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Quand Xavier Dolan et Françoise Laborde disent la même chose

La lettre ouverte de Xavier Dolan à Françoise Laborde, la présidente du Conseil supérieur de l'audiovisuel français, fait réagir. Ce qui est frappant dans la lettre de Dolan, c'est à quel point l'art ne semble capable de se justifier et d'exister que par sa subjugation à la morale, que l'art se doit de défendre une cause dite «sociale». Ironiquement, Laborde défend elle aussi la morale alors qu'elle critique l'esthétique de la violence que le clip de Dolan représenterait.
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Capture Indochine

La lettre ouverte de Xavier Dolan à Françoise Laborde, la présidente du Conseil supérieur de l'audiovisuel français, contre la censure du vidéoclip College Boy d'Indochine fait réagir, après que le clip lui-même ait suscité plusieurs réactions.

Mais ce qui est frappant dans la lettre de Dolan, c'est à quel point l'art ne semble capable de se justifier et d'exister que par sa subjugation à la morale, que l'art se doit de défendre une cause dite «sociale». Ironiquement, Laborde défend elle aussi la morale alors qu'elle critique l'esthétique de la violence que le clip de Dolan représenterait.

Si Dolan et Laborde semblent être aux antipodes sur l'esthétisme, l'auteur français Philippe Murray, lui, démontre à quel point l'art dans notre ère moderne se présente comme possédant des «vertus miraculeuses de ses plantes médicinales dans le traitement ou la prévention des maladies sociales» dans son livre Après l'histoire. On est loin de la conception de Nietzsche qui voyait l'art comme une expression de la volonté de puissance, libre de la morale. Au contraire, il semble que de nos jours, la morale soit l'art et vice versa.

Philippe Murray ajoute «qu'il n'y a plus de différence entre le discours des artistes, celui de l'élite éclairée et ceux de la classe politique.»

Il est difficile de ne pas voir dans la citation de Murray un Xavier Dolan défendant son oeuvre sur une base morale et médicinale quand l'artiste accuse Laborde de «vouloir les priver (les jeunes) de notre message» et ainsi «interdire à cette même jeunesse un documentaire sur le taux de suicide chez les mineurs.» Un peu plus et le clip d'Indochine sera obligatoire dans nos salles de cours.

D'un autre côté, Françoise Laborde brille dans son rôle de «l'élite éclairé» fusionné avec la «classe politique» qui nous protège tous contre la violence inimaginable de Dolan. Après tout, qui peut supporter l'image de la crucifixion?

Laborde voudra-t-elle aussi censurer la Bible ou simplement effacer l'Évangile de Mathieu? Si le clip de Xavier Dolan est esthétiquement insupportable, il lui sera encore bien plus difficile de supporter la violence avec laquelle Jésus Christ meurt sur la croix, après avoir été torturé d'une façon comme seuls les Romains savaient le faire, et ce pendant plus que quelques minutes, soit la durée du vidéoclip de College Boy. Les bien-pensants bureaucrates de l'État nous traitent parfois en petit gamin incapable de mettre quelque chose en contexte et surtout de décider pour nous-mêmes ce que l'on juge acceptable ou non.

Mais peut-être que Laborde et Dolan ne sont qu'un reflet de notre époque. Après tout, Dolan en vient même à idolâtrer l'Internet et la technologie comme étant émancipatrice et rendant impossible la censure contre l'obscurantisme de Laborde et des technocrates. Cette croyance en la technique, l'Internet en étant l'exemple premier, est bien une caractéristique de notre ère alors que nous croyons trouver notre salut dans une technologie qui nous sauvera de nous même. Il est ironique de la part de Dolan d'utiliser l'image du Christ, le fils de Dieu qui meurt pour nos péchés et ensuite prêcher le Dieu tout puissant de la modernité: la technologie.

L'ironie de Dolan va plus loin, alors que ce dernier laisse entendre que si la violence et l'intimidation à l'école sont un problème aujourd'hui, c'est un problème technique et non de message et de valeurs:

« Il faut désormais faire preuve d'imagination et d'audace pour savoir réellement imprimer leur esprit. J'aurais voulu, à cet âge, qu'on me dise tout le mal que je pouvais faire en insultant de manière incessante un camarade de classe, dans le but probable d'échapper moi-même aux brimades des autres, mais les brochures éducatives en papier glacé et les vidéos corporatifs sur l'intimidation passaient inaperçus dans la cour d'école où il fallait survivre à la meute. »

Si Laborde se croit gardienne des moeurs dans son rôle de technocrate qui «produit» le bien et la morale par une censure comme un ingénieur construit un pont, Dolan lui, croit être celui qui apporte la bénédiction et la délivrance par une technique de la communication basée sur l'esthétisme. Comme quoi, il nous faudrait un clip d'Indochine pour comprendre le message biblique, parce que personne n'irait ouvrir et lire la Bible dans sa bonne vieille version fait de papier et de reliures.

Le sacré et la tradition ne peuvent pas «réellement imprimer leur esprit» comme le dit Dolan, il faut donc de l'esthétisme et de la musique pop pour nous faire comprendre ce qu'est le «bien» dans nos cours d'école.

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