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«Québec My Country Mon Pays» ou la nostalgie de ce Montréal anglophone d'antan

Le réalisateur John Walker nous fait redécouvrir cette identité commune, même si conflictuelle, des différents peuples qui ont dû constituer un pays ensemble malgré les conflits identitaires.
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Si on ressent de la sympathie pour cet homme qui se sent profondément attaché au Québec et son unicité, on finit également par se dire qu'il a la nostalgie de ce Montréal anglophone d'antan.
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Si on ressent de la sympathie pour cet homme qui se sent profondément attaché au Québec et son unicité, on finit également par se dire qu'il a la nostalgie de ce Montréal anglophone d'antan.

Malgré certains défauts, Québec My Country Mon Pays, le film du Québécois en exil John Walker maintenant en salle, est un documentaire sur l'histoire conflictuelle entre les anglophones et francophones du Québec qui ose quelque chose qui se raréfie de nos jours, soit émettre la proposition que le Québec et les Québécois, qu'ils soient de descendances françaises, anglaises, écossaises, irlandaises ou autres, sont le résultat d'un enracinement et d'un héritage conflictuel qui définit notre présent et, surtout, notre avenir.

Alors que le Canada et Montréal célèbrent leurs anniversaires respectifs par le prisme anhistorique du multiculturalisme et du discours diversitaire, Walker discute franchement des identités des francophones et anglophones enracinées au pays depuis plusieurs siècles et qui se sont souvent opposées, ce qui n'est pas peu dire, à notre époque.

Walker brise même certains tabous. Le cinéaste qui ne maitrise pas la langue française dévoile avoir voté pour le Parti québécois de René Lévesque lors de son élection en 1976, un fait presque impensable pour un anglophone aujourd'hui quand on considère le discours contemporain envenimé émanant d'une certaine presse anglophone (ainsi que celui qu'on entend dans les rues et cafés) qualifiant le PQ et le souverainisme au Québec, en particulier pendant et depuis les élections provinciales et l'attentat contre Pauline Marois de 2012.

Walker explore également l'ironie de ces anglophones qui se sentent en pays étranger lorsqu'ils quittent le Québec, à l'instar des Québécois francophones, pour s'installer en Ontario, comme les centaines de milliers d'entre eux l'ont fait depuis la montée du souverainisme québécois découlant de la Révolution tranquille. Comme quoi l'attachement au sol rassemble des peuples qui sont parfois à l'opposé l'un de l'autre.

La sympathie du réalisateur pour le Québec passe également par un sentiment de crainte émanant d'être une minorité d'anglophones dans une province majoritairement francophone qu'il partage avec ces mêmes Québécois qui se sentent assiégés et entourés par un océan anglophone entre le Canada anglais et les États-Unis.

Par son introspection douloureuse sur son exil hors Québec, le réalisateur va à l'encontre de l'époque du « citoyen du monde », incapable d'incarner sa patrie à laquelle il ne s'identifie pas, armé seulement de statuts légaux dans certains pays et sans allégeance autre qu'à sa propre caste déracinée.

Peut-être inconsciemment, Walker nous fait redécouvrir cette identité commune, même si conflictuelle, des différents peuples qui ont dû constituer un pays ensemble malgré les conflits identitaires.

Peut-être inconsciemment, Walker nous fait redécouvrir cette identité commune même si conflictuelle des différents peuples qui ont dû constituer un pays ensemble malgré les conflits identitaires. La question des anglophones au Québec (et des francophones hors Québec) nous rappelle en ce 150e anniversaire de la Confédération canadienne que c'est une histoire de plus de 150 ans de conflits linguistiques et identitaires, à savoir si le Québec pourra réellement prendre sa place autrement qu'en étant une province parmi les autres et si le fait français survivra en Amérique.

Cette question de la survie du français est la seule qui importe pour l'ensemble des francophones du Canada et du Québec, qui le sachent ou non. Pourtant, le silence autour de cette épée de Damoclès (de la part de Walker comme des gouvernements et des élites) qui a toujours pendu et pendra toujours au-dessus de la tête des francophones démontre qu'on essaie de submerger notre existence sous la cacophonie des festivités.

De là, le malaise qu'on ressent lors du visionnement du film de Walker qui raconte la quête identitaire d'un anglophone ayant grandi dans le confort et l'argent du l'Ouest de l'ile, malgré ses racines familiales prolétaires et agraires, qui se dépeint presque comme une victime et qui ne semble pas dépasser les clichés sur l'histoire du pays, que ce soit le Québec ou le Canada.

Si on ressent de la sympathie pour cet homme qui se sent profondément attaché au Québec et son unicité, on finit également par se dire qu'il a la nostalgie de ce Montréal anglophone d'antan, de ce Québec asservie d'autrefois où les anglophones, surtout ceux de descendances anglaises, pouvaient oublier l'existence même de ces pauvres canadiens-français, si ce n'était de les mépriser, pourvu qu'ils restent à l'Est du Boulevard Saint-Laurent ou bien sur leurs fermes.

D'ailleurs, les omissions et réalités historiques sont, à la limite, insultantes intellectuellement. Alors que Walker dépeint certains agriculteurs anglophones comme étant des victimes et des « citoyens de deuxième classe » dans un Québec français, il ne prononce pas un mot sur les lois et politiques dans les différents provinces et territoires canadiens, notamment en Ontario, sa province d'accueil, qui avait comme but explicite d'éradiquer le français (et même le catholicisme) hors Québec, et ce avant et après 1867.

La myopie historique de l'auteur nous fait croire que malgré toute sa bonne volonté, cela ne suffit pas pour franchir le fossé entre francophone et anglophone.

La myopie historique de l'auteur nous fait croire que malgré toute sa bonne volonté, cela ne suffit pas pour franchir le fossé entre francophone et anglophone. Comme quoi les deux grandes solitudes ne sont pas sur le point de se rapprocher.

En cette année marquée par ce syndrome post-moderne de l'hyperfestif bête et superficiel, le documentaire de Walker a le mérite de nous rappeler que notre histoire n'est pas celle que Mélanie Joly veut bien nous faire croire, un discours bilingue incompréhensible à la fois. Walker a également le mérite de discuter franchement et sincèrement d'une situation que plusieurs aimeraient jeter aux oubliettes. Pour cela, on se doit de le féliciter.

Mais en sortant de la salle de projection, on se demande tout de même si Walker comprend réellement le besoin d'une forme de forteresse francophone délimitée par les frontières du Québec où tout le monde peut y vivre en acceptant ce fait et que ce ne sera pas à Toronto, Calgary ou Vancouver que le français trouvera son salut en Amérique.

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