturbatoires et d'attouchements.

Or, c'est justement la révélation de ces détails dans le cadre de l'audition du recours collectif qui le démarque des autres cas récents.

En 2009, le diocèse d'Antigonish a conclu une entente de 15 millions $ avec des dizaines de victimes. La Congrégation de Sainte-Croix s'est entendue pour 18 millions $ avec d'anciens élèves du Collège Notre-Dame, à Montréal, en 2011. Les diocèses de Bathurst (2010) et de Moncton (2012) ont fait appel à un ancien juge de la Cour suprême du Canada, Michel Bastarache, pour mettre en place un processus de conciliation. Le détail des dédommagements payés par ces deux diocèses n'est pas connu. Puisque tous ces dossiers ont été réglés sans avoir recours à des procès, les victimes n'ont pas témoigné. Des témoignages partiels parvenaient à la population lorsque certaines d'entre elles choisissaient de sortir de l'anonymat pour se confier à la presse. Autrement, il fallait se fier aux propos des avocats et aux paramètres de l'entente - lorsqu'ils étaient rendus publics - pour constater les dégâts.

Avec ce recours collectif, la population est plus à même de comprendre ce que peut impliquer concrètement un scandale sexuel d'une telle ampleur lorsqu'elle met en cause des membres d'une communauté religieuse en position d'autorité.

Impact sur la communauté

Les Rédemptoristes, à l'instar de bien d'autres communautés religieuses au Québec, sont loin de connaître une période de croissance. Leur héritage est tout de même considérable. D'un point de vue spirituel, ils ont assuré en grande partie le maintien et la promotion de la dévotion à sainte Anne en Amérique du Nord, et la propagation de la dévotion à Notre-Dame du Perpétuel secours, notamment grâce aux Annales de la Bonne Sainte Anne (qui existent toujours sous le nom de Revue Sainte Anne). Ils ont réussi à tout reconstruire après l'incendie de 1922 qui a rasé la basilique et leur monastère.

Mais devant l'étalement de la faillite morale de plusieurs membres de cette communauté dans un procès au cours duquel les requérants tentent de démontrer que les abus se faisaient dans le cadre d'un système bien établi, quel avenir attend la communauté à Sainte-Anne-de-Beaupré ?

La question allait se poser tôt ou tard, mais le procès la précipite à l'avant-scène du monde ecclésial québécois.

Mais attention : son avenir ne passe pas par la quantité de visiteurs à la basilique chaque année, ou par le nombre d'abonnements à la Revue Sainte Anne. Non. Son avenir passe d'abord par le renouvellement d'une vie fraternelle nourrie par sa foi, ainsi que par l'émergence d'une direction spirituelle solide, mais miséricordieuse. Bref, il s'agit de tirer les conséquences qui s'imposent face aux abus sexuels passés, de prendre ses responsabilités dans ce dossier et d'espérer... une rédemption.

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