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Le Mexique confronté à l'élection de Donald Trump

La population mexicaine est très inquiète des conséquences de l'élection de Donald Trump pour l'économie du pays. Quoiqu'elle partage ces inquiétudes, la classe politique tâche de se montrer rassurante en affirmant que les liens commerciaux qui unissent les deux pays sont tout simplement trop étroits pour être dissous.
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La grande majorité des Mexicains était consternée à l'annonce de la victoire de Donald Trump et considère que son arrivée au pouvoir plonge leur pays dans une grande incertitude. Sa rhétorique belliqueuse à l'endroit des Mexicains, sa promesse d'ériger un mur à la frontière et sa menace d'abolir l'ALÉNA continuent de semer l'inquiétude.

Au niveau commercial, la résiliation ou même la renégociation de l'ALÉNA pourrait mener à la perte de millions d'emplois au Mexique, dont l'économie dépend lourdement des États-Unis. Selon une étude menée par la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (ONU), l'élimination complète de l'entente entraînerait une baisse de 2.7% du Produit national brut.

En effet, près de 88% des exportations du Mexique vont vers les États-Unis et le commerce bilatéral entre les deux pays s'élève à 531 milliards. Plusieurs s'inquiètent aussi de la chute soudaine du peso, qui pourrait conduire à une dangereuse spirale inflationniste. La population mexicaine est donc très inquiète des conséquences de l'élection de Donald Trump pour l'économie du pays.

Quoiqu'elle partage ces inquiétudes, la classe politique tâche de se montrer rassurante en affirmant que les liens commerciaux qui unissent les deux pays sont tout simplement trop étroits pour être dissous. Dans les faits, 40% du contenu des biens que les États-Unis importent du Mexique est américain.

Le président Peña Nieto, vivement critiqué pour avoir invité Donald Trump en août dernier, a affirmé qu'il était disposé à « moderniser », mais non à résilier l'entente. Face à l'incertitude qui entoure la politique commerciale de Donald Trump, le Mexique commence à forger des alliances avec la Chine et entend également resserrer les liens avec le Canada.

Alors qu'il avait été très critique à l'endroit de Donald Trump et avait soutenu publiquement la campagne d'Hillary Clinton, le magnat des communications mexicain Carlos Slim, qui figure parmi les hommes les plus riches au monde, a dîné avec Donald Trump lundi dernier. Slim considère que le Mexique pourrait bénéficier d'une croissance plus robuste aux États-Unis ou, dans la perspective de tarifs plus élevés sur les produits mexicains, que le pays pourrait se concentrer sur le développement et la protection des industries locales. Il se joint aux quelques analystes qui croient l'économie mexicaine suffisamment solide et mature pour s'adapter au protectionnisme américain et à la fluctuation de sa devise, du moins à moyen terme.

En jetant un coup d'œil aux grands quotidiens mexicains depuis un mois, l'opinion publique est également inquiète de la xénophobie affichée du président élu et particulièrement du sort réservé aux ressortissants mexicains qui vivent aux États-Unis. Dans la même veine, on craint l'interdiction ou l'imposition des remises de fonds vers le Mexique, qui s'élèvent à près de 25 milliards de dollars et représentent une véritable planche de salut pour plusieurs familles.

La rhétorique de campagne de Donald Trump n'est pas étrangère au fait que les Américains d'origine mexicaine représentent le groupe le plus à même d'accélérer les changements démographiques qui verront les Américains blancs devenir minoritaires d'ici quelques décennies. Trump a donc su prêter une forme concrète à ce qui est perçu comme une menace existentielle par plusieurs blancs américains peu éduqués.

Rappelons que la relation entre les États-Unis et le Mexique est unique à plusieurs égards. La frontière entre les deux pays a une portée symbolique importante puisqu'elle sépare le pays le plus prospère du monde d'un pays émergent, où certaines sections de la population demeurent extrêmement pauvres. Au fond, la construction d'un mur à la frontière, qui est loin d'être une idée nouvelle, met en relief la volonté d'opérer une ségrégation entre riches et pauvres.

Les relations entre les États-Unis et le Mexique constituent aussi un site privilégié pour observer le fonctionnement et les effets de la mondialisation. Le bilan de l'ALÉNA est très mitigé à la fois pour les États-Unis et le Mexique. La libéralisation du commerce a entraîné des dislocations sociales et économiques importantes et a favorisé certaines zones géographiques aux dépens d'autres, soit le Nord industrialisé au Mexique et les États du Sud aux États-Unis.

En l'espace de quelques décennies, le Mexique est passé de l'un des pays les plus protectionnistes qui soient à l'un des pays les mieux disposés à l'égard de la mondialisation néolibérale. Depuis les années 1990, les dirigeants mexicains ont généralement vanté les mérites du traité, malgré la grogne populaire et l'opposition de plusieurs intellectuels.

Donald Trump a déjà montré des signes d'apaisement en abandonnant une partie du discours qu'il l'a fait élire et en tenant des propos apparemment très différents en privé. Malgré cela, on peut croire que dans le contexte d'une économie mondiale aussi intégrée, le virage protectionniste américain aura des conséquences sérieuses sur plusieurs pays en développement et qu'à long terme le Mexique ne sera pas épargné.

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