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L'idée semble hérétique. Personne ne prendrait cela sérieusement. Mais si certains sondages, dans la foulée de la victoire du Parti québécois, indiquent que plusieurs anglophones du Québec songeraient à quitter la province, peut-être faudrait-il nous poser la question: et si au lieu de se battre contre les partis souverainistes, les anglos s'y joignaient?
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L'idée semble hérétique. Personne ne prendrait cela sérieusement. Mais si certains sondages, dans la foulée de la victoire du Parti québécois aux dernières élections provinciales, indiquent que plusieurs anglophones du Québec songeraient à quitter la province, peut-être faudrait-il nous poser la question. Et si au lieu de se battre contre les partis souverainistes, les anglos s'y joignaient?

Les anglophones votent très majoritairement pour le Parti libéral du Québec, car la question de la souveraineté est axiomatique. Ce qui les empêche de considérer l'idée de voter pour un parti souverainiste, peu importe la plateforme politique d'un quelconque parti souverainiste. Mais de façon purement intellectuelle, imaginons qu'une partie de la communauté anglophone en vienne à voter pour un parti souverainiste - le Parti québécois ou Option nationale par exemple - dans une proportion suffisante, même sous le seuil des 50 % du vote anglophone.

Que des fabulations me direz-vous ! Mais le changement sur la scène politique serait l'équivalent d'une onde de choc qui bouleverserait le système des partis dont nous avons hérité depuis la création du PQ en 1968 et la chute de l'Union nationale en 1970.

Bien sûr, il faudrait qu'une proportion suffisante de la communauté anglophone en arrive à supporter l'idée de l'indépendance, en reconnaissant l'aboutissement historique que cela représenterait (et qui est nécessaire pour un peuple comme celui du Québec). La logique est la même en ce qui concerne la place que le français se doit d'occuper au sein d'un nouveau pays québécois. Du même coup, la communauté anglophone reconnaitrait à quel point elle est en fait québécoise dans son identité et comment elle n'est pas en confrontation avec elle. Elle forgerait alors cette identité conjointement et non par opposition.

Chaque anglophone du Québec, même s'il se dit sûrement Canadien avant d'être Québécois, sait très bien lorsqu'il voyage dans le reste du pays que son identité est différente de celle du reste des Canadiens. Les anglophones du Québec ont souvent une appréciation de la langue française, de l'histoire du Canada et de ses deux peuples fondateurs qui est trop rarement maîtrisée par le reste du Canada. L'ignorance de l'histoire même du Canada - dont le Rest of Canada fait preuve lorsqu'il se laisse aller dans ses élans périodiques de Québec Bashing - illustre bien le fossé entre les anglophones du Québec qui, eux, savent éviter ces bouffées de chaleur sans fondement grâce à leur compréhension des nuances et de la nature complexe de notre histoire. Le côté distinct de l'identité québécoise a dépeint grandement sur les anglophones, au point qu'il est difficile, voire regrettable, d'imaginer un Québec sans leur apport culturel, économique et même linguistique.

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Si on en vient à accepter que les Québécois de descendance française et britannique partagent une identité et une histoire commune bien à eux, l'idée qu'une partie de la communauté anglophone puisse voter pour un parti souverainiste, comme une part importante des francophones vote pour un parti fédéraliste, ne semble pas si farfelue.

Du point de vue électoral, si une frange significative de la communauté anglophone devait voter pour un parti souverainiste, cela briserait le monopole du PLQ sur l'intention de vote anglophone et forcerait même un parti comme le PQ à créer un consensus qui inclurait la vision du Québec de ces anglophones souverainistes.

Si ce parti souverainiste devait prendre le pouvoir grâce à ce support de la communauté anglophone, même par le soutien d'un dixième seulement de celle-ci, le PLQ se devrait d'innover et de finalement offrir quelque chose d'autre que le statu quo au lieu de pouvoir compter sur le vote anglophone par défaut, sans avoir à faire quoi que ce soit pour le mériter.

Pour le parti souverainiste en question, le PQ par exemple, ce support électoral pourrait faire pencher l'équilibre du pouvoir de son côté, ce qui pèserait lourd au sein du parti étant donnée l'influence que cette frange anglophone aurait. Il ne faudrait pas imaginer que le PQ ou tout autre parti indépendantiste laisserait tomber le côté identitaire et linguistique d'une plateforme électorale souverainiste, ou même d'un référendum, mais celle-ci se devrait d'inclure une vision partagée, du moins influencée, par son électorat anglophone.

Pour l'instant, si les critiques du gouvernement Marois prennent la forme d'une contestation de ses politiques identitaires et linguistiques avec le projet de Loi 14, le PQ ne perd aucun vote au sein de la communauté anglophone, car il n'en a déjà à peu près aucun. Une vision plus constructive, au lieu de la critique incessante et parfois loufoque et mal exprimée du Parti québécois, pourrait se faire de l'intérieur du parti alors que le PQ n'aurait d'autre choix que d'écouter et de faire participer les députés élus grâce à un support anglophone.

La dynamique politique changerait entièrement et passerait de la confrontation constante entre le PQ et la communauté anglophone, à une participation conjointe, du moins dans une certaine proportion. Les Don MacPherson, Barbara Kay et les partisans d'Alliance Québec de ce monde ne disparaitraient pas, mais ils ne pourraient plus se réclamer porte-parole de la communauté anglophone, car celle-ci serait politiquement plurielle et libérée de l'emprise du discours libéral. Il y a fort à parier que sur les questions du multiculturalisme et du rôle de l'État dans son intervention dans l'économie et la société, beaucoup d'anglophones pourraient finalement faire valoir leur façon de voir la société qui est beaucoup plus républicaine et interventionniste que ce que le discours libéral laisse entrevoir. Les anglophones n'auraient plus à choisir «entre la mafia et les séparatistes» alors que voilà pas si longtemps les anglophones eux-mêmes comparaient le PLQ à la mafia.

Les deux monolithes souverainiste et fédéraliste qui ont divisé le Québec en traçant une ligne dans le sable linguistique seraient alors bousculés et forcés de s'adapter. Si nous cherchions une sortie de l'impasse actuelle, voire générationnelle, de la politique québécoise, c'est peut-être celle-ci. Celle où les anglophones du Québec reconnaissent la légitimité de la souveraineté et surtout, qu'ils s'incluent dans cette définition d'un Québec souverain. Une fois cela accompli, l'identité québécoise pourrait se construire de façon mutuelle au lieu d'être conflictuelle comme elle l'a été trop souvent dans le passé.

Idéaliste? Utopique? Impossible? Surement. Mais ça n'empêche pas de rêver.

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